« celles qui font tourner notre économie par leur travail et financent nos services publics par leurs impôts, sans bénéficier ni d’aides sociales ni de rente » vont du 4ème au 8ème décile[1] des revenus. Ce sont les 50% de la population qui gagnent de 1500 € à 2500 € par mois.
En creux cela définit, « en dessous » un groupe de 30%, les déciles 1, 2 et 3 au revenu le plus pauvre, et au-dessus, un groupe de 20%, les déciles les plus riches, 9 et 10. Ces définitions participent d’une offensive idéologique, appuyée sur une analyse des classes en France totalement biaisée et entièrement au service des plus riches.
Que se passe-t-il « en dessous » des classes moyennes ?
Le pouvoir laisse entendre que les 3 premiers déciles, ceux au revenu le plus faible « ne font pas tourner l’économie par leur travail, ne financent pas les services publics et bénéficient des aides sociales ». Premier mensonge : ces 30% sont des travailleurs font tourner l’économie, mais en étant particulièrement exploités et scandaleusement sous-payés. 2ème ils financent les services publics car l’essentiel des impôts provient de la TVA que ces travailleurs payent dans une proportion plus grande que les autres car ils sont obligés pour survivre de consommer tout leur revenu.
Pourquoi le pouvoir choisit-il arbitrairement les déciles 4 à 8 faisant ainsi du smicard presque un membre des classes moyennes (le smic est à 1383,08 € net à partir du 1er Mai) ? Cela lui permet de tenter de diviser les classes populaires : 30% des travailleurs sont qualifiés d’ « assistés ». Une analyse des revenus plus fine[2] , par centile, montre que les classes populaires comprennent les 7 premiers déciles, effectivement jusqu’à 2500 € par mois, 2 Smics environ, qui est le salaire supérieur atteint par les ouvriers et les employés. Ces classes populaires constituent 70% de la population active.
Thomas Piketty et ses équipes en choisissant arbitrairement, sans explication, de délimiter les 50% les plus pauvres, tendent eux aussi à diviser la catégorie des classes populaires. Pourtant par ailleurs leurs travaux prouvent que la vraie différence se fait au niveau du dernier centile le plus riche.
La répartition des revenus n’est qu’un des moyens de diviser et de réduire l’importance des classes populaires. Il y en a d’autres, comme éclater dans les statistiques, ouvriers, employés, chômeurs, retraités, étudiants comme s’ils n’étaient pas le plus souvent de la même classe. Et bien sûr opposer immigrés - 20% des classes populaires, 40% avec la seconde génération - aux natifs[3].
Les classes moyennes
Au-delà de 2500 € par mois, deux fois le smic, et jusqu’à 9000 € par mois, se dégagent des classes plus aisées, les classes moyennes, qui composent les 8, 9 et 10ème décile. Bien sur aux conditions de vie très diverses c’est pourquoi d’ailleurs on en parle au pluriel.
Pour les 2/3 ce sont des cadres, qui constituent donc 20% de la population active. Ils sont salariés et ne sont pas propriétaires des moyens de production. Le dernier tiers, soit 10% de la population active sont les anciennes classes moyennes, commerçants, artisans, professions libérales, paysans, souvent propriétaires de leur moyen de travail mais dont le nombre a beaucoup diminué ces dernières années. Ainsi les paysans ont pratiquement disparu en tant que classe en France, les commerçants ont été éliminé par la grande distribution etc.
La baisse d’impôt de 2 milliards d’euros annoncée par Emmanuel Macron ne concernera donc que le décile supérieur des classes populaires, le 7ème , et non réellement les classes moyennes. En effet seuls 40% de la population, les 4 déciles les « plus riches » payent l’impôt sur le revenu qui ne représente que 15 % du total des impôts contre 25% pour la TVA, payée elle par tout le monde. En pratique, si le seuil de 2500 € mensuel est vraiment appliqué, les 6 déciles inférieurs des classes populaires sont exclus de la baisse d’impôt annoncée par Macron, et le « geste du gouvernement en faveur des classes moyennes» ne concerne au mieux que 10% de la population. Il s’agit bien d’un geste : chacun croyant faire partie des classes moyennes croira en bénéficier. Au mieux par ce « geste » les 1% tentent de se rallier la fraction supérieure des classes populaires, en les assimilant aux classes moyennes, qui est leur soubassement électoral. Pour ce faire ils utilisent l’argent public récolté sur le dos de tous, en particulier sur celui des classes populaires à l’aide de la TVA.
Que se passe-t-il « au-dessus » des classes moyennes ?
C’est à partir de 9000 € mensuels, le dernier centile (et non décile) que les revenus deviennent exponentiels ce qui ne concerne que les 1% les plus riches et non les 10%. Dire, comme le fait le pouvoir, que les classes supérieures font deux déciles, 20% de la population active, c’est tenter de dissimuler ces 1% les plus riches dans un ensemble plus grand et moins provocateur de véritables classes moyennes dont les revenus sont bien moindres et se situent entre 2500 € et 9000 € mensuels. Toute cette analyse est encore renforcée si on prend en compte les patrimoines comme l’ont montré également Piketty est ses équipes.
On apprend au même moment dans l’Obs que les 37 ménages les plus fortunés (la crème des 1%) bénéficient d’ un taux d’imposition de 0,26% : comparez avec le vôtre ! Les assistés ne sont pas ceux que le pouvoir nous montre du doigt. Le 19 avril le ministre des finances Bruno Le maire déclarait au micro de BFM-TV, « Le contribuable n’a aucune envie de voir que des gens puissent bénéficier des aides sociales, les renvoyer au Maghreb ou ailleurs, alors qu’ils n’y ont pas droit ». La fraude aux aides sociales, obsession du RN et du gouvernement, est évaluée à 8 milliards d’euros, essentiellement le travail au noir. Cette fraude sociale est donc loin d’être l’apanage des immigrés. Mais la fraude fiscale que peuvent pratiquer les 1% les plus riches est évaluée elle à 100 milliards d’euros. Cette dernière est donc 10 fois plus importante que la fraude sociale dont se préoccupent tellement le RN et le gouvernement.
Au fond le peuple aujourd’hui c’est ça : les 70% des classes populaires, alliées aux 29% des classes moyennes, les 99%, face au richesses captées par les 1% les plus riches. C’est ce que reflète le mouvement contre la réforme des retraites, soutenu à 95% par les actifs.
Après la suppression de l’ISF et le refus de taxer les superprofits dont Bruno Le maire disait en aout 2022, « Je ne sais pas ce que c’est », les propositions « sociales » du pouvoir ne font que révéler un peu plus la politique de classe et d’assistance aux plus riches menée par leur président
[1] Répartition de la population par tranche de 10% des revenus les plus pauvres aux plus riches.
[2] Voir Jacques Lancier « L’irruption des prolétaires » 2021 Editions Manifeste ! Rappelons que l’Insee se refuse à publier l’évolution des revenus par centile.
[3] Voir Jacques Lancier « Etrangers, immigrés, bienvenue ! » 2023 Editions l’Harmattan.