Certains camarades, aimablement, mon âge aidant, taxent mes récents billets sinon de radotage du moins de ressassement. Il est vrai que je reviens et reviens sur les dernières séquences de notre gauche de la gauche de la gauche. C'estma famille, mon pays, mon passé, notre présent et, j'y compte bien, notre avenir car si nous ne sommes pas "de la même génération" nous sommes bel et bien contemporains.
Solidaires dans la peine et l'espoir, dans la lutte.
Il y a une vieille manie dont nous sommes porteurs, c'est celle de nous écharper jusqu'à épuisement, à propos des "tâches" que nous devrions nous donner, lesquelles sont hélas débattues hors de tout réalisme voire de tout bon sens pour ne pas dire dans le délire le plus échevelé dès que les grandiloquences des sectes s'y ajoutent. Parce que nous confondons sans cesse les "tâches objectives" pour sortir des merdiers successifs, avec ce que nous pourrions y faire de précis, concret, réalisable, celles que nous nous disputons dépassent de très très loin ce qui est à notre modeste portée, genre et sans sourciller des tâches herculéennes comme "réarmer les masses", "redonner une conscience de classe aux travailleurs", "disputer au PS l'hégémonie à gauche", "construire une opposition de gauche à la politique gouvernementale". Rarement nous nous demandons tout bonnement "comment contribuer à" à notre mesure, en débattant justement de notre "mesure" et de ce qui serait à sa portée. Evidemment quand on en est à ces niveaux de virtuel, les bilans ne sont pas envisageables.
Donc pour ce qui est de tirer des bilans des choix effectués... donnez-moi un texte de congrès de la LCR ou d'un de ses héritiers qui travaille sérieusement sur ce sujet : qu'avons-nous réussi et/ou raté ? Notre projet était-il réaliste ? Sur quoi nous sommes nous trompés ? Quels ont été les effets de nos erreurs ? En général il y est doctement répondu allusivement par "la période" qui se serait "retournée", ou "le rapport de force entre les classes" qui nous aurait été défavorable tout à coup, sans que nous ayons rien vu venir comme si ceux-ci nous prenaient par traîtrise et, c'est ballot, ne jouaient pas le jeu.
J'ai en son temps sur RESF tenté de donner quelques éléments sur le bilan de l'échec du NPA, avoir pensé que les colères se mutualiseraient alors qu'elles se sont vites opposées les unes aux autres, le triomphalisme collectif qui nous a fait passer à côté d'une offre unitaire aux européennes alors que nous avions un rapport de force dans la gauche et que la question des alliances avec le PS ne se posait pas, quelques erreurs auxquelles j'ajouterais que nous sommes sans doute allés trop vite, que nous n'avons pas sérieusement débattu du projet, qu'il eût fallu donner plus de temps au processus constituant et conserver la LCR jusqu'à son aboutissement c'est à dire une autodéfinition et un "vertébrement" du parti mouvement... bref.
Tout ceci n'étant pas là pour effectuer des mea culpa exorcisants, mais pour tenter à l'avenir de ne pas renouveler ces erreurs d'appréciation (les révoltes) et de méthode (la précipitation et l'impréparation).
Aujourd'hui on peut tirer rapidement deux bilans :
L'isolationisme du NPA le conduit à la sectarisation (40% de l'organisation) avec des errements comme par exemple l'islamo-campisme, la quasi dénonciation a priori des expérimentations de la gauche radicale en europe, puis à un affaiblissement militant spectaculaire (300 départs sur un an pour moins de 2000 militants), à une absence quasi totale des échéances électorales, enfin à une paralysie chaotique comme organisation (même si ses militants, heureusement, ne sont pas des sectaires en chambre et sont souvent visibles dans les mobilisations).
Cela demanderait d'urgence un peu de lucidité de la part des militants restants et un redressement d'orientation vers une ouverture au reste de la gauche de la gauche et la recherche d'initiative qui tente de contrebalancer la catastrophe en cours avec le naufrage du Front de Gauche, l'effondrement du PS qui jusqu'ici entraîne tout le monde vers le fond, l'atonie syndicale et l'irrésistible montée du néo fascisme ici comme en Europe. Non pas contrebalancer par des meccano d'appareils chacun agrippé à ses intérêts propres, mais par la proposition de moments d'échange, de recherche de consensus partiels, de reconstitution d'un tissu militant à la base qui ne soit pas simplement le saut de puce d'un sujet à l'autre. J'ai évoqué des états généraux des luttes et des résistances.
Côté GA/Ensemble, les camarades estiment que je n'en finis pas de leur donner la responsabilité de la dérive du NPA. Ils oublient quand même qu'ils formaient une grande partie de la direction et frôlaient les 40% des militants au moment de leur scission. Leur choix a donc eu de vraies répercussions sur le devenir du NPA dont ils sont aussi comptables.
Ils auraient eu un autre choix dans la logique d'ailleurs de leur orientation unitaire, que quelques uns ont choisi : le maintien dans le NPA en fraction publique agissante et l'adhésion de cette fraction au Fg comme ils le souhaitaient. Je crains que pour des raisons qui n'étaient pas toutes strictement politiques ils aient fait un très mauvais choix.
D'autant que le bilan doit aussi être tiré de leur projet dans le FG. D'une part leur dissolution dans Ensemble a-t-elle donné des résultats probants ? Il ne semble guère à voir la variabilité et l'illisibilité des positionnements de Ensemble sans parler qu'ils ne se sont guère donné ou n'ont guère pu, logiquement, se donner les moyens qu'un "profil politique" propre soient audible et visible.
Le "pédagogisme unitaire" que professaient les camarades de la GA contre la tendance au sectarisme donneur de leçons du NPA, a-t-il donné des résultats autres que l'adaptation à leurs partenaires jusque dans la phraséologie imprégnée de novlangue post stalinienne et surtout l'absence de réactions vigoureuses aux virevoltes de leur partenaire principal le PCF ? Quelles batailles audibles et visibles les camarades ont-ils mené dans Ensemble et plus encore dans le FG ? Fallait-il se fondre si vite dans Ensemble ?
Enfin l'idée force qui fonda le départ et donc le sabordage du NPA de la part de la majeure partie de sa direction (qui ne cachait pas son souhait et son pronostic de le voir disparaître très vite) était-elle pertinente ? Il s'agissait, si j'ai bien compris de peser sur la direction du PCF en particulier pour une unité vers l'indépendance envers le PS, et la constitution d'un "bloc de gauche" alternatif au social libéralisme et délesté des pesanteurs dogmatiques de l'extrême gauche, ceci par le biais de la "dynamique unitaire" dont la base du PCF serait porteuse et que les échéances électorales viendraient valider.
Quel bilan les camarades de l'ex direction du NPA et de la GA tirent-ils de ce projet et donc de ce pronostic comme de ses effets induits (la dégénérescence du NPA et celle du FG) ?
Ma façon de dire tout ceci donne évidemment la réponse que je risque.
En parler, c'est aussi se tourner vers ce qui pourrait être une suite heureuse...