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Billet de blog 20 septembre 2024

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L’État d’Israël menace les juifs.

La création de l’état d’Israël par l’ONU en 1948 était censée protéger les juifs après la tragédie de la shoah et ses millions de victimes. Le massacre du 7 octobre 2023, ses 1195 morts, et ses 250 otages ont montré que ce n’était pas le cas. D’autant plus que ce massacre n’est que l’un des drames qui ont marqué cet état, avant, pendant et après sa création en 1948.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec la déclaration Balfour en 1917 les Britanniques décident d’appuyer la création d’un foyer national juif en Palestine, la colonie qu’ils ont arraché à l’empire ottoman. Ils donnent ainsi leur appui au sionisme issu des églises évangéliques américaines[1] tout en créant en parallèle, avec la Légion Juive, l’amorce de l’armée sioniste. Le sionisme crée une histoire qui relie l’existence des juifs européens à la Palestine. En Palestine ottomane existait, à côté d’une majorité de culture musulmane, des minorités chrétienne, druze, bédouine, ainsi que juive, le Yichouv (13000 personnes en 1860). En parallèle du sionisme, des milices d’autodéfense contre les pogroms en Russie et en Europe de l‘Est s’organisent. Elles deviendront la Haganah, l’Irgoun, le Lehi, qui accompagnent la colonisation juive en Palestine, organisent la Nakba, l’expulsion de 700 000 palestiniens de leur territoire, en en tuant 15 000. Ces organisations terroristes (entre autres elles assassinent Bernadotte le représentant de l’ONU à Jérusalem en 1948) constituent ensuite Tsahal, l’armée israélienne. L’utilisation d’outils civils, beepers et talkie walkies pour assassiner de façon indifférenciée civils et militaires, caractéristique d’une action terroriste qui permet par exemple de qualifier le Hamas de terroriste, prolonge une longue tradition inhérente à la constitution d’Israël.  L’antisémitisme et les pogroms ont été à la fois à l’origine des réactions défensives juives, et les principaux pourvoyeurs de l’envoi des juifs en terre arabe. Hitler, l’antisémite emblématique, contribue lui-même à la constitution d’un foyer juif en Palestine lors des accords d’Haavara de 1933 qu’il passe avec l’Agence Juive et qui expédient 60 000 juifs allemands supplémentaires en Palestine.

Illustration 1

Un des accords d’Haavara 1939

À l’issue de la seconde guerre mondiale en 1948, la résolution 181 de l’ONU décide la création de l’État d’Israël par 33 voix contre 13, dont tous les pays arabes, et 11 abstentions. Comme le résumera Arthur Koestler, écrivain juif d’origine hongroise : « Une nation a solennellement promis à une deuxième le territoire d’une troisième ». La Grande Bretagne a promis à Israël le territoire de Palestine. Lors de la création d’Israël en 1948 la Palestine compte 650 000 juifs, 1,2 million de musulmans, 150 000 chrétiens. 30% de la population accapare 77% du territoire.

L’ONU a été créée par les vainqueurs de la 2ème guerre mondiale, États-Unis et URSS, avant la décolonisation, avant l’émergence de la plupart des pays du Sud et de l’Est qui sont encore à l’époque des colonies et ne sont donc pas représentés.  En créant Israël, Américains et Européens se dégageaient dans une de leur colonie du moyen orient de la culpabilité de la Shoah… et éventuellement aussi de leur population juive.

