Un article de Ian Urbina, publié dans le New York Times du 10 août et repris par Courrier international du 5/09 nous donne une info amusante, qui peut aussi nous amener à réfléchir sur notre possible avenir.
Des robots sociaux "sont programmés pour tweeter et retweeter. Ils ont leurs petites excentricités, du bagout, et quantité d’anecdotes personnelles à vous raconter. Beaucoup sont connectés à des bases de données liées à l’actualité, ce qui leur permet de répéter des phrases qui peuvent faire illusion auprès du public visé. (...) Certains robots sont même complétés par des profils Facebook générés par un logiciel de gestion d’identité. L’illusion est alors presque parfaite : ils laissent des traces dans le cyberespace à mesure qu’ils accumulent amis et abonnés partageant leurs opinions".
L’auteur de l’article nous apprend aussi qu’il existe aussi des robots programmés pour flirter avec des personnes réelles, ou même (ce qui est encore plus drôle) avec... d’autres robots !
Première réflexion qui vient à l’esprit : pour pouvoir programmer des échanges qui abusent l’utilisateur et lui laissent la conviction que son interlocuteur est une personne bien réelle, il faut que la majorité de ces échanges (y compris hors du Net) soient diablement formatés et prévisibles, dans leur forme comme dans leur contenu. C’est aussi le signe que notre attente globale, dans ces différents échanges sociaux, est finalement assez pauvre dans ses objectifs. La majorité des discours ou des propos sont-ils si prévisibles qu’ils peuvent être programmés en trompant la personne qui reçoit le message ? Il semble bien que oui.
Deuxième réflexion : nous vivons une époque formidable. Les robots s’adressent à d’autres robots et tentent de les persuader de la validité d’une pensée ou d’une action. Des robots draguent d’autres robots sans même savoir que ce sont des robots. Certes, ce que nous voyons aujourd’hui n’est encore que de la programmation. Même s’il s’agit de programmation sophistiquée, on est encore loin de la véritable intelligence artificielle. Mais dans ce domaine, les recherches avancent à grands pas. Qui peut savoir où nous en serons dans vingt ans, trente ans, cinquante ans ?
Finalement, dans quelques décennies, les réactions de l’être humain réel devant des situations prévues (ou même imprévues) seront entièrement programmées. Ainsi, les humains pourront être avantageusement remplacés par des machines virtuelles et ils cèderont la place à leur successeur dans la grande histoire de l’évolution des espèces : les robots. L’Internet deviendra alors un lieu formidable où les robots se disputeront, flirteront, échangeront des points de vue sur des livres écrits par d’autres robots autoprogrammés, parleront de politique robotisée, etc.
Pour rendre l’être humain totalement obsolète il reste un dernier progrès à réaliser : la création de générations de robots capables d’émotions, comme l’imagine l’excellente série télé Real Humans, diffusée par Arte en avril dernier. C’est pour bientôt.
Mais n’allons pas si loin pour l’instant. Je voulais avant de prendre congé, vous signaler que le billet que vous êtes en train de lire est écrit... par un robot, sans chair ni os. Bon, d’accord, je suis un robot encore rudimentaire, incapable d’émotions... mais tout de même un robot de deuxième génération.
C’était assez facile à repérer, et je suis sûr que vous l’aviez deviné. Mais attention : il y a plein d’autres robots sur Médiapart. Je vous invite à les repérer eux aussi. Ce n’est pas toujours aussi facile que dans le cas présent, certains sont de la troisième génération, bien plus performants, et il vous faudra être vigilant pour les détecter. Sauf si vous êtes vous-même un robot de quatrième génération, le top du top pour l’instant. Là, pour vous, ce sera trop facile.