Stéphane Alliès nous présente dans Mediapart du 15, les « Islamistes du NPA de Vaucluse » (je lui laisse la responsabilité) dans leur nouvelle vie militante à la suite de leur sortie du NPA. Il nous les présente comme qui dirait « revêtus à ses yeux de lin blanc et de probité candide ». On sent son empathie, respectable, presque sa sympathie, pourquoi pas, et c’est bien son droit mais le journaliste y perd un peu de sa pertinence et le lecteur beaucoup de quoi penser.
Ainsi évoque-t-il avec désinvolture presqu’à la rigolade, les « menaces verbales et physiques » auxquelles certain membre de cette équipe se serait laissé aller. Ayant été l’objet des unes, et témoin des autres, j’aurais préféré soit l’omission… charitable (on a tous nos coups de sang), soit moins de désinvolture. De même fait-il allusion, sans autre, aux propos tenus par Nora Benameur dans l’émission de Canal +, et renvoie-t-il à la lettre ouverte de protestation, qui n’ouvre d’ailleurs pas grand chose. Or les propos (parti de blancs par exemple) ont été bel et bien été tenus, et Alliès devrait savoir que ce n’est hélas pas la première fois, que ce ne sont pas simplement des paroles en l’air, et que ça fait partie du contentieux politique qui a conduit à leur départ. Mais passons…
Il évoque aussi leur action auprès des prisons, « que les autres partis de gauche auraient délaissées », il devrait savoir que c’est une vieille tradition locale issue de la LCR à laquelle d’ailleurs certains membres du groupe étaient au départ réticents. Et que c’est justement autour de cette question des suicides en prison que la LCR puis le NPA reprenant la tradition les amenèrent à se mobiliser. Comme quoi, on apprend des choses de la LCR.
Il relate, et j’en suis ravi, ces phrases d’Ilham Messaoui : «Quand on aura le temps de parler de religion et de ma façon de m'habiller, je veux bien en discuter. Mais il n'y a pas d'autres problèmes à régler en France d'ici là? A commencer par l'égalité des salaires, non?»
Il devrait savoir que c’est précisément ce qui avait été demandé à Ilham comme candidate parmi d’autres et qu’elle n’a pas fait durant la campagne, au contraire, se laissant savamment mettre en scène à partir et sur sa religion. Deux langages ou une avancée ? Question de journaliste, non ?
De même ne peut-on qu’être ravi de la voir maintenant préférer comme « porte d’entrée » dans son travail dans « les quartiers », plutôt que la religion et le foulard, « l’égalité des salaires ». « Ces autres problèmes à régler en France » avant de discuter religion et foulard, c’est exactement ce que nous lui demandions à l’époque, Alliès le sait, et qui fut un vif sujet de dissension entre l’équipe autour d’elle et le reste du NPA local. Et dont on ne peut pas dire que servait l’affichage de la religion et du foulard auquel elle s’est prêté avec son équipe, précisément, durant des semaines sinon depuis.
Tout cela Stéphane Alliès devait bien le savoir et une fois passé son ravissement de tant de fraîcheur qu’il semblait découvrir, il aurait pu en journaliste d’investigation, rappeler les termes des débats dont celui-ci n’était pas le moindre et se poser la question de ces minuscules contradictions entre un discours et des actes.
Qu’Abdel Zahiri dise aujourd’hui « Qu'on ne puisse pas porter le voile dans les services publics, c'est normal » me ravit, mais Alliès devrait quand même se renseigner pour savoir si cette position était bien la sienne lorsque le débat déchira le NPA, et si ce ne fut pas, là aussi, l’un des motifs de rupture.
Quant à la question féministe, je suis pantois qu’il aille jusqu’à titrer « regarder ce qu’il y a derrière la burqa, regarder la personne humaine » sans sourciller sur ce que justement "enferme" la burqa.
Il signale aussi le ravissement d’Hendrick Davi de retrouver « le plaisir de militer » sans les « guéguerres stratégiques à l'extrême gauche, les luttes de pouvoir ou d'influence », mais le journaliste devrait s’intéresser à la position des candidates d’AJCREV sur le deuxième tour et leur façon d’envisager leur rapport au PS qui, pour le coup, faisait naguère problème avec Hendrick. Et ces questions bassement stratégiques se rappelleront à ce militantisme tout auréoléde joyeuseté candide par un journaliste que je respecte trop pour penser qu’il le soit (candide) et dont je me dis que tout à son ravissement il a oublié d’y penser.
Alors ?
Bref, et ceci étant dit, je me dit que les débats aussi amers et blessants pour tout le monde, que nous avons eus en Vaucluse, avec Nora, Abdel, Ilham et l’équipe, n’auront pas été totalement vains. Sur des questions aussi importantes que celles évoquées ici et ignorées hélas de mon journal préféré, le débat a peut-être bougé, nous verrons.
Par contre Stéphane Alliès me déçoit : quand le journalisme d’investigation n’investigue plus guère, confond (excusez m’en) le tourisme amical avec l’enquête, et ne va pas, derrière la candide réalité qu’il expose, chercher le fond des choses ni la vérité des gens.