Un morceau d’anthologie, verbatim
La nomination de Rachida Dati à la culture a mis en avant la relation particulière qu’Emmanuel Macron entretient avec Nicolas Sarkozy : il semble qu’il le consulte régulièrement. Du coup, il n’est pas inutile de réécouter une partie de l’entretien que l’ancien président de la République a accordé à la chaîne France Info, le 16 septembre 2023, à l'occasion de la sortie de son dernier livre. La conversation vient sur la question climatique :
- Monsieur Pujadas, c’est frappant que maintenant plus personne ne peut plus rien dire sans qu’on caricature. Je dis : l’homme n’est pas le seul responsable du changement climatique. Entre le 14ème siècle et la fin du 18ème siècle, sur l’Amérique du Nord et sur l’Europe, il y a eu ce qu’on a appelé l’ère de petite glaciation …
- Le petit âge glaciaire … (le journaliste corrige son interlocuteur qui connait encore mal sa leçon)
- Le petit âge glaciaire, je vois que monsieur Pujadas est très cultivé. Est-ce que c’était l’époque de la responsabilité de l’homme ? Vous me dites : le changement climatique est le premier défi de l’humanité. Permettez-moi de m’inscrire en faux. Le changement climatique est un défi très important, le premier défi n’est pas celui-là, c’est le défi démographique […] Nous sommes 7 milliards (petite erreur, nous sommes déjà 8 milliards), dans 30 ans nous serons 9 milliards, en 2100, demain matin, nous serons 11 milliards et demi, jamais dans l’histoire de l’humanité il n’y a eu autant d’habitants sur la planète […] Le premier défi, qui génère d’ailleurs le défi environnemental, c’est combien d’habitants vont pouvoir habiter sur la planète […] Non, il faut lutter contre le changement climatique, mais la première cause de dégradation de l’environnement – si vous ne voulez pas l’entendre, c’est que vous ne cherchez pas les causes et vous ne vous intéressez qu’à l’image – c’est le nombre d’habitants dans la planète. Le Nigéria va passer à 400 millions d’habitants, Lagos, la capitale économique, en a 22 millions. Si on ne pose pas la question de la natalité sur le continent africain ou la natalité en Asie, ou la natalité dans un certain nombre de pays, on ne pourra pas protéger les équilibres écologiques de la planète. Mais oui, il faut protéger la planète, oui, il faut lutter contre les dérèglements climatiques, non, l’homme n’est pas le seul responsable du dérèglement climatique, il suffit que la planète change d’axe d’un demi-degré face au soleil, et vous avez le Sahara qui était une mer ou une forêt qui devient un désert, et il faut se préoccuper de toute urgence du grand défi, qui est lié au défi environnemental …
- La démographie, c’est votre nouveau défi…
Voilà donc l’argumentaire misérable qu’une partie de la droite va s’approprier dans les années à venir. Peu importe qu’il soit popularisé aujourd’hui par un homme politique plutôt discrétisé, on le retrouvera sous d’autres plumes : négation des connaissances concernant les spécificités du réchauffement d’origine anthropique, recherche de boucs émissaires étrangers. On n’est plus dans le débat démocratique normal sur des sujets complexes, on est dans la manipulation des peurs. C’est le comble de l’ignominie.
Y compris à propos des problèmes que va rencontrer l’Afrique : les projections actuelles des démographes tiennent compte de l’évolution des taux de natalité, des taux de mortalité et de quelques indicateurs globaux comme les rythmes d’urbanisation, mais ils ne tiennent pas compte des ressources énergétiques disponibles au cours du siècle. Si, comme il est probable, ces ressources se resserrent, les projections des démographes ne se réaliseront pas. Mais de cela, le constructeur de boucs émissaires n’a cure.