En juin 2005 se tenait, à la sortie du referendum, l'université d'été organisée par Mélenchon à Arles. J'ai pu y entendre les trois grands discours des nonistes alors que le PS avait illustré son ralliement au capitalisme le plus libéral comme jamais depuis la création mitterrandienne de l'Euro sous l'égide du monétarisme.
MG Buffet : il n'y a qu'une seule gauche, il faut la réunir.
Mélenchon : il y a plusieurs gauches il faut les rassembler.
Besancenot : il y a deux gauches, elles sont politiquement incompatibles.
A partir de là, pour moi, les jeux étaient faits (ainsi que ma conviction). D'un côté la gauche institutionnelle cherchant à préserver ses capacités d'alternance (et de changement ?) dans le cadre du système, avec des nuances politiques mais une volonté de travail politique en commun. Dans cette gauche il était clair que se situaient explicitement aussi bien Mélenchon que Buffet. Ils n'ont pas varié depuis. L'idée que le parti qui (Mélenchon en était) a choisi le monétarisme, l'euro, l'Europe libérale, la rigueur sur le dos des salariés en 1983 puis lors de Maastricht (qu'a voté Mélenchon), qui (sous Jospin avec Buffet et Mélenchon ministres) a systématiquement privatisé, s'est engagé à Barcelonne sur les retraites et la sécu à des formes de privatisations, a encouragé les stock options comme prôné les fonds de pensions, bref l'idée que ce parti devait demeurer un partenaire possible (selon diverses nuances) divise radicalement ce qu'on appelle la gauche de la gauche. Car il n'en va pas de rancœurs morales envers le PS, mais tout simplement de la politique qu'il a infligée et infligerait aux populations, et on ne joue pas avec ça.
Pour moi et à mon sens, pour toute personne à la fois lucide et courageuse (c'est difficile devant la dureté des temps, de devoir s'affirmer seul), aucune démarche unitaire politique n'était imaginable. Hélas la LCR s'y est laissée embourbée sous la double pression de son aile unitaire, et de la mouvance de gauche de la gauche qui déçue des alliances avec le PS n'a jamais eu la force de rompre avec le mythe d'une Gauche une et indivisible. Embourbée car accepter les démarches unitaires en mettant entre parenthèse ou repoussant à "après" la question décisive de la relation au PS donc à son exercice libéral du pouvoir était suicidaire. Ne pas faire du refus de tout accord avec le PS, un prélable à toute discussion, c'était nourrir l'illusion qu'un accord était possible "sur le contenu" alors que l'alliance possible avec le PS était en elle-même le reniement annoncé de ce "contenu". De plus nourrir cette illusion c'était nourrir un courant unitaire : si on discute c'est que ça doit être possible et quand, pour finir, nous disons possible mais maintenant sur le PS faut vous décider, alors nous apparaissons comme sectaires. Nous y embourber ce fut la tactique du PCF et de ses alliés dans les comités. Et nous avons été des enfants de chœur malgré le résultat d'Olivier à la présidentielle.
Le NPA s'est d'abord fondé sur cette lucidité, avec fougue et peut-être une erreur tactique aux européennes où la question du PS se posait de façon moins aigue. (Nous aurions dû être politiciens et faire un accord puis dire après, au vu des bons résultats, vous voyez sans le PS ça marche alors on continue mais dans cette orientation, sans PS. Car pour les régionales la question de la gestion avec ou sans le PS redevenait incontournable. Bref n'aurions-nous pas été assez politiciens ?). Certaines voix qui aujourd'hui vilipendent l'isolationisme suite aux reculs électoraux, n'en étaient pas moins alors de fervents partisans d'un anticapitalisme sans concession et sans honte. Puis avec le retournement de la situation politique, l'opération Mélenchon qui remplaçait la tactique des comités unitaires, le courant unitaire très minoritaire au départ s'est reconstruit d'autant que le NPA s'est à son tour embourbé (sans prélable) dans des discussions dont le seul objectif était de le faire céder sur la question des alliances. Ce à quoi certains ici ou là se sont résolus.
Est-ce être sectaire que d'avoir en préalable le refus de collaborer en quoi que ce soit avec le parti du FMI en Europe ?
