Misha Defonseca a raconté comment en 1941, quand elle avait 7 ans, ses parents juifs ont été arrêtés et déportés par les nazis. S’aidant d’une boussole, elle a alors entrepris un voyage de 3000 km à travers les forêts de l’Europe de l’Est, seule, à pied, dans l’espoir de retrouver ses parents. Elle a été accueillie par une meute de loups grâce à laquelle elle a survécu, avant de revenir dans sa Belgique natale. En cours de route, elle a tué un soldat allemand violeur.
Misha a raconté son histoire à la fin des années 1980, à son arrivée aux États-Unis. Jane Daniel, à la tête d’une petite maison d’édition, Mt. Ivy, la convainquit d’écrire son histoire. Le livre, “Misha: A Mémoire of the Holocaust”, parut en 1997.

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L’ouvrage a eu un succès considérable : il a été traduit en 22 langues (en français : “Survivre avec les loups”, Laffont, coll. “Vécu”, 1997). La 4e de couverture des éd. Pocket (2004) indique la vente de 430 000 exemplaires. Le livre, porté sur grand écran en 2007 par Véra Belmont, a suscité un demi-million d’entrées en France.
Des doutes sur cette autobiographie sont apparus progressivement. Le journal “Le Soir” a été le premier à en publier. Un chirurgien, Serge Aroles, grand connaisseur des loups, a relevé des invraisemblances. Il a été immédiatement insulté et qualifié d’antisémite. Philippe Orsini, conservateur du Muséum d'histoire naturelle de Toulon a déclaré : « Misha Defonseca affirme avoir été adoptée dans une forêt allemande par une louve accouplée à un loup noir. Or, les loups d'Europe sont tous gris. Les loups noirs n'existent qu'en Amérique du Nord. Autre incohérence : son adoption à deux reprises par des loups : “Une fois à la rigueur, mais deux fois de suite, c'est totalement improbable !” »
C’est un différend commercial entre Misha et son éditrice qui mettra le feu aux poudres. Misha attaque Jane Daniel en justice qu’elle accuse d’avoir détourné ses droits d’auteur. Celle-ci est condamnée à verser 22 millions de dollars. Suite à sa condamnation, Jane Daniel vient en Belgique faire une enquête auprès de membres de la famille de Misha. Elle découvre qu’au moment du périple présumé Misha n’avait que 4 ans et non 7, qu’elle était scolarisée à Bruxelles, que ses parents n’étaient pas juifs mais Belges catholiques. Son père, Robert De Wael, avait dénoncé tous les membres du réseau de résistance qu’il avait fondé. Sa mère Germaine, reconnue comme résistante, avait été arrêtée et déportée à Ravensbrück. Tous deux sont morts au cours de la guerre. En 1944, la justice militaire belge avait acté que Robert De Wael s'était mué en auxiliaire zélé de la Gestapo, qui tentait de piéger des femmes de résistants et se disait prêt à s'engager dans les Waffen SS.
À l’arrestation de ses parents, la petite Monique De Wael a été recueillie par son grand-père. On l’appelait la « fille du traître ». Elle a passé la guerre en Belgique. Elle a commencé à construire son propre monde et disait s'être toujours sentie juive. Elle s’identifie alors aux victimes de la Shoah, elle étudie des livres sur la Seconde Guerre mondiale et s’invente peu à peu une autre vie. Elle se convertit au judaïsme.
En 2008, après s’être défendue avec véhémence, elle avoue avoir tout inventé. Le 28 février le journal “Le Soir” rapporte ses aveux : « Je demande pardon à tous ceux qui se sentent trahis, mais je les supplie de se mettre à la place d’une petite fille de quatre ans qui a tout perdu, qui doit survivre, qui plonge dans un abîme de solitude et de comprendre que je n’ai jamais rien voulu d’autre que de conjurer ma souffrance ».
Pour en savoir plus : Lionel Duroy (2011) Survivre avec les loups : la véritable histoire de Misha Defonseca : document. Paris : XO Éditions, 234 p.