Dans un appel publié par Mediapart, 500 personnalités politiques, associatives, syndicales et intellectuelles appellent à «construire une alternative». Alternative donc aux politiques libérales passées et actuelles, mais aussi, subliminalement, aux avortements divers dont la gauche de la gauche a été prodigue, le Front de Gauche étant le dernier en date..
S’y mêlent en particulier des personnalités repenties qui ne se souviennent sans doute pas d’avoir collaboré au gouvernement libéral d’Hollande (à tout péché miséricorde ?) et des responsables du FG qui n’ont pas su dépasser leurs maigres intérêts d’appareils ou de destin personnel.
On y subodore sans mal à la fois leurs paniques, leurs appétits et leurs arrières pensées derrière la énième promesse de « faire mouvement » via les « chantiers ». Chacun tiendra la barbichette de chacun, n’en pensant pas moins, larron espérant l'occasion qui le fera calife.
Et les voici tout frétillants en ce lendemain de victoire de Syriza en Grèce, se disant que somme toute l’odeur du picotin devrait pouvoir les faire s’entendre (chacun à son profit), la plus lyrique étant Duflot experte en virage de bords pour aller chercher le vent du jour.
S'y sont adjoints de multiples acteurs d’associations critiques et des syndicalistes, des militant/es, qu'on aurait aimé, pour certains, voir aussi résolus sur des projets plus clairs. Sans illusions certainement mais convaincus qu'il urge de tenter de changer la fameuse et sempiternelle « donne ». Les aspirations et orientations y sont variables ce dont le texte témoigne par le flou et même le doux minimalisme.
Ils ont, eux, dans leurs mains l’avenir de ce énième appel. Qu’ils ne laissent pas celui-ci se scléroser à nouveau, pris dans les bras de fer entre appareils et ambitions. C’est entre eux qu’un dialogue lucide peut se développer sur les contenus du projet : qu’il ne reste pas confiné dans un respect pavlovien des institutions, qu’il n’ait plus en arrière pensée d’en finir par composer avec le PS, qu'il sache effacer les obsessions des uns et des autres au profit de pratiques et d'expressions neuves. C’est entre eux que doit émerger la méthode pour attirer ce neuf, sortir des générations épuisées qui font la “gauche dite radicale” avec ses arthrites et ses nostalgies, et ouvrir enfin la gauche critique aux générations nouvelles. Enfin à eux qu’il incombe pour l’heure d’esquisser l’alternative au désert moral, idéologique, utopique de la vieille gauche vermoulue et rongée par ses renoncements, avec en ligne de mire, contre ceux des capitalistes, les intérêts et les seuls intérêts des salariés, des jeunes, des sans, des retraités et des maltraité/es de toutes sortes et obédiences.
J’ai signé en tant que « anticapitaliste unitaire ». Bien que le contenu de cet appel soit grosso modo en de ça de tout sur tout ! En quelque sorte "pour voir" et sans illusion mais en me disant chiche, pourquoi pas ? Anticapitaliste, car j'espère que cette voix, la seule réaliste, se fera entendre dans les "chantiers" s’ils voient le jour, s’ils ne sont pas des simulacres tenus par le PCF, le machin n°6, ou un cartel élargi à des Verts, s’ils attirent ce qui n’est pas gagné, s’ils trouvent une énergie que du NPA et Front de gauche on a largement épuisée, galvaudée. Unitaire car ce n'est pas dans l'isolement ni la dénonciation que nous rassemblerons, ni dans la perpétuelle ambiguité post stalinienne, ni dans les oukazes hallucinés des petits doctrinaires.
J’y aurais et de loin préféré une amorce de front politique et social contre la politique de ce gouvernement. Du solide. Quelque chose de la rue, depuis la rue, dans la rue, ancré dans la colère sociale directe. Cela peut toujours venir mais plus du tout des composantes de la gauche de la gauche encore moins depuis la disparition de LO et l'effondrement du NPA. Le choix est, sauf divine surprise, entre l’impuissance ou passer à autre chose.
Nous avons échoué. Il me semble que le réalisme, le courage poussent à reprendre le travail à un niveau qui n’est plus celui que nous avions ambitionné et que nous avons frôlé. Avec les risques de dilution. Je préfère (et je pense ne pas être le seul) y aller voir, et que nous tentions d'y faire entendre notre voix.
Compte tenu non seulement des composantes organisées mais aussi des sensibilités dans la gauche même "de gauche", il y a fort à parier que le chantier explosera sur le mur des ambitions présidentielles ou la question indépassable des relations avec le PS. Il peut aussi accoucher d’une gauche de gauche qui, poussée par la crise et les colères, peut être dopée par ce qui se produit en Grèce et en Espagne, se sera accordée sur un programme de réformes sociales d'urgence, et sera dès lors mise en demeure de l’appliquer. Les anticapitalistes en son sein devront s'y mettre comme poissons dans l'eau même si elle leur semble un peu tiède et tenter de recomposer leur logiciel et leurs forces qui, tous deux, en ont bien besoin
En l’état, la moins pire des perspectives.
Nous n'avons pas tant de solutions que cela.