Or céder sur la question des alliances c'est retrouver le PCF dans la gestion avec le PS à différents niveaux, c'est demain sa participation à un gouvernement PS, le PG pouvant la jouer soutien critique... Comme s'il était possible d'apporter un soutien direct ou un soutien critique à des gouvernements PS éventuellement EELV nourris au libéralisme ? A des gouvernements dont on voit ce qu'ils font en Grèce ou au Portugal. Comment un instant pouvoir laisser un doute sur cette orientation ? Comment apparaître un jour dans une telle ambiguité ? La fonction d'un réel et sérieux anti capitalisme n'est-il pas de s'arc bouter sur ce refus afin d'alerter dès aujourd'hui les militants du mouvement social et les populations de ce que sera un gouvernement de cette gauche fût-elle conduite hier par DSK, qui sait demain par Hollande ?
Alors le sentimentalisme a-politique développé sur le NPA ouvert, le rassemblement des diverses sensibilités, les romances politico affectives genre "on est tous frères et on s'aime" que développe par exemple l'ami Velveth ici, n'est pas le début possible de la renaissance du projet NPA, mais sa mort définitive dans un ensemble qui demain ira d'une façon ou d'une autre à la rescousse d'un gouvernement dit de gauche, certains y étant d'autres pas dans la confusion la plus totale, car le PC ira, il y est quasi partout, il le dit. Car ce que développe ici Velveth, assez typique de cette sensibilité généreuse mais à mon sens un peu fofolle (!), c'est l'unité, être ensemble, être ouvert, rassembler tout le monde etc. Comme si avoir une orientation politique claire, délimitée, répérable était ipso facto être fermé, identitaire puis, évidemment, sectaire !
J'invite Velveth à lire le bouquin de Mélenchon et à me dire qu'il se voit dans un ensemble de gauche de la gauche avec l'idéologie chauvine par exemple qui s'y étale ? Je l'invite à m'expliquer si l'unité doit permettre comme en Languedoc qu'un accord se fasse d'indépendance avec PS quand c'est Frèche, puis plus d'indépendance une fois celui-ci disparu sans que le NPA exprime autre chose qu'un regret poli ? Je l'invite à m'expliquer s'il est sérieux de laisser croire aujourd'hui que la perspective d'un accord serait tolérable avec des partis qui envisagent de collaborer avec le PS des plans de stabilisation ? Ces plans qui agressent ravageusement les peuples en Europe aujourd'hui ? Le PS du directeur du FMI ?
Il y a un trotskisme de la candeur qui depuis toujours s'excuse d'exister, Velveth est dans cette filiation. Il y a aussi des militantismes qui ont une peur bleue d'être minoritaires qu'ils assimilent au sectarisme. Pour ne pas être sectaire il faudrait céder sur l'essentiel ? Constituer un boulgui boulga qui disputerait à EELV, piteusement, la place de principal partenaire du PS ? Nous en serions l'aile gauche disent-ils avec ravissement. Pourquoi ne pas être l'aile gauche indépendante ? C'est moins chic ?
Non, la reconstruction du NPA est en cours, difficile, et ceux qui démonisent la tendance dite identitaire du NPA feraient bien de se demander si elle ne s'est pas nourrie de l'exaspération devant les palinodies unitaires sans issues où l'illusion unitaire nous a embourbés. Celles et ceux qui ont voté pour elle, l'ont fait, pour beaucoup, parce qu'ils ne croient pas un instant à un accord possible avec les actuels alliés du PS, qu'ils estiment contre productif de perpétuer ce faux semblant. Et ne sont pas plus démoniaques ceux qui s'excusent d'être anticapitalistes indépendants et veulent l'expier dans une unité baroque, que ceux qui se veulent anticapitalistes purs et durs. Ils sont tous l'expression d'une exaspération devant une situation difficile, une aspiration aux raccourcis lapidaires : ici l'identité principielle, là l'unité sentimentale.
La reconstruction se fera autour d'un anticapitalisme sans complexe, de la perspective de révolutionner la société, du refus des accords de façades dont les programmes n'engagent que ceux qui y croient, et dont profitent ceux qui, ostensiblement, les transgressent. Il peut être isolé dans le microcosme militant issus des trente dernières années de résistance et de défaites, qui oscille entre sa rage envers le PS et le ralliement électoral sur l'air du sauve qui peut.
Nous avons rompu avec cette gauche, vieille et récurrente impasse. Persévérons.