La trajectoire des sociaux-démocrates (si l’on ose encore les nommer ainsi) en Europe, est atterrante. Ils ont tué l’espoir politique à gauche dans les couches populaires. Ils ont intégré pour « modernes » les notions les plus lamentables de la pensée libérale (genre « responsabilisation », qui signifie destruction des solidarités, « sécurité » qui renvoie tout droit aux « classes dangereuses » dont les migrants de toutes origines, « gestion » qui veut dire application généralisée des codes capitalistes, et ainsi de suite).
Ils ont convaincu une partie de leur électorat plus aisé (qui va le payer de sa poche) que “l’austérité” est un passage incontournable, et que les options libérales étaient, in fine, sans appel. En gros ils ont dit, avec Rocard naguère dans un article du Monde, que le capitalisme avait gagné « pour une ou deux générations », le cher homme.
Les écologistes sont montés dans le même bateau, sans vergogne, avec cette légèreté écolo, méthodologique, idéologique et scientifique qu’on leur reconnaîtra quand même un jour ou l’autre, et qui abuse tant de militants décidés à défendre l’intégrité du vivant contre les « forces destructrices » du capital.
Il est donc urgentissime qu’une alternative se crée à gauche. Le Front de Gauche s’est porté candidat avec un résultat mitigé. Somme toute en de ça, à la présidentielle de la somme des scores de la « gauche de la gauche » de 2002, sans vrai apport aux diverses élections locales ni législatives. L’appareil du PCF en sort ragaillardi, ce qui n’est pas une bonne nouvelle. Les cercles de professionnels de la protestation vacillante et des experts pressés de se voir enfin dotés de pouvoirs, conciliabulent. Autour de Mélenchon une équipe plus ou moins occulte et passablement autoritaire espère son heure.
L’alternative auto proclamée piétine en dépit (ou en partie à cause ?) des rodomontades hasardeuses de son rugueux héraut, hier cacique poli de la Mitterrandie, 30 ans élu au mandat le plus antidémocratique qui soit (sénateur), aujourd’hui converti en guérillero de papier.
Sommée d’entrer dans sa guérilla par le bulletin de vote, la quasi totalité de la gauche de la gauche s’y est mise, certain avec la ferveur des nouveaux convertis badant la VI° république, d’autres avec ce refus d’entendre (entre autre le chauvinisme foncier et le moi-jeisme guère démocratique) qui fit le lit des pires dérives dans l’histoire de la gauche. Tout ce monde proteste vouloir « rendre le pouvoir aux gens » sans qu’on sache exactement comment si ce n’est par délégation et donc par eux-mêmes.
Bref.
Le PS sera vraisemblablement battu à plates coutures aux prochaines échéances électorales. Ses caciques s’en affolent mais cela ne leur donne ni le courage ni même l’idée d’appliquer une politique qui soit favorable à leur électorat. Foin de ces enfantillages, ils cherchent comment lui faire entendre raison, c’est-à-dire accepter d’en chier sans moufter pour son bien. Pour mémoire les riches empochent 30% de plus de richesses cette année. Sans doute tenteront-ils un jour la théorie du « ruissellement », mais pour ça faudrait quand même que ça ruisselle un chouïa.
Sauf s’il se trouvait des Malouines, le PS va perdre, c’est parti pour, ce ne sera que justice, il l’aura bien cherché et ainsi de suite. Il n’a besoin de personne pour l’y aider, la question n’est pas là, et pas de gesticulations de bateleur politicien ni d’admonestations d’experts aussi atterrés (à juste titre) soient-ils.
Radeau de la Méduse au capitaine optimiste, le PS naufrage. Seulement voilà encore faut-il que ce ne soit pas toute la gauche qui coule avec. Or ça en prend l’allure. On ne voit pas, en l’état actuel de la gauche de la gauche d’alternative qui se conforte mais une atonie de la résistance politique, un concert de palinodies que le bon peuple subit harassé de mauvaise nouvelle et de fin de moins angoissantes ou carrément cauchemardesques. On désespère sous ce socialisme-là. On méprise aussi. On rage d’une rage sourde et solitaire au lieu de solidaire qui nourrit les pires humeurs.
