Tina c’est cet acronyme anglo-saxon qui résumait jusqu’ici le crédo des ultra du libéralisme. Celui de la fin de l’Histoire qui voyait un capitalisme désormais triomphant s’imposer dans toute sa dureté, nue et crue, à toutes les confins du monde, aux gens, aux cultures, aux espaces, à toute vie jusqu’à la compromettre sur la planète ; Tina c’était après moi le déluge, une sorte d’ultime vérité fulminée par la Thatcher : "il n’y a pas d’alternative".
Le déluge, les Grecs l’ont vécu. Pas besoin de décrire ni d’épiloguer, beaucoup a été dit sur cet étranglement d’un peuple, enfin de la partie “populaire” de ce peuple, son immense majorité absolument pressurée par l’absolutisme nouveau : l'absolutisme du libéralisme obtus, rapace, vengeur plus radical dans sa globalité que tant d’absolutismes passés, mais se présentant revêtu du lin blanc des vérités économiques incontestables, et de la probité candide d'ordonnateurs inébranlables par ailleurs spécialistes, on l'a vu, de l’évasion fiscale mondiale et des trucages de comptes gouvernementaux.
Et voilà que de cette même Grèce, l'arme de la démocratie se lève, brandie par une sorte d'Antigone moderne. Je ne parle pas de l’absolue démocratie dont nous rêvons, mais du minimum syndical que les institutions européennes tolèrent : le suffrage universel. Les dites institutions s’en accomodaient jusque là très bien : quand un peuple faisait un caprice il suffisait de lui reposer la question avec ce qu’il fallait de chantage, de menaces et d’admonestations jusqu’à ce que de guerre lasse il donne enfin la bonne réponse, et c’était tout. Quant un peuple un peu plus frondeur leur flanqua un Non retentissant et sans appel à la figure, il leur suffit de faire le gros dos, de laisser passer le suffrage, puis de concocter un traité bien protégé des bruits de foules par l’entre soi d’élus du peuple pour qui la grandeur de l’élu (l’Homme d’état) c’est d’avoir le courage (oui, oui) de faire une fois élu le contraire de ce pour quoi et pourquoi on l’avait élu.
Donc TINA l’acronyme thatchérien qui signifiait de façon péremptoire et définitive qu’il n’y avait d’autre solution que l’austérité libérale et encore l’austérité libérale et toujours l’austérité libérale pour amener les peuples à la raison : celle de la “responsabilisation” individuelle qui enterre les solidarités et même, dixit la même Tchatcher, la société : “ la société n’existe pas, ils n’y a que des individus” pérorait-elle sentencieuse, et les individus étaient priés de s'en remetre au Marché, idole goulue qui n'en finit pas de se gaver de sueur et de sang.... Donc, TINA se meurt par la volonté du peuple Grec, hier de 36% des votants, aujourd’hui semble-t-il d’une grande partie de son opinion publique, insomniant une Europe plongée dans une torpeur amère par les crises et les blablas de l'absolutisme libéral.
Il y aurait une alternative donc : ils sont en train de négocier nous dit-on. Un arrangement, un compromis, du flou sans doute (donc un loup...). Il est vraisemblable que Syriza obtiendra un peu de ce qu’elle veut, elle ne tiendra pas tout ce qu’elle a promis, mais comment y croire ? Les temps sont durs, la Grèce est un tout petit peuple, les capitalistes allemands sont hors d’eux, et les petits valets européens qui ont été de bons élèves de l’austérité sur le dos de leurs peuples l’ont mauvaise. Mais voilà nul ne sait ce que donnerait un “défaut” de la Grèce, une crise politico économique durable causée par de petits messieurs sans cravate qui font leurs arrogants au nez et à la barbe des grands dirigeants responsables. Nul ne sait où irait une Europe déjà bancalisée par toutes sortes de crises et par une grosse stagnation menaçante... Surtout si ces Grecs s'entêtent, or ils ne peuvent que s'entêter, la seule variable c'est jusqu'où.
Alors, sinon ils se feront lyncher à Athènes, il va y avoir une TIAA, oui un autre terme à l'alternative. Déjà le chœur des thuriféraires sourcilleux de la Révolution avec un grand R et plein de petits Lénines courroucés qui la prédisaient avant même l’élection et l’attendent avec gourmandise depuis, va enfin entonner le grand air de la trahison. Syriza n’a jamais promis la révolution, ni appelé. Mais qu’importe, comme elle l’aurait dû, ils l’en tiendront comptable !
Syriza va sans doute faire ce qu’elle pourra et arracher l’arrachable, ce sera toujours ça de bon pour le peuple Grec qui n'en peut plus, raisonnons syndicaliste. Ensuite, on verra.
Cela a déjà et aura plus encore si l’équipe gouvernementale grecque parvient ne serait-ce qu’à un pas trop mauvais compromis, un effet majeur auprès des opinions européennes mais aussi des nébuleuses de la gauche de la gauche pas tout à fait obtusément doctrinaires ni rivées aux socio démocrates. Cet effet c’est de prouver que TINA peut mourir et qu’elle meurt et que s'il y a déjà une alternative alors il peut y en avoir d'autres.
Beau cadeau grec à l'Europe des luttes, du refus de l'austérité et de l'émancipation !
Si les gnômes de Bruxelles (et d’ailleurs) avaient un tant soit peu de connaissance de la Grèce, ils pourraient murmurer en tremblant : timeo danaos et dona ferentes.