Jacques Van Rillaer (avatar)

Jacques Van Rillaer

Professeur émérite de psychologie à l'université de Louvain

Abonné·e de Mediapart

175 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 décembre 2023

Jacques Van Rillaer (avatar)

Jacques Van Rillaer

Professeur émérite de psychologie à l'université de Louvain

Abonné·e de Mediapart

Gérard Depardieu : psychanalysé, fabuleusement sans-gêne

En 2004, Depardieu déclarait être en psychanalyse depuis 28 ans. Cette cure a-t-elle contribué à son formidable sans-gêne ? On peut le supposer. L’augmentation de l’estime de soi et du narcissisme sont des effets de la psychanalyse largement documentés

Jacques Van Rillaer (avatar)

Jacques Van Rillaer

Professeur émérite de psychologie à l'université de Louvain

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Le 17 septembre 2004, dans un article intitulé « Gérard Depardieu comme à confesse », on apprend : « Il a derrière lui vingt-huit ans de psychanalyse. C'est inquiétant. Il s'en épate, a enterré deux praticiens. » (1)

Dans une autre interview, à propos des conflits avec son fils Guillaume : « J’ai certainement beaucoup de défauts. J’essaye de faire ce que je peux avec, mais je ne me vautre pas dans mes défauts. Je suis en analyse depuis vingt-huit ans, j’essaye de vivre. » (2)

Depardieu illustre, d’une part, la durée des cures analytique et, d’autre part, ses principaux bénéfices : une estime et une affirmation de soi immodérées, le sans-gêne.

Deux illustrations.

La célèbre journaliste Françoise Giroud a entrepris une cure chez Lacan après que J.-J. Servan-Schreiber lui a préféré une autre femme. Elle résume le bilan en ces termes : « quand la représentation que l'on se fait de soi devient insupportable, le remède est là. Ne plus rougir de soi, c'est la liberté réalisée. C'est ce qu'une psychanalyse bien conduite enseigne à ceux qui lui demandent secours » (Le nouvel Observateur, 14-9-1995).

Pierre Rey, ancien rédacteur en chef de Marie-Claire, a consulté Lacan pour des phobies sociales : « Ma vie était tissée de sensations déplaisantes lorsque survenaient certaines situations types dont la plupart procédaient d'une comédie sociale, entrer dans une épicerie, dire bonjour, je voudrais un paquet de café, me retrouver dans une foule » (Une saison chez Lacan, p. 76). Au terme de dix années de séances quotidiennes d’analyse (des séances, il est vrai, très courtes, voire minuscules), il constate que ses phobies n’ont pas disparu : « L’avouer aujourd’hui me fait sourire : je suis toujours aussi phobique » (id., p. 77). Il se vante toutefois d’autres "bénéfices" : la libération de désirs, la "libération du joug de la reconnaissance", l’expression débridée d’émotions.

Un exemple : une amie lui a téléphoné plusieurs fois pour récupérer un livre qu'elle lui a prêté et qu'il a égaré. Réponse de Rey : « Écoute-moi, vieille truie. Ton torchon de bouquin de merde, je l'ai jeté aux chiottes. Maintenant, je te préviens. Si tu me téléphones une fois de plus, je te casse la tête ! Je ne veux plus entendre ta voix, plus jamais ! » (id., p. 170).

Bien peu de personnes se vantent d’être en traitement psychiatrique. La plupart des personnes en analyse s’en vantent, car elles ont le sentiment d’appartenir à la fine fleur pensante qui a les moyens de se payer la Rolls-Royce des méthodes de développement personnel. Elles n’utilisent pas le mot « psychothérapie » qui fait supposer un trouble mental. Maurice Maschino, qui a mené une enquête auprès d’une centaine d’analysés parisiens, note : « La plupart des allongés donnent volontiers dans l’exhibitionnisme. Analysé devient un titre, comme agrégé, et se porte aussi bien que la Légion d’honneur ou la médaille du mérite agricole : beaucoup le mentionnent dans les petites annonces du Nouvel Observateur ou de Elle : “J.J., 25 ans analysée, cherche…” » (p. 25). Il semble que ce soit particulièrement le cas chez des vedettes du showbiz. Le 3-2-2016, dans l’émission « Le divan » de Marc-Olivier Fogiel — lui-même alors en analyse depuis 12 ans —, Fabrice Luccini déclarait être en analyse depuis 40 ans. Luccini en était manifestement très fier.

Illustration 2

—————

(1) https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/gerard-depardieu-comme-a-confesse-17-09-2004-2005298654.php?fbclid=IwAR3c7xsWmK4UxBNkJxJSPlOVcmFrDrUYxeiZXvQjTb9GaXCRsXMr33IN8NI

(2) https://dua.typepad.com/cinema/2008/10/index.html

 Pour les références des citations, voir J. Van Rillaer, Les désillusions de la psychanalyse. Éd. Mardaga, p. 362 à 364.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet