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Billet de blog 28 mai 2015

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Blessures ou maladies ?

Les séquelles d’une irradiation provoquée par l’arme nucléaire doivent-elles être considérées comme des blessures ou comme des maladies ?

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Les séquelles d’une irradiation provoquée par l’arme nucléaire doivent-elles être considérées comme des blessures ou comme des maladies ?

Cette bonne question a été soulevée, en 1ère instance, par mon avocat, Maître Jacques-René MOUTIER. Cet avocat était exceptionnel car il défendait ses clients ! Malheureusement, il est parti en retraite.
Cette question est importante pour les victimes irradiées par les essais nucléaires français car elle conditionne le montant (voire l’existence) de leur pension qui, pour un même taux d’invalidité sera différente (voire nulle), selon que l’infirmité résulte d’une blessure ou d’une maladie (Article L4 du code des Pensions).
Voyons comment la Justice a répondu à cette question.

1. Au Tribunal d’EVRY :
En 1ère instance, la Présidente du Tribunal des Pensions Militaires d’EVRY, Madame Mélanie BESSAUD, avait posé la question aux experts : « blessures ou maladies ? ». La réponse du Docteur SALMON, expert judiciaire, a été très claire. Il a en effet écrit dans son rapport : «Les séquelles d’une irradiation doivent être considérées comme une blessure ». Cela n’a pas empêché Madame BESSAUD de me débouter de ma demande en décidant que les séquelles d’une irradiation étaient des maladies (voir le jugement du 18 février 2008 [4-3-19]. Madame BESSAUD a retenu l’avis surprenant du Docteur PAULE, un autre expert !
J’ai fait appel de cette décision injuste (voir mon courrier let1016 du 31 mars 2008 [4-5-1]). Dans mon courrier, je donne les définitions du Petit LAROUSSE :
    . BLESSURE n.f. 1. Lésion locale du corps due à l’action plus ou moins violente d’un agent extérieur (choc, piqûre accidentelle, etc.).
    2. Souffrance morale ressentie par qqn. Une blessure d’amour-propre.
    . MALADIE n.f. 1. Altération de la santé, des fonctions des êtres vivants…
Ces définitions démontrent, à l’évidence, que les séquelles d’irradiations doivent être considérées comme une blessure. Les irradiations créent des lésions locales du corps, au même titre que d’autres agents extérieurs tels que des produits chimiques (gaz, liquides), des ondes, du courant électrique, de la chaleur (lance-flammes)…. D’ailleurs, pourquoi les militaires utiliseraient-ils ces divers agents extérieurs comme armes si ce n’était pas pour blesser l’ennemi ? En particulier, l’arme atomique n’est-elle pas faite pour blesser ou pour tuer l’ennemi ?
Ultérieurement, bien sûr, les blessures créées par les agents extérieurs peuvent entraîner des altérations de la santé, donc des maladies. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer comment une blessure due, par exemple, à une arme blanche, peut s’infecter et créer des maladies infectieuses.

2. A la Cour d’Appel de PARIS :
Monsieur Serge JEANJEAN, le Président de la Cour d’Appel de PARIS, a considéré qu’il s’agissait de blessures mais il a prétendu qu’il n’y avait pas de lien de causalité et a donc confirmé le jugement du Tribunal d’EVRY (voir l’arrêt du 24 juin 2011 [4-5-28].
Je me suis pourvu en cassation (voir mon courrier let1153 du 15 juillet2011 [4-7-1]).

3. A la Cour d’Appel de VERSAILLES :
Le 16 juillet 2014, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS et a renvoyé mon affaire devant la Cour d’Appel de VERSAILLES [4-7-15].
Madame Noëlle MONTEILS, la Présidente de la Cour d’Appel de VERSAILLES a considéré qu’il s’agissait de maladies. Elle n’a pas hésité à écrire dans son arrêt « Contrairement à ce qu’a conclu le médecin expert désigné par la Tribunal, les affections dont il souffre résultent d’une maladie, et non d’une blessure. », ce qui lui a permis de me débouter et de confirmer le jugement du Tribunal d’EVRY (voir l’arrêt du 5 mai 2015 [4-8-95].
Toutes les pièces concernant cette procédure son consultables sur mon Site Google :
https://sites.google.com/site/irradieparlarmee/


Cela démontre que les magistrats ne sont pas d’accord.
Ils n’ont pas l’air de trop savoir si les séquelles d’une irradiation provoquée par l’arme nucléaire doivent être considérées comme des blessures ou comme des maladies. Plutôt que de retenir la définition du Petit Larousse, une définition de bon sens, ils s’appuient sur l’avis de l’expert judiciaire qui les arrange. En demandant l’avis d’experts médicaux, cela permet aux magistrats de se dédouaner. Ils peuvent dire « C’est pas moi, c’est l’autre ! »
Le comportement des magistrats est inacceptable.
Il faudrait demander à toutes les victimes qui ont eu un cancer suite à leur exposition aux radiations causées par les essais nucléaires français si elles pensent que leur cancer serait différent selon qu’il est considéré comme une blessure ou comme une maladie.
Il faudrait demander à toutes les victimes qui n’ont pas pu avoir d’enfant suite à leur exposition aux radiations causées par les essais nucléaires français si elles considèrent que leur stérilité serait différente selon qu’elle est considérée comme une blessure ou comme une maladie.
Tout cela démontre le ridicule de cette réglementation militaire sur laquelle s’appuient les différents magistrats. Elle convenait peut-être à l’époque des arquebuses mais cette réglementation n’est pas du tout adaptée à l’arme nucléaire.
Afin de justifier ses coups tordus, la Justice a coutume de s’appuyer sur le Droit.
Dans mon affaire, en 1ère instance et en 2ème Appel, la Justice s’appuie sur cette réglementation ridicule pour me débouter. Dans son arrêt, Madame Noëlle MONTEILS ne se limite pas à considérer que « les séquelles des irradiations sont des maladies ». De nombreux autres points démontrant la partialité de la Justice sont à souligner.

Mes commentaires sur l’arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES feront l’objet d’un autre billet.

Jacques LECOQ

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