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Billet de blog 8 avril 2022

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Ukraine, la position des pays du Sud

On peut regretter la « timidité » des pays du tiers monde à condamner l’agression russe en Ukraine : abstentions à l’ONU du Pakistan, de l’Inde, des pays africains, de la Chine, etc. On peut s’étonner de l’ambivalence de la gauche sud-américaine qui croit voir dans le Poutine des oligarques un successeur de la révolution bolchévique…

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La Russie de Poutine n’est pas plus le successeur de la révolution bolchévique et de la guerre anti nazie que l’Ukraine de Zelensky. Russie et Ukraine faisaient partie de l’URSS et ont mené toutes deux la guerre anti nazie. 

Ukraine 2022, Koweït 1990 Les pays du tiers monde sont cependant porteurs d’une vérité qui nous échappe facilement, à nous citoyens des pays riches. Un précédent historique peut être éclairant : le 2 Aout 1990 Saddam Hussein, le président irakien, envahit le Koweït. Comme l’Ukraine, il s’agit d’un pays indépendant reconnu par la communauté internationale. Comme l’invasion de l’Ukraine, celle du Koweït est justifiée par un passé historique complexe car le pays a un moment fait partie de l’Irak. Les richesses du pétrole Koweitien comme l’industrie du Donbass Ukrainien aiguisent les appétits des dirigeants des puissances voisines que sont l’Irak pour l’un, la Russie pour l’autre.  Dans les deux cas la communauté internationale des pays a condamné l’agression.  Au Koweït une coalition de 34 pays menée par les Etats Unis, incluant la France, déclenche la première guerre du Golfe et libère le Koweït en Février 1991. Que se passe-t-il ensuite ? l’impérialisme occidental, en particulier américain, continue de dominer le monde, y compris le Koweït. En 2003 les Etats Unis, toujours sur un arrière fond de pétrole et à coups de mensonges qui n’ont rien à envier à Poutine (rappelons-nous les « preuves » d’armes de dissuasion massive agitées par Colin Powell à la tribune de l’ONU), constituent une coalition de 48 pays. Ils déclenchent, sans la France cette fois, mais avec l’appui de l’Ukraine, la deuxième guerre du golfe. La coalition renverse Saddam Hussein, fait 600 000 morts, 2 millions de réfugiés plus 2 millions de déplacés. S’y ajoutent les dégâts annexes telle que la création de Daech et l’explosion du terrorisme etc. De nouveau l’impérialisme occidental règne en maitre, avec son chaos et ses guerres permanentes.

Les peuples ont appris, de cette expérience entre autres, que quelles que soient les agressions des petits impérialismes comme celui de Saddam Hussein, l’impérialisme occidental est, depuis des décennies sinon des siècles, celui qui domine le monde entier, celui qui oppresse de façon continue économiquement, et au final celui qui commet le plus de crimes.

La Russie, un impérialisme secondaire : La Russie est une puissance moyenne. Elle a un vaste territoire mais une population de 145 millions d’habitants, la 9ème population mondiale et le 12ème PIB mondial. Son économie est au niveau de l’Espagne ou de l ’Australie. Certes, suite à l’héritage de l’URSS et de la lutte contre le nazisme elle a une armée relativement puissante, mais qui ne fait cependant pas le dixième de l’armée américaine. Les sanctions économiques et financières contre la Russie ont montré à quel point le système financier international tentaculaire est dominé par les oligarques occidentaux. Au passage ces sanctions ont aussi montré que quand les démocraties occidentales veulent, elles peuvent. Les paradis fiscaux et le blanchissement d’argent sale c’est donc leur choix ! Les peuples européens savent que la Russie, incapable même de vaincre l’Ukraine - grâce à la résistance de son peuple - ne représente pas pour eux un risque d’invasion. Sur le plan nucléaire, elle demeure un danger, mais comme les autres puissances du même type, telle que la France. A plus forte raison les peuples d’Afrique, d’Amérique Latine ou d’Asie savent que la Russie n’est pas le danger principal qui les menace. Ces peuples constatent aussi que les millions de réfugiés, Syriens, Afghans, Soudanais du Sud etc. ne sont pas l’occasion d’autant de sollicitude que les réfugiés Ukrainiens. Sans parler des millions de palestiniens réfugiés depuis 75 ans.  Ces derniers ont fait l’objet de nombreuses résolutions de l’ONU qu’Israël et les Etats Unis n’ont pas plus respectées que ne l’a fait Poutine.  En parallèle l’impérialisme occidental n’attend pas la fin de la guerre en Ukraine pour poursuivre ses méfaits. Qu’à notre stupéfaction l’Europe soit le terrain d’une guerre ne fait malheureusement que la mettre au niveau des autres continents ou sévissent oppressions et guerres de toutes sortes. Au Mexique, à elle seule la guerre du crime fait chaque année 35 000 victimes. Près de 400 000 victimes depuis 2006. Plus que ne le fera au total espérons le l’agression russe en Ukraine. L’exploitation, les rapports inégaux qu’imposent les capitalistes occidentaux au monde restent les ennemis principaux des travailleurs, et les rivalités de ces capitalistes la source de guerres multiples.

