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Politzer (1903-1942) était un philosophe français, né en Hongrie dans une famille juive. Il a séjourné à Vienne où il s’est enthousiasmé pour l’œuvre de Freud. Émigré en France, il a étudié la philosophie à La Sorbonne (agrégé en 1926).
Il a commencé par critiquer les abstractions de la psychologie académique de son temps. Il revendiquait une psychologie concrète, par laquelle on comprend l’individu dans sa singularité et où l’on donne une place essentielle à la parole et au récit.
Dans la seconde moitié des années 1920, il estimait avoir trouvé cette psychologie concrète chez Freud, en particulier dans l’ouvrage L’interprétation du rêve. Il écrivait : « C’est le sens du rêve que cherche Freud. Il ne se contente pas de l’étude abstraite et formelle de ses éléments. Il ne cherche pas un scénario abstrait et impersonnel dont les figurants sont des excitations physiologiques, et dont l’intrigue est constituée par leur promenade dans les cellules cérébrales. Et ce qu’il veut atteindre par l’interprétation, ce n’est pas le moi abstrait de la psychologie, mais le sujet de la vie individuelle, c’est-à-dire le support d’un ensemble d’événements uniques, l’acteur, si l’on veut, de la vie dramatique ; en un mot, le moi de la vie quotidienne » (Critique des fondements de la psychologie, 1928, rééd., PUF, 1968, p. 53 ; italiques de Politzer).
En 1929, Politzer adhère au Parti communiste et devient de plus en plus critique à l’égard de la psychanalyse. Il critique notamment « la stagnation » de la psychanalyse dans un article de 1929 intitulé « La crise de la psychanalyse » [1]. Angelo Hesnard — un des premiers psychanalystes français — réagit en écrivant : « M. Politzer juge ici, manifestement, notre mouvement psychanalytique en homme du monde, en théoricien, en lecteur, quelle que soit sa perspicacité psychologique. Il n'y participe pas, n'étant pas praticien ni directement observateur, — comme, hélas, tous les critiques de la psychanalyse. Pour qui n'est pas passé par la psychanalyse didactique ou la pratique psychanalytique intensive, les résultats des recherches psychanalytiques choquent le bon sens autant que les convenances » [2].
Politzer n'éprouve guère de difficulté à réfuter ce sempiternel argument ad hominem : « Tout cela, écrit-il, c'est de nouveau du “psychologisme”, ou plutôt c'est cette tradition des psychanalystes d'après laquelle on n'a le droit de critiquer la psychanalyse qu'en étant Vereinspsychoanalyst, mais étant donné le fait que lorsqu'on critique la psychanalyse, on n'est plus Vereinspsychoanalyst, cela revient à dire que ceux-là seuls auraient le droit de se critiquer entre eux qui, en fait, n'en ont aucune envie » [3].
En 1939, à l’occasion de la mort de Freud, Politzer publie l’article « La fin de la psychanalyse » dans la célèbre revue La Pensée (fondée cette année-là) [4]. Il critique le fait que « les travaux psychanalytiques tournent en rond en ruminant constamment les mêmes thèmes », le dogmatisme, l’« éclectisme confus », l’incohérence de la psychanalyse, « les bavardages sur la synthèse du marxisme et de la psychanalyse », « le fait que nos moyens d’action en psychiatrie restent, après la psychanalyse, aussi insuffisants qu’auparavant ».
Il conclut :
« C’est un fait que la psychanalyse a attiré avec une particulière insistance l’attention sur des sujets “tabou”. Mais parler de sujets “défendus” n’est pas un titre suffisant en matière de science, et il apparaît bien aujourd’hui que la psychanalyse n’a guère fait davantage : elle n’a apporté aucune clarté nouvelle sur les problèmes que posent les faits dont elle s’est occupée. […] Il est vraisemblable aujourd’hui que la psychanalyse subira un sort analogue à celui de la phrénologie et de l’hypnotisme. Comme eux, elle appartient au passé.
La voie des découvertes réelles et de la science effective de l'homme ne passe pas par les “raccourcis” sensationnels de la psychanalyse. Elle passe par l'étude précise des faits physiologiques et historiques, à la lumière de cette conception dont l'ensemble des sciences modernes de la nature garantit la solidité » (p. 301s).
Résistant sous l’occupation allemande, Politzer a été arrêté, torturé pendant deux mois, puis fusillé en 1942. Son épouse est morte du typhus à Auschwitz en mars 1943.
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Références
[1] Réédité dans G. Politzer (1969) Écrits 2. Les fondements de la psychologie, Éditions sociales, p. 189-194.
[2] Cit. in Politzer, éd. 1969, Op. cit. p. 215.
[3] Ibidem, p. 229.
[4] Article réédité dans G. Politzer (1969), Op. cit., p. 282-302.