Christophe André a exercé la psychiatrie dans le service hospitalo-universitaire de l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Il a publié un nombre important d’ouvrages destinés au grand public, ce qui lui a valu le prix Jean-Bernard de la Fondation pour la Recherche médicale en 2016. Il a toujours le souci de s’appuyer sur son expérience de psychothérapeute, sur d’abondantes lectures (notamment philosophiques et littéraires) et surtout sur des recherches de médecine et de psychologie basées sur des preuves empiriques, parfaitement référencées.
Il a publié plusieurs ouvrages sur l’estime de soi : Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi [1]; avec François Lelord, L'estime de soi [2].
Ce thème est devenu très important aux Etats-Unis à partir des années 1960. On a cru alors que l’amélioration de l’estime de soi chez les enfants résoudrait quantité de problèmes psychologiques et notamment les difficultés scolaires. En fait, une très forte estime de soi et le narcissisme présentent de sérieux inconvénients pour soi et pour l’entourage. Une faible estime de soi en présente également. Dans l’un et l’autre cas, les réactions agressives sont plus fréquentes que chez les personnes ayant une estime d’eux-mêmes modérée. Depuis plusieurs dizaines d’années, l’estime de soi, l’individualisme et le narcissisme — évalués par des questionnaires — ont nettement augmenté chez les Occidentaux et surtout les Américains. Ceci ne va pas sans poser de sérieux problèmes psychologiques et sociaux.
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Comme l’indique le titre S’estimer et s’oublier, il est ici question de l’estime de soi, mais c’est loin d’être le principal sujet. L’ouvrage est composé de courts développements sur des dizaines de sujets classés alphabétiquement : acceptation, admiration, autocontrôle, biais de négativité, chance, consommation, travailler les émotions, envie, génies et surdoués, Marie Curie, plaire, selfie, stress de ce qui reste à faire, vieillir heureux, etc. On peut déguster le livre par parties. Les abondantes références bibliographiques permettent d’approfondir les thèmes abordés.
L’auteur fait bénéficier le lecteur d’une très large culture, il a le don de raconter des observations pertinentes et des anecdotes savoureuses.
L’écriture est lumineuse. De nombreuses formules aident à retenir des informations essentielles. Chaque mot a été pesé.
Christophe André apparaît un maître de l’art de vivre et de bien se gérer. Il insiste notamment sur l’importance des liens sociaux de qualité et sur l’importance de garder ou de restaurer le sentiment d’être un « agent » capable de choix personnels et d’actions sur le monde.
EXTRAIT
« Selfie. Le fait de se prendre en photo soi-même. Nous devrions utiliser le mot français “egoportrait”, bien plus parlant, mais la paresse et le mimétisme nous ont fait préférer l'anglais. Définition parodique de l'écrivain Éric Chevillard : “Selfie. Traduction recommandée par la Commission générale de terminologie et néologie que je préside : vanité”. Les vanités étaient un genre de nature morte qui florissait au XVIIe siècle, pour rappeler aux humains la vanité de leurs ambitions et de leurs passions, et la brièveté de leur vie sur terre : elles montraient en général un crâne accompagné de quelques objets périssables, comme des fleurs et d'autres objets évoquant les savoirs ou plaisirs humains, eux aussi périssables, comme des livres ou instruments de musique. » (p. 294)
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[1] André, C. (2006) Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi. Odile Jacob, 470 p.
[2] André, C. & Lelord, F. (1999) L'estime de soi. Paris: Odile Jacob, 290 p. Nouvelle éd., Poches Odile Jacob, 2008, 320 p.