Martin Seligman, un éminent psychologue du XXe siècle, rapporte, dans son livre What you can change and what you can’t [1] son long combat contre son poids, commencé à l’âge de vingt ans. Il énumère la douzaine de régimes qu’il a essayés. A chaque fois, le régime faisait perdre quatre à six kilos au bout d’un mois, puis les kilos revenaient. Seligman pesait chaque année un peu plus.
Seligman écrit que c’est là un des échecs les plus cuisants de sa vie. Beaucoup de choses le lui rappellent : se regarder dans un miroir ou voir ses plats préférés sur la carte d’un restaurant. Il écrit : « Durant trente ans de régimes, mes motivations étaient les suivantes :
- Je veux être séduisant. Je déteste ce pneu autour de la taille.
- Je veux rester en bonne santé. À l’âge que j’ai, mon père avait déjà fait un infarctus.
- Je suis souvent fatigué et irrité. Je veux me sentir plein d’entrain.
- Je suis un adulte. Je ne veux plus être à la merci d’un gâteau. Je veux sentir que je me contrôle ».
Seligman a fait une synthèse des recherches scientifiques sur les effets des régimes. Les résultats de ces études ne vont nullement dans le sens des nombreux best-sellers et des innombrables articles de magazines féminins sur les recettes amaigrissantes. Seligman est arrivé à ces conclusions :
- Les régimes ne servent à rien.
- Les régimes ne font pas maigrir. Ils augmentent même le poids.
- Les régimes peuvent altérer la santé.
- Les régimes peuvent être une cause d’anorexie et de boulimie.
Ces faits s’expliquent par le processus suivant. Des expériences ont montré que les rats modifient leur façon de manger lorsqu’ils ont manqué de nourriture. Quand ils peuvent à nouveau bien se nourrir et qu’ils retrouvent leur poids, leur métabolisme ralentit. Ils préfèrent alors les nourritures grasses et accumulent davantage de graisse. A mesure qu’ils sont soumis à des cycles de disette et d’abondance, ils emmagasinent davantage d’énergie. Après avoir connu la famine, ils peuvent atteindre un poids plus important que jamais lorsque la nourriture redevient abondante. Le même processus s’observe chez l’être humain.
Au cours d’un régime amaigrissant, le corps et le métabolisme se modifient. Chez les personnes en surpoids qui ont maigri grâce à un régime, les activités normales consomment moins de calories que chez des personnes qui n’ont jamais suivi de régime. Même la consommation d’énergie durant le sommeil baisse de 10%.
Ce mécanisme favorise la survie de l’espèce humaine et des animaux. Il protège le corps en période de famine en économisant de l’énergie, en stockant des graisses et en stimulant des sensations de faim. Lorsque la nourriture redevient abondante, le mécanisme continue de fonctionner, de sorte que le poids corporel non seulement se restaure, mais a tendance à augmenter. Plus nombreuses sont les périodes de famine ou de régime, plus le corps apprend à capter de l’énergie et à l’utiliser avec parcimonie.
Seligman donne les conseils suivants pour lutter contre le surpoids :
- Occupez-vous de votre forme physique et non de l’élimination de kilos.
Il est démontré que l’exercice physique a un effet bénéfique sur la santé et est bien plus important que le poids corporel. L’effet sur la santé s’observe même s’il ne s’accompagne pas d’une diminution de poids ! D’autre part, l’exercice physique a également un effet positif sur l’humeur et l’estime de soi. Il s’agit donc de faire de l’exercice physique indépendamment de l’objectif de maigrir. Le risque est grand d’abandonner l’exercice régulier si vous poursuivez seulement l’objectif de perdre du poids ou même ces deux objectifs à la fois : maigrir et être physiquement en forme.
- Choisissez une alimentation saine.
N’essayez pas tout de suite de manger moins, mais occupez-vous de la qualité de votre nourriture.
- Mangez quand vous avez faim.
Dans notre société, l’alimentation est davantage réglée par l’heure des repas que par les sensations de faim et de satiété. Les enfants sont éduqués à vider leur assiette, sans apprendre à tenir compte des sensations corporelles qui signalent qu’ils sont rassasiés. Voici ce que vous pouvez faire pour reconnaître la faim et manger moins :
Quand vous voyez quelque chose d’appétissant, posez-vous la question : « Mon estomac est-il vide ou ai-je simplement envie de quelque chose d’agréable dans la bouche ? »
Si vous constatez qu’il s’agit seulement d’avoir envie d’une sensation agréable, renoncez à cet aliment.
- Au milieu du repas, arrêtez-vous de manger pendant une minute et demandez-vous :
« Ai-je suffisamment mangé ? » Si vous êtes rassasié, arrêtez-vous de manger.
- Mangez lentement et buvez plusieurs fois de l’eau au cours du repas.
Déposez régulièrement vos couverts, de manière à ralentir votre alimentation et être à même de sentir quand vous avez assez mangé.
En fin de compte, il est important de réaliser que vous ne pouvez pas entièrement contrôler votre poids. Ce qu’on appelle le « poids normal » est le poids moyen de la population, mais c’est tout autre chose que le « poids naturel » d’une personne. Le poids naturel de chacun de nous dépend de notre constitution et de facteurs génétiques. De façon générale, le corps maintient par lui-même un équilibre déterminé. Lorsque vous essayez de descendre en-dessous de ce poids, parce que vous pensez que vous devez peser moins, le corps se rebelle.
Pour en savoir plus sur Seligman :
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[1] What you can change and what you can’t. Éd. Random House, 1993. Trad., Changer, oui, c’est possible. Québec : Les Editions de l’Homme, 1995, 381 p.
Le titre de la traduction ne reflète pas correctement le titre original ni le contenu du livre : « Ce que vous pouvez changer et ce que vous ne pouvez pas ».