L’immigration est le thème porteur principal de la droite en France comme il est à la base du succès de l’AFD en Allemagne, et le vecteur principal de la menace Trump aux États-Unis. La gauche déserte ce combat, le passe sous silence, n’affirme pas haut et fort que le seul moyen de lutter contre l’immigration subie, aussi bien par les immigrés que par leur pays d’accueil, est de lutter pour la convergence des conditions de vie entre le Sud et le Nord, donc de dénoncer toutes les formes de colonialisme et d’impérialisme, et dans l’immédiat d’affirmer la solidarité de tous les travailleurs, natifs et immigrés. Tant que 10 % de la population mondiale a faim tous les jours comme l’indique un des derniers rapports de l’ONU, la question de l’immigration qui taraude tous les pays occidentaux n’aura pas de solution. Voir « Étrangers, immigrés, bienvenue »[1]
La dette : la gauche laisse à la droite l’apparence du sérieux économique en laissant croire que la dette n’est pas un problème, qu’elle peut augmenter sans limite, (plus de 3000 milliards aujourd’hui, plus de 110% du PIB). Ce qu’aucune personne de bon sens ne peut croire. La dette publique est avant tout créée par l’appropriation privée du budget public, 200 milliards par an d’aide aux entreprises. Par toutes les droites, la dette est mise en regard artificiellement avec l’aide sociale, de façon à la faire supporter aux travailleurs déjà exploités dans leur travail. Elle devrait être mise en regard avec les 4200 milliards que les 1% accaparent par an selon le dernier rapport d’Oxfam. En évitant la question au lieu de l’aborder franchement la gauche ne brandit pas clairement le drapeau de la lutte contre les inégalités et ne prépare pas les travailleurs aux crises à venir.
La guerre de Poutine en Ukraine entraîne des conséquences désastreuses d’abord pour les travailleurs ukrainiens qui résistent comme ils peuvent, pour les travailleurs russes ensuite, mais elle est aussi lourde de menaces pour l’ensemble des travailleurs du monde. La gauche n’en dit rien. Soutenir les travailleurs ukrainiens en lutte paraitrait pourtant un minimum. Pour eux, mais aussi pour nous, car dans leur lutte ils dessinent aussi le projet politique dont ils veulent : le respect des règles communes, la paix, la démocratie, et non les dictatures à la Poutine.
Si une partie de la gauche en fait plus pour la Palestine, elle est cependant divisée et se laisse trop souvent accuser d’antisémitisme par le fait de ne pas dégager une ligne clairement anticoloniale et anti islamique. Là-dessus aussi se dessine le projet réellement de gauche, le rejet de la politique impérialiste israélo-américaine, la solidarité avec les pays du Sud. La gauche devrait porter un soutien déterminé et conjoint à la Palestine et à l’Ukraine.
Le projet alternatif : En consacrant tous ses efforts aux luttes parlementaires, gouvernementales, ou à des revendications syndicales, (la retraite, le smic, …) la gauche ne dégage pas un projet alternatif à celui que toutes les droites défendent : le capitalisme. Cela exige bien sur de revenir sur les expériences passées de communisme, à en faire un bilan objectif, dégagé de la propagande des droites[2]. Ne pas le faire c’est laisser les travailleurs désemparés, aux prises avec les crises et les incohérences capitalistes mais sans un projet alternatif réel qui seul peut mobiliser sur la durée.
Mener le combat pour tenter d’imposer un gouvernement de gauche en profitant des divisions de la droite est de bonne guerre. Mais ce ne devrait être qu’anecdotique, d’autant plus qu’il ne peut déboucher sur une victoire. Ce n’est pas en évitant d’aller débusquer les idées de droite sur l’immigration, la dette, les guerres, le projet de société, etc. qu’on prépare les travailleurs aux difficultés et à la complexité des difficultés à venir, ni qu’on prépare les succès de demain.
[1] Jacques Lancier : « Étrangers, immigrés bienvenue, vous aussi êtes ici chez vous ! » l’Harmattan 2023.
[2] Jacques Lancier : « Réinventer le communisme » Amazon 2018.