Il n'y a plus aujourd'hui de direction mondiale de la révolution prétendant régir des partis de la révolution et donner ses instructions, ni d'internationale imprimant sa marque et donnant des impulsions. Face au libéralisme mondialisé, aux quelques grandes megaentreprises insaisissables et toutes puissantes, aux conclaves de Davos et aux réseaux capitalistiques d'idées comme d'action, nous ne sommes rien. Nous nous trouvons dans un monde explosé où les révoltes s'affolent, s'exaspèrent, se paranoïsent, se haïssent, se font la guerre même sous l'œil attentif, pervers et impitoyable de ce capitalisme mondialisé... qui attise, écrase, arme et désarme. Et quand des peuples démocratiques parviennent à exprimer une volonté de résistance, on est bien démuni pour juger ses dirigeants (s'il en a : cf Tahir).
Bref. Les programmes de Syriza et plus encore de Podemos font plus dans le pragmatique que dans le principiel, heureusement, mais aussi seulement dans le pragamatique sans option stratégique. En ce sens on peut les dire réformistes ce à quoi j'entends les doctrinaires gauchistes applaudir.
Mais des réformes même modestes face au rouleau compresseur des contre réformes, ont un potentiel transitoire si elles ne se font pas écraser dans l'œuf. Car les rapports de force mondiaux, la déshérence politique des gauches, la dislocation des mouvements ouvriers sont tels qu'aucun espace sérieux ni global n'est donné à la réforme du système qui ne mettent pas en cause le système. Or ce que tente l'Europe merkellisée c'est d'étouffer dans l'œuf et d'écraser jusqu'à l'œuf : l'idée que des réformes soient possibles, qu'il soit démocratiquement possible d'en faire, que la démocratie libérale contienne en elle-même l'idée qu'on puisse contester le libéralisme. Car c'est bien ce que disait je ne sais plus quel eurocrate : il n'y a pas de place démocratique pour réformer l'europe libérale.
Du coup, la lutte de Syriza ne doit pas être regardée avec des lunettes doctrinaires. L'enjeu n'est pas la révolution. La question n'est pas de savoir si Syriza va "trahir", le Grecs ne sont pas fous et les électeurs n'attendent pas de Syriza qu'elle bouleverse la situation, qu'elle brise l'étau libéral qui étouffe tout un peuple, mais qu'elle le desserre déjà. Les peuples sont pragmatiques et réalistes. Le rapport de force n'y est pas, obtenir que cesse l'austérité, obtenir "l'électricité, le chauffage et un peu de salaire pour manger" serait beaucoup, c'est ce beaucoup là que les Grecs veulent.
La révolution n'est jamais un enjeu des luttes. L'enjeu des luttes est en général minimaliste au regard de la geste révolutionnaire, par contre les contre luttes, la ré-action, le violence antipopulaire, le mépris, la surdité, l'obstination haineuse des classes dominantes peuvent provoquer la révolution. Reste à la mener à bien... (alors avoir accumulé des expériences, des débats, un réseau militant aguerri capable d'une certaine aura qui sache alors sauter sur l'occasion et provoquer cette fois l'offensive...)
Ce sur quoi on jugera Syriza c'est sur les réformes qu'elle imposera si les caciques européens lui en laissent, contrainste forcés, l'espace, si elle ne plie pas, si pour briser sa résistance les gnômes de Bruxelles ne conduisent pas sciemment à la catastrophe économique. Et pour ça Syriza a besoin de nos mobilisations, de notre soutien, de notre empathie dans ce bras de fer sans merci que le capitalisme européen jusqu'ici invaincu et sans adversaire veut mener à son terme : en brisant nons seulement le peuple grec mais avec lui les velléités organisées de révoltes populaires en Europe : Syriza, la gauche qui lui résiste, demain Podemos qui hante les nuits des socio démocrates et des conservateurs espagnols.
Il n'y a pas d'un côté le peuple grec qu'on soutiendrait (sous entendu et Syriza dont on se méfierait), et d'un autre Syriza qu'on regarderait faire qui sait, demain, se débattre et se noyer entre étranglement et reculades. Je vois certains prédicteurs de trahisons à venir qui les attendent avec gourmandise comme si elles allaient conforter leur propre crédibilité. Si Syriza coule nous coulons avec et pour un bon moment, car avec l'échec de Syriza c'est celui d'une autre Europe possible, d'une autre politique possible, d'une alternative sociale à cette société de merde, de l'espoir populaire. Et l'on sait jusqu'où peut conduire le désespoir populaire.
Syriza doit donc tenir et cela dépend aussi de notre soutient.
Si Syriza tient assez, il lui faudra des relais car c'est une course collective. Podemos arrive, espérons là aussi que le processus Podemos tiendra la distance. Et nous et nous et nous ? Quels moyens hors attentisme doctrinaire nous donnons-nous pour tenter l'actuel impossible ?
Quelle audace ?