Le scénario est bien rôdé depuis une vingtaine d’année. Un courant prend le dessus, croit que c’est arrivé, tente le tout pour le tout… ou pas, et épuise progressivement l’énergie (et les espoirs) qu’il a suscitée. La gauche de la gauche retombe alors sur ses vieilles pattes arthritiques.
Celles des réflexes plus ou moins identitaires et dogmatiques de l’extrême gauche, qui soit échoue à cause d’eux, version LO tout à coup prise de vertige devant ce qui lui aurait été possible et préfèra crier pouce plutôt que de tenter le coup, soit se retrouve dévorée par les tenants de ces vieux réflexes quand elle a échoué (NPA) et a tout le mal du monde à s’en défendre une fois qu’ils se sont incrustés.
Celles des minipersonnalités “professionnelles de la personnalité” qui regorgent de leçons (pétitionnaires) à donner. Issues souvent du “mouvement social” à qui elles doivent tout, elles s’en émancipent sans vergogne, libres de ces contraintes collectives, pour se mouvoir à leur propre compte et se faire désirer par les diverses chapelles politiques. Elles se la jouent cassandres qui imputent à tout le monde la responsabilité des échecs sauf à leur pusillanimité.
Enfin, celles d’un appareil post stalinien obtus et halluciné qui n’a plus d’autre ligne politique que d’être acharné à survivre. Il s’y voue obstinément par toutes les contorsions et les feintes imaginables que des gogos en mal d’espoir prennent pour “de vrais débats” qui le traverseraient ou des “évolutions” en mouvement, des “lignes qui bougeraient” en son sein… und so weiter.
Il y a eu lointainement les comités Juquin, bureaucrate providentiel emblème des coquetteries culturelles dont la bureaucratie stalinienne aimait à se parer, soudainement recyclé en figure d’un renouveau “unitaire” qui a sombré sur l’écueil électoral comme se dégonflent les beaudruches.
Il y a eu Arlette, sainte laïque dont l’organisation au premier succcès électoral s’est déchirée pour ne pas avoir à quitter le cocon de l’autoconstruction autocentrée et autoproclamatoire. L’image pieuse a duré mais l’afflux militant s’est tari comme s’était vite tarie l’ambition d’accoucher autre chose qu’un groupe restreint autour d’une direction monolithe campée sur un pessimisme rassurant (mais si, rassurant, LO ne syrvit bien que dans ce pessimisme messianique qui fait son apparente logique intellectuelle).
Il y a eu Besancenot, 27 ans, facteur, hissé par une LCR qui avait bien failli ne pas passer les années 90, au faîte de la notoriété. Mais la LCR loin d’être une chapelle constituée, ni une cohorte soudée recélait en son sein un kaléidoscope de sensibilités dites trotskistes et quelques autres, que la liberté de débat interne soudait mais que l’Histoire attendait au tournant. Tout le monde ou presque y affichait le projet de dilution dans un “parti large” qui serait enfin le parti des luttes et des utopies réalisables. Cependant chacun évaluait le périmètre à sa façon qui pouvait empiéter sur le parti socialiste au nom d’une “gauche” éternelle à rassembler d’urgence, comme, à l’opposé, s’en tenir au cumul de groupuscules estampillés (par eux-mêmes) révolutionnaires. Le NPA sensé fédérer les colères et générer l’utopie bascula dans le foutoir généralisé où les colères s’opposèrent au lieu de se mutualiser, où les ambitionnettes tuèrent vite l’utopie, et les groupuscules ci dessus mentionnés la démocratie.
Du dehors le PCF aidé par de vieilles badernes soc-dem en reconversion poussa à la roue. Exit l’espoir NPA.
Au passage le PCF déjà sérieusement échaudé par l’affaire des comités unitaires et de la candidature présidentielle calamiteusee de sa secrétaire nationale, trouva un truc nouveau dans ces badernes soc dem dont le miterrandolâtre Mélenchon. Aidé par quelques bataillons des professionnels de la personnalités ayant donc transmué leur rôle de porte parole de mouvements sociaux en une signature personnelle libérée des contingences collectives, Cric PCF et Croc Mélenchon s’en furent de conserve à l’assaut de la gauche de la gauche (et du NPA). Le PCF y gagna une transfusion politique qui lui redonna un semblant de couleur. Mélenchon se vit déjà en Chavez de chez nous que Hollande élu ne tarderait pas à introniser premier ministre sous les vivas de la foule de gauche conquise. Le NPA y perdit une partie de sa direction et cette partie une partie de son âme qui se demande aujourd’hui sans doute si elle n’a pas troqué son héritage pour un plat de lentilles mal rincées.
Car le PCF poursuit son hallucination obtuse : survivre. Or les élections avec le FG n’ont donné que maigre provende. Et puis trop de Mélenchon tue le Mélenchon. Donc on malmène Mélenchon qu’il faut vider de sa substance maintenant qu’il a servi. Le Mélenchon bien dépourvu en perd la force de tonitruer, gueule de bois politique. De plus, pour le même PCF, trop de gauche de la gauche fait perdre (encore plus) d’élus gagnés avec le PS. Donc peu importe le si beau projet du Front de gauche d’hier qui fit rêver (presque) toute la gauche de la gauche et les professionnels de la personnalité. Ils voyaient déjà la marche triomphale d’une unité à laquelle l’appareil du PCF était enfin acquis et ses troupes attachées. Las donc, le PCF lorgne ailleurs : sur la crise du PS et ses soi-disant refuzniks, les calculs guère environnementaux de la direction des Verts et des recompositions qui passent déjà par quelques accords sénatoriaux.
Well, well, well…
Cela fait une longue marche politique sur trois décennies bientôt, jonchée de victimes militantes qui ont cru, qui ont espéré, qui ont milité, lutté, débattu.
Le vieil appareil post stalinien qui n’est plus que le spectre du stalinisme d’antan, se survit et bloque beaucoup sinon tout dans cette vieille gauche de la gauche éclopée, jusque dans la CGT, rappelons le.
Les mini appareils issus du trotskisme même déglingués clopinent avec des sursauts d’énergie plus poignants qu’autre chose.
Les professionnels de la personnalités blanchissent et leurs mains naguère altières tremblent au moment de signer au bas des pétitions qui tournent à la suppliquent (cf la dernière sur la rénovation du FG).
Par qui, comment, en quelles circonstances va se reconstruire une force d’émancipation ?