Avec la Bretagne, une « étrange » révolte sonne comme une heure nouvelle. Et ça ne fait que commencer.
Étrange, parce qu’ étrangère à tout ce que les gauches comptent de « logiciels » hérités de leurs errances et recherches y compris sociologiques décapantes. Une révolte est toujours étrange, non ? Pas où ni comme on l'attend. On sait que sur la voie royale de la démocratie "réellement existante" campent les verrous institutionnels, les organisations collaborationistes, l'arsenal des propagandes et le désarroi des misères personnelles. Néanmoins, les gauches n’aiment pas l’étrange. Peut-être parce qu'il ne concorde pas avec les schémas convenus (ceux qui servent à penser "à gauche", à croire qu'on pense juste, à nous disputer entre nous etc). Peut-être aussi parce que ces gauches campent justement sur la voie royale où on leur a fait une petite place à condition que...
Bref, voilà que ça se révolte. Toutes les bienpensances sont heurtées dans leurs « paradigmes » violés. Ça ne se fait pas une révolte comme ça.
Que JLM, cacique miterrandolien recyclé après une existence de velours (sénatorial) dans les révolutions de papier (par le bulletin de vote, quels rires !) en vienne altièrement à admonester les révoltés ouvriers sous prétexte que les petits patrons explosent avec eux et que de grands offrent des bonnets rouges… rien que de prévu ! La gauche de la gauche mélenchonisée en versera encore et encore des larmes amères si elle ne renonce pas sempiternellement à le remettre à sa place.
Les directions syndicales sont vexées par ce qu’elles ne contrôlent pas parce qu’elles ne contrôlent plus rien sauf un pouvoir de nuisance qui bloque la coordination des luttes, et tiennent serré le frein à main sur tout affrontement sérieux se donnant pour but (comme lors du CPE) de faire céder, reculer, renoncer ce gouvernement.
Mais quand dans la gauche de la gauche (et un camarade aussi avisé que Philippe Corcuff) on tord aussi le nez (et pour certains avec quelle virulence envers un NPA affaibli, c'est qu'on a eu très peur un temps de le voir trop fort) parce que, sous la gauche libérale, des indépendants, agriculteurs, petits patrons mêlent leur révolte à celle d’ouvriers désespérés, et que de gros patrons sautent sur l’occase pour offrir des bonnets voire plus si affinités…
Alors là, les bras m’en tombent.
Une révolte est une révolte. Ça se soulève, ça vitupère, ça coagule avec ce que le sang d’un peuple charrie de globules réellement rouges et de scories réactionnaires. D’ailleurs, il arrive quasiment toujours que l’enjeu pour des révolutionnaires soit que la force du rouge prolétaire (du drapeau) emporte le reste dans sa direction, pas l'expulse, et le neutralise ainsi.
Il y avait beaucoup d’ambiguïté (rappelons quand même que la manif était appelée par les ouvriers en lutte pour l’emploi) et trop de patronat à Quimper ? Raison de plus pour y être aux côtés des artisans réels de cette révolte, la masse des ouvriers d’une filière qui les a exploités jusqu’à l’os et les rejette, à nu maintenant.
Tel était l’enjeu !
Pas de se la jouer classe contre classe à quelques km de là, autour des directions syndicales, de la bureaucratie post stalinienne et des troupes du socdem en goguette gauchisante. Défendre l’indépendance de classe à Carhaix ?! quels rires - si c’était drôle - quelle impudence de leur part ! Ces tâcherons de la collaboration de classe institutionnelle au parlement, dans les mille et une commissions nationales ou européennes, dans les conseils d’administrations où ils socialisent en partenaires à longueur de subventions et prébendes bureaucratiques !
Ah, la, la non. Pas eux, pas sur ça.
Il s’est quand même beaucoup dit depuis ce qui est une évidence (et somme toute réjouissante), qu’il n’y a pas de révolte pure (pas de révolution non plus). Que l’indépendance prolétarienne c’est autour d’un programme de société emportant les révoltes, pas par dictature pure sur prolétariat (dis donc Philippe ??). L’indépendance ce n’est pas une posture, c’est un rapport de force qui doit arracher des pans entiers « ambigus » de soutiens à l’adversaire. Il est à construire et pas en se carrant à Carhaix pendant que la révolte gronde à Kimper. Quand certains crient « vivre et décider au pays », ils ont fichtrement raison.
Ensuite, dans le cours de la lutte, se jouera l'essentiel : qui décidera !
Il y aura d’autres révoltes impures. Il faut espérer qu'on ne les insultera pas comme ça ni ne les regarder de haut et de loin. Il faudra y être et se battre dedans.