Toujours en guerre (nombre de victimes israéliennes) :

Après la grande révolte arabe de 1936/1939 (304 victimes israéliennes) qui précède la création de l’état, et après  la guerre de 1948/ 1949 (4000 militaires, 2400 civils) qui la suit, Israël a tout le temps été en guerre et dans une spirale de violence : expédition de Suez 1956 (176), guerre des Six Jours 1967 (780), guerre d’usure 1967 (600 à 1500 militaires, 127 civils), massacre de Munich 1972 (11 athlètes), guerre du Kippour 1973 (3000), raid sur Entebbe en Ouganda 1976 (4 dont le frère de Netanyahou ), première guerre du Liban 1982 (1000), 1ere Intifada « la guerre des pierres » 1987 /1993 (200), 2ème intifada 2000 / 2005 (1062), seconde guerre du Liban 2006 (164), guerres de Gaza 2008, 2012, 2014, 2021, 2023 avant le 7 octobre (341), 7 octobre (400 militaires, 800 civils), Gaza Cisjordanie 2024 (340) … Outre « l’élimination du Hamas à Gaza » les prochaines actions militaires déjà annoncées par Israël : « éliminer le Hezbollah au Liban [2]» (comme l’élimination du Hamas ?), annexion de la Cisjordanie, destruction du potentiel nucléaire iranien,… aggraveront en retour aussi le nombre de victimes israéliennes.

Bien sur Israël fait 20, 30 fois plus de victimes chez les Palestiniens (plus de 40 000 après les 1200 tués lors du 7 octobre) mais subit néanmoins des victimes chaque année. Avec le massacre du 7 octobre et la volonté d’Israël d’affamer Gaza[3], preuve est faite que créer l’état d’Israël pour protéger les juifs était au minimum une fausse bonne idée.

Benyamin Netanyahou n’est pas le problème

Penser que le premier ministre Netanyahou serait le problème ne tient pas. Il pourrait être remplacé par pire.  En mars 2023, avant le 7 octobre donc, le ministre « suprémaciste » de Netanyahou, Bezalel Smotrich crée un tollé en déclarant que « Les palestiniens n’existent pas ».  Il fait remarquer cependant qu’il ne fait que reprendre la phrase de juin 1969 de Golda Meir, la première ministre travailliste. Il ne peut pas y avoir de colonisation « pacifique », il ne peut pas y avoir de colonisation « démocratique », il ne peut pas y avoir de colonisation « humaine ». Si la colonisation, comme avant elle le cannibalisme, les sacrifices humains, l’esclavage, a pu dans le passé avoir sa justification, la colonisation est aujourd’hui un crime, reconnu comme tel par l’humanité. Comme l’agression de l’Ukraine par Poutine, (avec qui Netanyahou reste lié), la politique américano israélienne est un reste des politiques coloniales. C’est pourquoi Israël, soutenue à bout de bras par les États-Unis, est totalement isolée dans le monde. Francesca Albanese, la rapporteuse italienne de l’ONU sur les droits de l’homme, ainsi que d’autres experts indépendants de l’ONU ont jugé Israël « état paria » dont la présence à l’ONU devait être remise en question. Israël est convoqué à la Cour internationale de justice, la CIJ, à la Cour pénale internationale, la CPI etc. Les vols pour Tel-Aviv sont fréquemment suspendus. En pratiquant des crimes de guerre, en recourant au génocide, l’état d’Israël, qui se veut officiellement juif, se coupe de la communauté internationale mais coupe dangereusement aussi tous les juifs de la communauté internationale.

Israël est un danger pour ses voisins palestiniens en premier lieu (plus de 40 000 tués à Gaza depuis le 7 octobre, plus de 700 en Cisjordanie) et est aussi en conflit avec le Liban (le Hezbollah), la Syrie (le Golan), l’Égypte (le couloir de Philadelphie), le Yémen (les houthis de Mer Rouge), l’Iran (assassinats de scientifiques) etc.  Mais visiblement Israël n’est pas un lieu sûr pour les juifs non plus. De plus la politique criminelle d’Israël jette l’opprobre sur tous les juifs du monde et les met eux aussi en danger. Avec l’état d’Israël les juifs n’ont probablement jamais été aussi ghettoïsés.  L’état d’Israël constitue un danger pour les 7 millions de juifs, essentiellement d’origine européenne, vivant en Israël à côté des 3 millions de palestiniens, mais aussi pour les 8 millions vivant en Amérique du Nord ou en Europe (dont 450 000 en France). La stratégie d’Israël est le principal pourvoyeur des actes anti sémites dans le monde. La fuite en avant dans l’horreur est une impasse qui se retourne contre tous les juifs.

