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Communiste sans parti. Auteur de: "Etrangers, immigrés, bienvenue! vous aussi êtes ici chez vous", "L'Irruption des prolétaires", "Gilets Jaunes une lutte ouvrière décapante", "Réinventer le communisme"

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Billet de blog 21 janvier 2025

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De TRUSK (Trump / Musk) à Davos, des raisons de positiver

D’une volée de jets privés, les milliardaires passeront de l’intronisation de Trump à Davos, le forum des puissants du monde en Suisse. « L’internationale réactionnaire » comme dit Macron semble triompher : déni de l’état de droit, des frontières internationales, de l’écologie, des faits, déportations en masse des migrants, droits de douane tous azimuts, protectionnisme, nationalismes…

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…et les guerres toujours en cours au Soudan, en Ukraine, en Palestine malgré le fragile cessez le feu…

Cependant comme le fait remarquer Krugman éditorialiste au New York Times, 2024 aura été l’année où le taux de mortalité infantile dans le monde, 3,6% est au plus bas, de même que le taux de pauvreté 8,5% (avec un seuil de moins de 2$15 par jour). Des critères fondamentaux du bien être mondial qui lui fait titrer « Même cette année est la meilleure qui n’est jamais été pour être vivant ». Apprécions-le « même » ! car effectivement ce n’est pas le « ressenti ». Sur le strict plan politique une vaste enquête conduite par le « European Council on Foreign Relations » dans 26 pays montre que seuls les Européens et les Coréens du Sud sont inquiets de l’élection de Trump. Les autres, ceux du Sud essentiellement, n’avaient aucune illusion sur l’orientation d’ensemble de la politique américaine. L’expérience sans doute…

Pour une part la sensation de chaos qui nous submerge en ce début 2025 est dû, au-delà du tourbillon des décrets de Trump, à la fêlure de l’emprise occidentale sur le monde. Pour la plupart des humains cependant l’époque est plutôt meilleure qu’avant.

CE QUE PENSENT LES PUISSANTS DU MONDE :

Pour préparer Davos des enquêtes ont été menées auprès des 2500 milliardaires et autres puissants qui s’y rassemblent du 20 au 24 janvier :

1er) Tout ce qui concerne les caractéristiques ESG (Environnement, Social, bonne Gouvernance) et DEI (Diversité, Équité, Inclusion) vedettes des années précédentes est « out ». Au point que le patron de Blackstone le patron du plus grand fonds d’investissement mondial a dû faire son autocritique pour s’être un peu trop avancé dans ces domaines.

2ème) A la question qu’est ce qui va le plus affecter le monde en 2025 ?  Les réponses en ordre décroissant : les conflits armés 23%, les évènements climatiques 14%, la compétition économique 8%, la désinformation 7%, la polarisation sociale 6%. Donc confirmation que les patrons ne sont pas effrayés par la lutte sociale. Une fois de plus ils vont être surpris.

3ème) Le plus grand risque économique ?  La récession 48%, la hausse des salaires 26%, l’inflation 26%, le manque de main d’œuvre 25%, la politique fiscale 18%. Tiens la confrontation de classe ressurgit dans les risques perçus sur le plan économique.

4ème) Le plus grand risque politique ? Les tensions entre Chine, EU et Etats-Unis 40%, l’instabilité globale 39%, l’instabilité dans certaines régions 34%, les cyberattaques 25%, la montée du nationalisme 16%. La politique de Trump accroit donc les risques politiques perçus par les grands patrons mondiaux alors même qu’ils l’approuvent ?

5ème) Le plus grand risque social ? L’Intelligence artificielle 34%, les risques démographiques 26%, le changement de comportement de consommation 26%, la polarisation politique 25%, la défiance dans le gouvernement 18%. Il est vrai que la démographie et l’IA seront des facteurs de modélisation du monde dans les années qui viennent.

TOUT VA BIEN POUR LES MILLIARDAIRES ?

