Je veux être clair face à une situation envenimée qui fait souffrir de toutes parts.
J’ai souvent manifesté mon amitié et mon admiration pour Gérard Depardieu, dans le même temps je n’ai jamais caché mes combats politiques. Je n’ai jamais manqué de défendre celui des femmes, mais ces derniers jours, sans doute trop touché par des amalgames, des empilements de jugements à la hâte, j’ai mal lu et signé cette pétition emphatique et sans discernement initiée par des gens malhonnêtes et dangereux et qui ignore gravement le vrai débat. « Il fallait y penser plus tôt », écrit Charlotte Arnould.
Je mesure chaque jour mon aveuglement. J’ai par réflexe d’amitié signé à la hâte, sans me renseigner, oui j’ai signé en oubliant les victimes et le sort de milliers de femmes dans le monde qui souffrent d’un état de fait trop longtemps admis. L’écartèlement entre les devoirs de l’amitié et ceux de l’homme, du père et du citoyen aurait pu encore m’aveugler si je n’avais vu de mes propres yeux, vu et entendu ces derniers jours une femme exprimer une violence, une émotion, un déchirement, un désespoir que je ne mesurais pas. J’ai saisi ce que pouvait signifier la douleur qui ne se refermera jamais. Dans le livre collectif Moi aussi je lisais que les survivantes sont les seules à pouvoir comprendre les autres survivantes. Je le sais à présent.
Ma signature était un autre viol.
Je me sens totalement solidaire du combat de toutes ces femmes, mais je ne veux plus participer à des condamnations médiatiques, publiques, mal maîtrisées, et Gérard Depardieu ne doit pas devenir le symbole de ce qu’il faut combattre. Les plaintes déposées doivent être jugées.
Si l’on a été coupable d’accepter des comportements désormais inacceptables sur les plateaux de cinéma et de théâtre, alors oui je fus coupable.
Malgré l’amour ou l’admiration que ses amis, sa famille et la famille du cinéma lui portent, nous ne devons pas empêcher la vérité d’éclore, et nous ne devons pas user de notre pouvoir pour empêcher les consciences de s’ouvrir, pour le bien et la paix de toutes et tous.
Jacques Weber, le 1er janvier 2024