LA SOLUTION

À l ‘exception du judaïsme les religions n’ont pas d’état. De nombreux peuples vivent correctement sans état propre. Puisque le peuple juif se veut « de toujours », il n’a pas de raison de se mettre en danger à l’intérieur d’un état particulier alors même que les états sont transitoires dans l’histoire. En développant l’internationalisme face au mondialisme, la transition du capitalisme au communisme, rendue nécessaire par la crise capitaliste et écologique, réduira beaucoup à l’avenir le rôle des états. Ceci bien sûr à condition d’assurer partout la sécurité en particulier des juifs qui ont beaucoup souffert dans l’histoire. Si l’antisémitisme a été à l’origine de la création d’Israël, le combattre est à la base de la solution. Combattre réellement l’antisémitisme, afin de protéger les juifs et les réintégrer dans la communauté internationale, dans chacune des communautés nationales, pas forcément seulement dans leurs communautés d’origine. Réintégrer les juifs individuellement, mais en respectant aussi leur communauté culturelle, sinon religieuse. Combattre l’antisémitisme implique de combattre l’antisémitisme hypocrite, caché, qui consiste à expulser vers Israël les juifs de sa propre communauté nationale. Ce n’est pas un hasard si l’extrême droite traditionnellement antisémite est favorable à la politique d’Israël. Combattre aussi les amalgames qui tentent de transformer les justes antisionistes, anticolonialistes, en antisémites.

Le projet sioniste a eu une dimension « de gauche », les kibboutz... Les premiers dirigeants d’Israël, Ben Gourion, comme Golda Meir, citée plus haut, étaient travaillistes. De même de nombreux colons français en Algérie étaient des expulsés des révolutions de 1848 ou de la Commune de Paris. Mais l’histoire l’a montré : on ne peut pas être colon de gauche. C’est un oxymore. L’extrême droite d’Israël est celle qui exprime le mieux son futur : crimes, victimes, drames, échec.  

Le droit au retour pour tous

Il y avait 300 000 colons français en Algérie en 1860 quand il y avait 13000 juifs (le Yichouv) en Palestine. Un siècle plus tard en 1962 une France de 50 millions d’habitants a été capable d’accueillir 1 million de colons, les « pieds noirs », retour d’Algérie. L’état d’Israël n’a pas un siècle. Une communauté internationale de 8 milliards d’humain ne rencontrerait aucune difficulté sérieuse à accueillir 7 millions de colons israéliens. C’est le droit au retour pour ces derniers comme pour les 7,5 millions de Palestiniens réfugiés hors de Palestine qui pourraient ainsi retrouver leurs terres et leurs habitations, et enfin rejoindre les 7,5 millions de Palestiniens encore en Palestine (3,5 en Cisjordanie, 2,3 à Gaza, 1,7 en Israël).

Bien sur l’histoire s’est poursuivie, 7 millions de colons israéliens constituent une réalité massive. De même qu’il faut prendre soin d’un enfant même s’il est la conséquence d’un viol, il faut prendre en compte les besoins et les souhaits de ces 7 millions de personnes que l’histoire a placé dans une situation impossible. Si la communauté arabe, et les Palestiniens plus précisément, le souhaitent, des solutions comme un état multinational ou deux états coexistant seront peut-être des solutions moins traumatisantes pour tous.  Quoiqu’il en soit, ce devrait être leur décision. En occident notre rôle est de combattre l’antisémitisme à l’égard des juifs présents, de soutenir les droits des Palestiniens et pour cela souhaiter « Bienvenue aux israéliens en France ».

[1] Jean Pierre Filiu « Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné », Le Seuil 2024.

[2] Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, membre du « cabinet de sécurité ».

[3] « Plus d’électricité, plus de nourriture, plus d’eau, plus de gaz, » Yoav Gallant le 9 Octobre 2023.

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