http://sante.lefigaro.fr/actualite/2011/06/15/10938-vache-modifiee-pour-produire-lait-humain?position=4&keyword=lait
Discussion avec un ami, de surcroît plus ou moins marxiste révolutionnaire, à propos d'une innovation génétique par laquelle on pourrait faire produire du lait "humain" par des vaches.
Mon ami y voit une limite à ne pas franchir, partageant ainsi allègrement les émois métaphysique des curés et des écolos new age.
Je me dis qu'à l'heure de l'urgentissime urgence écologique dont mon ami ne manquera pas de se faire le prophète atterré, l'Humanité va devoir faire face (si elle parvient à se sortir du capitalisme) à des défis de santé, de production agricole, de réparation environnementale qui vont exiger de formidables mutations pour lesquelles on aura un tout aussi formidable besoin d'un effort scientifique sans précédent.
Ou plutôt si, il y a eu un précédent. Celui-ci a couru sur les 30 000 ans à travers lesquels l'Humanité a récolté et chassé, sélectionné, croisé, éliminé des races animales et des espèces végétales par une manipulation génétique certes "douce" (quoique) qui a accouché de ce qui aujourd'hui, tant bien que mal, nous nourrit et nous soigne. Les vaches, le blé... le riz.
En ce temps là pourrait-on dire, les humains avaient le temps devant eux. Néanmoins il est à peu près évident qu'ils ont dû eux-même (et elles mêmes soi dit en passant) payer un lourd tribu en souffrances, maladies, famines, épidémies, empoisonnements et mortalité, à ce labeur de modifications génétiques multiples.
Certes les modifications qu'ils faisaient procédaient par croisements et sélections, mais occasionnaient aussi, je crois bien, des mutations. Et aujourd'hui s'il ne s'agit plus de croiser des bovins, il s'agit de modifier des bovins, non pas en en modifiant la conscience de soi, mais en travaillant sur certaines de leurs capacités : fabriquer un lait donné. Et alors ? Dieu dans tout ça ?
Les défis qui sont les nôtres ont changé radicalement d'échelle (quoique proportionnellement la survie d'une tribu si elle n'avait que des vaches peu productives en lait donc en fromage...). Nous sommes quelques milliards, nos besoins sont immenses (je parle des 99% pas des 1% de Wall Street), la planète est en grand danger et ainsi de suite. Nous n'avons pas le temps. Nous l'aurons de moins en moins. Sauf avec les néomalthusiens de laisser faire les catastrophes et la sélections dite naturelle pour voir ce qui restera au bout.
Et nous n'avons comme outil sérieux que nos sciences et nos techniques. Elles seules (et non une décroissance dont on voit mal comment elle pourrait répondre à la hauteur des catastrophes en cours d'accélération, même si une redistribution - voire une distribution pour certaines populations dénuées de tout, devra passer aussi par le réapprentissage d'une sobriété des besoins et de la durabilité des biens d'usage). Elles seules donc, sciences et techniques pourront sous l'égide d'une société politique "communiste" (de partage : coopératives et services publics pour la satisfaction des besoins raisonnés de tous et de chacun, et non d'accumulation boulimique de capital) tenter de répondre à ces urgences.
Dans leur arsenal il y a l'indispensable innovation génétique aussi bien pour sauver des espèces, les reconstituer, enrayer des maladies ou des épuisements génétiques, en constituer de nouvelles résistantes aux aléas climatiques en cours de constitution, ainsi qu'à la soif humaine d'une vie saine et elle aussi le plus durable possible. Et développer une production qui en aura bien besoin surtout quand on constate avec justement nos antiOGM que le monde est fini, et qu'il va falloir compenser cette finitude en terres, en matières premières, en capacités vivrières etc... par de l'ingéniosité humaine.
Qu'on ne fasse guère confiance aux capitalistes donneurs d'ordre pour que les scientifiques nous créent des modifications génétiques tous azimuts sans dérives et sans risques majeurs, c'est une évidence. Mais on ne leur fait pas plus confiance pour porter au pouvoir dans les divers états des politiciens astucieux et intègres, cela ne nous conduit pas à demander l'abandon du suffrage universel. Oui, les capitalistes sont capables de tout avec les OGM (comme sans d'ailleurs) ce n'est pas à la solution qu'il faut s'en prendre mais au problème : le renversement du capitalisme.
Bref.
Il y a dans le refus des OGM, leur interdiction pure et simple sans examen critique de ce qui fait problème et de ce qui fait solution, sans faire appel à des scientifiques politiquement et scientifiquement fiables (non achetés par des conflits d'intérêts), il y a dans ce refus quelque chose de radicalement irrationnel. Une défaite de la pensée. Un abandon de la raison qui me sidère et me désespère mais qui va bien avec l'air du temps, un air où l'instauration capitaliste de la panique comme art de gouverner, dévoie les énergies, affole les esprits et brouille la raison.
Surtout dans des milieux qui prétendent tenter de penser le monde, le révolutionner, œuvrer à une société d'émancipation universelle permanente (en quelque sorte), bref des milieux de la transformation qui versent là dans la superstition la plus plate, le procès en sorcellerie envers la science (lorsqu'on demande l'interdiction des OGM ce ne sont pas les capitalistes et leur logique qu'on attaque mais les scientifiques et leur travail de création par la raison), un fétichisme envers un vivant mythifié, figé, stérile même...
Car qu'y a-t-il de plus modifié qu'une vache actuelle ou qu'un blé dur ?