Condamner Poutine : Est-ce que pour autant les agressions comme celles de Poutine ou de Saddam Hussein ne sont pas condamnables ? Si elles le sont ! Car elles n’apportent elles aussi que des malheurs. Un milliard de personnes sont déjà affectées dans le monde après un mois et demi de guerre en Ukraine, ne serait-ce que par l’augmentation du prix du blé, des engrais, de l’énergie. Mais tout en condamnant ces agressions, on ne peut pas perdre de vue quel est l’ennemi principal permanent. L’agression contre l’Ukraine a été précédée de manigances de l’OTAN pour s’étendre à l’Est. La résistance de la nation Ukrainienne est admirable mais nous sommes bien placés en France pour savoir que cela peut se retourner. C’est le 8 Mai 1945, le jour de la victoire contre le nazisme, que l’armée de libération française bombarde Sétif en Algérie et se transforme en une armée d’oppression coloniale. Tout en condamnant l’agression russe on ne peut pas oublier que l’Ukraine aussi, comme pratiquement tous les pays, est dirigée par des oligarques et que seuls les 1% privilégiés de la population bénéficie du régime capitaliste en place. Voir à ce sujet l’excellente série « Serviteur du peuple » où Voldymyr Zelensky qui ne l’était pas encore, joue déjà le rôle de président de l’Ukraine. (Disponible en replay sur Arte).

Il y a, outre l’émotion soulevée par les crimes suscités par l’agression russe en Ukraine, une raison plus politique de dénoncer aussi les agressions des impérialistes secondaires tels que Saddam ou Poutine. L’émancipation des travailleurs est une lutte difficile. L’essentiel comme l’indiquait Marx est l’unité des travailleurs. Avant tout l’unité des prolétaires, l’unité des classes populaires.  Mais aussi - la lutte encore une fois est difficile - il y faut le ralliement des classes moyennes dont une fraction importante se trouve dans les pays du Nord, Europe, Etats Unis etc. Et comme l’indiquait Mao Tse Toung prolongeant Marx, pour forger l’unité il faut « être dans son bon droit ». Les impérialismes secondaires ne le sont pas. Ce faisant ils divisent les travailleurs et désorganisent leur lutte. Leur condamnation est une des conditions de l’unité.  L’échec de leurs agressions est nécessaire et participe à l’expérience des peuples : Aujourd’hui aucun pays ne peut réellement en envahir durablement un autre. C’est ce qu’ont montré le Koweït, et auparavant le Vietnam, l’Afghanistan à de multiples reprises, et aujourd’hui l’Ukraine. Des responsables américains considéraient que mêmes eux, deux fois plus nombreux et 10 fois plus puissants militairement que les russes ne pourraient pas « tenir » un pays comme l’Ukraine. Les guerres sur des bases nationales sont des catastrophes assurées pour les victimes mais aussi pour les agresseurs.  De même si on maintient les analyses et les positions sur un terrain « national » on entre forcément dans des contradictions inextricables. Les nations ont été nécessaires au capitalisme dans son développement, mais elles ont toutes eu un périmètre variable, elles ont toujours eu un caractère mouvant, transitoire. Les luttes nationales, mêmes justes un moment, peuvent se transformer en leur contraire si elles ne sont pas prolongées par la lutte sociale. C’est en ayant un point de vue de classe, non un point de vue national que l’on peut rester en phase et que l’on peut comprendre le point de vue des pays du Sud sur les événements du monde, que ce soit sur la lutte contre le changement climatique ou sur la guerre en Ukraine. Pays du Sud où se trouve l’essentiel de la classe ouvrière.

Conclusion : Dénonciation de l’agression russe ! soutien à l’Ukraine ! dénonciation de toutes les alliances de guerre telle que l’Otan ! Donc par exemple, écarter lors des élections tous les candidats qui, de Macron à Jadot en passant par Le Pen et Hidalgo veulent renforcer l’Otan. Avoir un point de vue de classe au lieu d’un point de vue national c’est aussi intégrer que le point de vue ouvrier n’est pas au pouvoir en France. C’est-à-dire qu’il n’a pas la connaissance des tenants et aboutissants de toutes les situations. Il n’a pas le pouvoir de décider en connaissance de cause par exemple s’il faut livrer des armes et quel type d’armes à la résistance ukrainienne, s’il faut un embargo et quel type d’embargo etc. Nos oligarques ont le pouvoir. C’est eux qui décident. Par contre nous réalisons que le capitalisme c’est toujours plus de guerres. La solution exige donc de dépasser le capitalisme, de tendre vers le communisme. Pour ce faire, il faut forger l’unité des 99% face aux oligarques et aux 1% de tous les pays. Comprendre la position des pays du Sud en fait partie.

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