Alors, que faire ? Bien sûr travailler aux résistances, en appeler à ce que la rue se soulève, à ce qu’un printemps, un été, un automne, un hiver bref n’importe laquelle des quatre saisons, soit enfin sociale et révoltée contre cet ordre des choses et ce désordre moral. Les colères s’accumulent, mais ne se cumulent pas, désespérément pas pour l’heure.
Les prochaines échéances politiques sont électorales. En l’absence d’auto-activité de masse des salariés, précaires, retraités etc, les élections font baromètre, peuvent faire espoir, voire un peu peur à l’adversaire. Ce n’est pas gagné. Le pire est à craindre, il a une couleur le bleu marine, un nom le front national, un discours qui parcourt l’Europe aux peuples tellement malmenés qu’ils en deviennent fous.
C’est aujourd’hui le front national qui peut battre le PS, du moins apparaître comme tel.
Il ne faut pas que ce soit le Front National qui batte le PS. Il faut que le PS soit (au moins « aussi ») battu à gauche. Redonner de l’espoir à gauche, ce serait déjà battre le PS de façon significative. Ce doit, me semble-t-il être l’objectif de tout un chacun/e et de toutes les forces opposées aux politiques de rigueur.
Ainsi ne faudrait-il pas que partout où c’est possible des listes unitaires fondées sur le refus de l’austérité se constituent ?
Ne faudrait-il pas se donner comme objectif de minoriser à gauche le PS de l’austérité ? C’est déjà commencé en Europe, en Grèce par exemple. Ne faut-il pas, oui, tenter de passer devant partout où c’est possible, au lieu de camper chacun sur son programme à soi ou de concocter des listes unitaires utilitaires ici ou là, pendant que le train de l’histoire déchiquètent les millions d’égarés sur sa voie ?
Ce ne sera pas simple pour le premier tour, car il ne saurait être question d’avaliser la révolution par les urnes (balivernes), ni défendre « la France » face à « l’Allemagne », ni plutôt que d’organiser la mobilisation dans la rue contre l’austérité, pousser l’hymne pour une Xième république. Ni s’offrir « pédagogiquement » aux empoignades feutrées entre une occulte équipe Mélenchon à la manœuvre, et un PCF dont la ligne politique se résume, en gros, à sa survie en tant qu’appareil. Il faut obtenir des accords entre partenaires et sans subordination ni ralliement, ni reddition.
Encore moins simple au second tour. Les accords (inévitables pour battre la droite) avec un PS minorisé ne seraient ni simples ni agréables, ils passeront sans doute par des refus d’en être ou l’obtention d’un indépendance de vote absolue par la suite.
Pour moi ce serait ça faire de la politique autrement.
Il serait irresponsable aujourd’hui de laisser le Front national battre le PS. Le FG, là le PC avec le PS, là le NPA, là bas (ailleurs ?) LO, des listes locales dites alternatives ou autre, ça suffit. Se la jouer je veux glaner quelques points d’électorat pour moi est dérisoire et calamiteux. Politiquement irresponsable.
Il en va de même pour les européennes. Il y a fort à craindre que le FG la joue défense de la France, attaque de l’Allemagne, voire appel aux patriotes (y compris capitalistes ce qui tente, hélas, une partie de Syrisa en Grèce). Ces glissades chauvines peuvent demain gangrener les luttes en Europe. Ce n’est pas en les subodorant le nez pincé qu’on y remédie, mais en proposant l’unité comme une absolue nécessité, et une unité in-ter-na-tionaliste.
Face à cette crainte, l’heure ne doit pas être à la dispersion, ni à l’hégémonisme ni au repli puriste, elle doit être à la bagarre pour une campagne européenne unitaire, qui dresse une autre gauche diverse et disparate mais indépendante du PS comme une force où les débats de l’avenir pourront avoir lieu.
Pour cela il ne faut pas que le PS puisse la jouer demain : somme toute, nous ou le chaos. Quand nous coulons tout le monde coule. Sans nous rien n’est possible.
Il ne suffit pas de dire qu’il faut des listes unitaires antiaustérité quand c’est possible, il faut dire clairement que battre à gauche le PS est notre objectif, le seul sérieux pour battre la droite et l’extrême droite.