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Billet de blog 29 mai 2025

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Freud était clairvoyant sur l’avenir du sionisme

En février 1930, Freud répond à la demande d’une lettre de soutien aux juifs de Palestine pour l’exercice de leur culte à Jérusalem. Il refuse de signer et se montre pessimisme quant à l’avenir du sionisme.

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En février 1930, Freud, âgé de 74 ans, reçoit un appel de l'association sioniste de Jérusalem “Keren Hajessod”, qui demande de protester contre les entraves par les Arabes de Palestine à l'accès au mur du Temple et à l'exercice du culte juif dans la Ville sainte. Freud refuse de signer cet appel. Dans sa réponse, il prend ses distances de manière désabusée. Il critique « le fanatisme peu réaliste de nos compatriotes  » et estime que « la Palestine puisse jamais devenir un État juif ». La lettre, tenue secrète à Jérusalem pendant plus de 70 ans, a été publiée en 2003 par le quotidien italien “Il Corriere della Sera”.

Prof. Dr Freud

Vienne, 19 Berggasse, 26 /6/1930

Monsieur le docteur,

Je ne peux pas faire ce que vous souhaitez. Ma réticence à intéresser le public à ma personnalité est insurmontable et les circonstances critiques actuelles ne me semblent pas du tout y inciter. Qui veut influencer le grand nombre doit avoir quelque chose de retentissant et d’enthousiaste à lui dire et cela, mon jugement réservé sur le sionisme ne le permet pas. J’ai assurément les meilleurs sentiments de sympathie pour des efforts librement consentis, je suis fier de notre université de Jérusalem et je me réjouis de la prospérité des établissements de nos colons . Mais, d’un autre côté, je ne crois pas que la Palestine puisse jamais devenir un État juif ni que le monde chrétien, comme le monde islamique, puissent un jour être prêts à confier leurs lieux saints à la garde des Juifs. Il m’aurait semblé plus avisé de fonder une patrie juive sur un sol historiquement non chargé ; certes, je sais que, pour un dessein aussi rationnel, jamais on n’aurait pu susciter l’exaltation des masses ni la coopération des riches. Je concède aussi, avec regret, que le fanatisme peu réaliste de nos compatriotes  porte sa part de responsabilité dans l’éveil de la méfiance des Arabes. Je ne peux éprouver la moindre sympathie pour une piété mal interprétée qui fait d’un morceau de mur d’Hérode une relique nationale et, à cause d’elle, défie les sentiments des habitants du pays.

Jugez vous-même si, avec un point de vue aussi critique, je suis la personne qu’il faut pour jouer le rôle de consolateur d’un peuple ébranlé par un espoir injustifié.

(Traduction de Jacques Le Rider, Germaniste, directeur d'études à l'École pratique des hautes études).

 Juifs au mur des lamentations

Illustration 1

Commentaires :

https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/07/04/freud-contre-l-esperance-injustifiee-du-sionisme_326544_1819218.html

https://www.linkedin.com/pulse/freud-et-einstein-contre-le-sionisme-bertaux-navoiseau-auteur-/

https://blogs.mediapart.fr/michel-herve-bertaux-navoiseau/blog/201023/sioniste-roudinesco-trahit-la-pensee-de-freud

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