Malgré les différents risques perçus tout semble aller bien. Le 20 janvier Oxfam a présenté son rapport annuel : l’accroissement de la fortune des milliardaires s’est encore accentué : à ce rythme ce n’est pas un, mais 5 trillionaires (détenteurs de richesse de plus de 1000 milliards de $) qui devraient dans 10 ans contrôler une fraction importante de la richesse mondiale. La bourse de New York flamboie. Comme le fait remarquer Gabriel Zucman dans une tribune du Monde du 20 janvier, cela enrichi les 1% de la planète : près de la moitié des actions des entreprises américaines cotées sont détenues par des non américains (contre 5% seulement il y a 40 ans). Ainsi les ménages fortunés français ont presque autant d’actions américaines (800 milliards d’euros) que d’actions du CAC 40 (1 000 milliards d’euros).  Ce qui fait dire à Zucman que le programme de Trump est le « Premier programme national-libéral véritablement mondial ». La mondialisation ce n’est pas seulement le commerce international, d’ailleurs même celui-ci a lui aussi continué à croître en 2024 contrairement à certaines impressions.

TROP BIEN

Ce qui est manifeste est que les oligarchies mondiales si elles sont conscientes de quelques risques passent à côté des principaux : le risque écologique, l’accroissement vertigineux des inégalités, la mise en cause des acquis démocratiques. Ces oligarchies s’isolent ainsi du commun des mortels.  Le fait qu’elles prennent le pouvoir en direct comme Musk et les autres milliardaires nommés par Trump le font aux États-Unis, mais c’est vrai aussi dans d’autres pays, ne peut qu’accentuer cette course en avant et cet isolement. Les milliardaires se mettent en prise direct avec le budget et les commandes de l’état. La distinction entre le budget public et leurs intérêts privés devient ténue. Trump lui-même lance le « bitcoin Trump » la veille de son investiture. Ils se lâchent. Trump peut annoncer ses visées sur le Canada, le Groenland, le golfe du Mexique et Panama... Zuckerberg annonce la suppression de la modération sur ses réseaux au profit des discours d’extrême droite et Musk fait un clin d’œil au salut fasciste lors de l’investiture de Trump.

Mais leur politique est minée de contradictions : la lutte contre l’immigration et pour le renforcement des droits de douane va renforcer l’inflation, préoccupation majeure de leurs soutiens populaires. Leur mépris des considérations écologiques (en raison de leurs besoins d’énergie à bas cout) alors que Los Angeles brule, va à l’encontre des préoccupations croissantes des gens, y compris de leurs électeurs. Le fait que leurs idéologues, les milliardaires Andreessen, Thiel, Musk[1] prétendent gérer un pays comme leur entreprise, donc sans l’application du principe un humain = un vote, les met là aussi en contradiction avec la majorité. Même vis-à-vis de la Chine les avis divergent comme le montre la valse-hésitation autour du bannissement de Tiktok. Leur cynisme assumé s’exerce aussi entre eux, la cupidité ravive les rivalités. Ainsi lorsque de vieux soutiens de Trump comme Steve Bannon et Laura Loomer s’en prennent aux visas H-1B, les visas pour les immigrés qualifiés, Musk qui en a besoin pour ses activités, les menace « I will go to war on this issue the likes of which you cannot possibly comprehend”, c’est une menace de guerre totale où ils se traitaient mutuellement de « diable » et de « crétin » avant même d’être au pouvoir. À quand « une nuit des longs couteaux[2] » ? On assiste à cette confirmation que les rivalités entre puissants sont une des contradictions permanentes dans le monde.

EN PREMIERE LIGNE

Une fois que ces milliardaires sont en première ligne, qu’ils se lâchent, ils révèlent en même temps que le roi est nu. Qu’ils sont peu nombreux, qu’ils ne respectent pas la nature, qu’ils se gavent, qu’ils mettent en cause tous les principes démocratiques. Ce n’est pas l’expression d’une grande sérénité ni d’un grand sang-froid politique. C’est une politique qui va frontalement s’opposer aux désirs de justice, d’égalité, de respect de la nature qui animent les gens, y compris nombre de leurs soutiens dans leur mise en cause des élites. Leur remise en cause des faits et de la science accentuera encore leur isolement. En étant les fossoyeurs du capitalisme « partagé », du capitalisme démocratique, ils annoncent et préparent ainsi l’époque suivante, celle du communisme démocratique, malheureusement après les grands dégâts que leur cupidité, leur cynisme et leurs rivalités auront générés.

[1] Cités par Frédéric Filloux https://www.episodiqu.es/p/dans-la-tete-des-oligarques-technoides

[2] Le 30 juin 1934 en Allemagne où les nazis se débarrassent de leur frange populaire les S.A.

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