C’est déjà le cas des partis d’extrême gauche, NPA, POID, comme ce le sera demain pour LFI et autres. Pourquoi ? Parce que les bases d’union sont inconsistantes. Les fondamentaux de gauche : lutte contre les inégalités, contre les dérèglements du climat et de la planète, contre les risques de guerre mondiale suscités par l’offensive américaine contre la Chine, contre les risques de crise économique mondiale liés aux dérèglements financiers, immobiliers, énergétiques, migratoires etc. donnent lieu à des diagnostics différents. Autant sur leur urgence, leur priorité, que sur leur solution: capitalisme régulé ? vert ? social-démocratie régénérée ? communisme réinventé?
Au-delà de ces questions qui sont assez peu discutées, alors qu’elles devraient l’être, des urgences immédiates à court et moyen terme devraient aussi nous interpeller, nous motiver, nous obliger à nous orienter et à nous unir. Observer l’adversaire donne quelques pistes.
Que fait l’adversaire ?
Le blocage du congrès américain, l’un des centres de décision principaux des dirigeants du monde capitaliste aujourd’hui, nous donne quelques indications. Les élus républicains Trumpistes, leaders de l’extrême droite internationale, font du chantage sur la répartition du budget américain en sécurisant l’aide à l’état terroriste israélien, en réduisant l’aide à l’Ukraine, et en exigeant la réorientation des sommes vers la lutte contre l’immigration. Le tout dans un climat politique où dixit Liz Cheney, ancienne élue républicaine au congrès, « Les Etats unis avancent comme un somnambule vers la dictature », (avec l’élection éventuelle de Trump l’an prochain).
Les enjeux de l’actualité immédiate, guerre d’Ukraine, résistance palestinienne, luttes des travailleurs immigrés, indiquent comment la gauche devrait se positionner, en soutien aux luttes réelles, face à l’adversaire et, en marchant, établir ainsi une unité solide, dont ils sont la pierre de touche.
L’invasion russe de l’Ukraine a fait déjà 600 000 victimes dont sans doute 150 000 tués. Tout ce qu’on connait de la position des travailleurs en Ukraine est que, quelque soient leurs critiques à l’égard de leurs dirigeants, et la pleine conscience qu’eux-mêmes sont ceux qui souffrent le plus de cette guerre, ils soutiennent la résistance nationale. Pour eux-mêmes et pour les autres pays menacés. Poutine a cité les pays baltes au même titre que l’Ukraine comme ayant fait partie de la Grande Russie, tentant de justifier ainsi en avance une éventuelle agression. Ces pays abritent des minorités russophones susceptibles de servir de prétexte à une agression. La résistance ukrainienne est à la pointe de la lutte contre l’un des deux impérialisme dominants. Le soutien des forces de gauche à la résistance ukrainienne est d’autant plus nécessaire que l’appui d’une fraction des impérialistes occidentaux faiblit. Or ce soutien est encore très faible face à l’ampleur de l’agression russe. L’intersyndicale, officiellement solidaire, n’envoie guère plus qu’un représentant à chaque manifestation de soutien. Merci entre autres aux Editions Syllepse qui publient les documents des Brigades Editoriales de Solidarité avec l’Ukraine!.
Les crimes de guerre de l’état israélien contre le peuple palestinien : affamer, assoiffer, bombarder une population - déjà l’équivalent à Gaza (16 000 victimes) de 10 Guernica (1600 victimes)- ne suscitent pas non plus l’émotion et la mobilisation qu’ils devraient. Le soutien à la résistance palestinienne, qui là aussi regroupe tout le peuple et en particulier les travailleurs, est nécessaire. Indépendamment de la direction pour l’instant islamiste et terroriste de cette résistance. Les crimes de guerre de l’état israélien sont appuyés par deux escadres américaines en méditerranée. La résistance palestinienne est à la pointe de la lutte contre l’autre impérialisme dominant. Des manifestations de soutien à la Palestine ont lieu ici ou là, comme tous les samedis place de la République à Paris, mais on est loin des 300 000 manifestants de Londres. Merci entre autres au collectif Urgence Palestine ou à l’AFPS (Agence France Palestine Solidarité) pour son soutien au long cours.
L’immigration dans tous les pays occidentaux constitue une fraction importante des ouvriers et des employées. S’attaquer aux immigrés c’est avant tout s’attaquer aux travailleurs. L’immigration est une nécessité de l’organisation de la production capitaliste. Ainsi les israéliens font appel à des travailleurs thaïlandais quand ils veulent se passer des ouvriers palestiniens. Viktor Orban, l’idole des anti immigrés après avoir fait barrage aux immigrés syriens, annonce l’arrivée de 500 000 immigrés indonésiens et philippins en Hongrie. En proportion c’est comme si Marine Le Pen annonçait vouloir faire entrer 3 millions d’immigrés en France ! Les mesures hypocrites contre l’immigration sont en fait des mesures contre une partie des travailleurs pour faire accepter à l’ensemble d’entre eux des conditions de vie et de travail dégradées. C’est justement dans ce but que la loi Darmanin contre l’immigration est en discussion à l’Assemblée nationale ce mois de décembre et reçoit l’appui des macronistes, des LR et du RN. La lutte de l’immigration est à la pointe de la lutte ouvrière. Elle non plus ne suscite pas de mobilisations importantes de la gauche. La « marche des solidarités » qui rassemble 14 collectifs de sans-papiers, et plus de 200 organisations, l’UCIJ, (Uni·e·s contre l’immigration jetable) qui annonce 800 organisations partenaires, réunissent souvent à peine plus de manifestants que d’organisations signataires! Justement la journée internationale des migrants du 18 Décembre est l’occasion de se mobiliser.
Unité ! unité ! Le soutien aux résistances palestinienne, ukrainienne, immigrée, cibles de nos adversaires que sont les républicains américains, amorce et définit un axe stratégique solide pour l’unité de la gauche dans un monde chaotique. Il est l’axe concret contre l’extrême droite américaine, européenne et française. Ce soutien à ces résistances est encore faible ? oui. Et il reflète l’état réel de l’unité de la gauche. Quel parti mobilise sérieusement pour ces résistances? L’unité se fait en marchant ! et ici littéralement !
L’unité fondée en dehors de ces réalités crues, immédiates, d’actualités, qui sont en fait les expressions concrètes de la lutte de classe dans le monde aujourd’hui, ne pourra être que temporaire et illusoire, comme elle l’a été autour de la réforme des retraites, ou lors de la création de la Nupes il y a peu. Preuve est faite que l’unité de ce type est trop ambiguë pour tenir la distance. L’unité de la gauche doit se faire sur des fondements politiques plus solides, telles que les 3 composantes indiquées ici.