Laurent Bègue-Shankland (2024) “Traité de psychologie sociale”, De Boeck Supérieur, 2e édition, 862 p.
Cet ouvrage est actuellement, en français, l’ouvrage le plus complet sur la psychologie sociale, la discipline qui analyse le conditionnement des pensées, des affects et des actions par des interactions humaines. Notons que la frontière entre la psychologie sociale et la psychologie générale est floue : les deux disciplines traitent par exemple des processus cognitifs, de la perception, des émotions, du concept de soi, des attributions causales, etc.
L’auteur est professeur de psychologie sociale à l’université Grenoble-Alpes et directeur de la Maison des Sciences de l’Homme Alpes. Il a publié une centaine d’articles, la plupart dans des revues de haut niveau. Nous avons déjà rendu compte de deux de ses livres1.
Pour réaliser le bilan des connaissances fondamentales et appliquées de la psychologie sociale d’aujourd’hui, Laurent Bègue-Shankland a obtenu la participation de pas moins de 80 experts européens. Son ouvrage n’est pas une introduction à la psychologie sociale, c’est une somme qui s’adresse avant tout aux étudiants en psychologie.
Un des nombreux mérites du livre est d’aborder, de façon substantielle, des questions épistémologiques de la psychologie scientifique. Il y est question notamment de la « crise de la réplication » (le très petit nombre de recherches refaites), de l’insuffisance des échantillons, de faux résultats et de mystifications. À titre d’exemple de manipulation scientifique, on trouve une analyse détaillée de la célèbre expérience de Philip Zimbardo sur les prisons2, l’auteur ayant eu pour objectif de vouloir réformer les prisons américaines par une expérience-choc à diffuser largement.
Une première partie présente l’histoire de la discipline et ses nouvelles méthodes de recherches.
La deuxième partie (370 pp.) présente 13 thèmes fondamentaux de psychologie sociale : la connaissance de soi, le conformisme, le changement des attitudes et des comportements, la discrimination, les stéréotypes et les préjugés, les conduits agressives (que Bègue a beaucoup étudiées), les neurosciences sociales (l’étude de composantes cérébrales de comportements grâce à l’imagerie cérébrale), etc.
La troisième partie (280 pp.), particulièrement intéressante et novatrice, aborde 12 thèmes qui ont des implications pratiques et sociétales : la lutte contre la désinformation et l’extrémisme, l’éducation, les facteurs de la santé et du bien-être, la valeur des témoignages et les mécanismes de décisions judiciaires, les conduites en rapport avec les enjeux climatiques, les facteurs de la performance sportive, les facteurs de la croyance religieuse et de l’athéisme, etc. À cela s’ajoute un chapitre sur la méthodologie et la statistique.
L’ouvrage est un excellent outil de formation et de travail pour les psychologues. On y trouve les liens vers 80 vidéos particulièrement bien choisies, une bibliographie de 90 pages, d’excellentes illustrations, de nombreux encadrés, des résumés à la fin de chaque chapitre.
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1 Psychologie du bien et du mal (Odile Jacob, 2011) : https://www.afis.org/Psychologie-du-bien-et-du-mal
Face aux animaux (Odile Jacob, 2022) : https://www.afis.org/Face-aux-animaux
2 Voir les deux articles de Brigitte Axelrad sur l’expérience et sa critique :
https://www.afis.org/Le-diable-est-il-en-chacun-de-nous
https://www.afis.org/L-experience-de-Stanford-science-ou-cinema