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Communiste sans parti. Auteur de: "Etrangers, immigrés, bienvenue! vous aussi êtes ici chez vous", "L'Irruption des prolétaires", "Gilets Jaunes une lutte ouvrière décapante", "Réinventer le communisme"

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Billet de blog 22 novembre 2022

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Xi Jinping, la Chine et nous

Qui nous ? Pas nous les occidentaux mais nous les amis des prolétaires. « Nous » les communistes du monde entier qui nous voulons les défenseurs des intérêts de ces prolétaires et qui sommes donc concernés par le point de vue du dirigeant du parti qui se veut communiste et qui est fort de 96 millions de membres.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le discours de Xi Jinping, prononcé lors du XXème congrès du PCC, qui s’est tenu du 16 au 22 Octobre 2022 célébrait en même temps le centenaire du parti. Il est donc particulièrement intéressant d’en prendre connaissance. De plus au cours de sa rencontre avec Joe Biden, au sommet du G20 à Bali le 14 Novembre 2022, Xi Jinping pour connaitre les positions de la Chine, a renvoyé à ce discours. Ce discours est donc important pour les communistes, mais aussi pour la géo politique internationale.

Toutes les citations ci-dessous (en italique gras) proviennent de la traduction officielle du discours en français sur le site du gouvernement chinois. Notre analyse est bien sur dépendante de la qualité de la traduction. Elle est toutefois appuyée par un condensé, disponible sur le même site officiel qui permet de valider les interprétations.

  • Première remarque, ce texte d’une soixantaine de pages, divisé en 15 chapitres, qui se veut synthétique est assez pesant à lire car très langue de bois, avec beaucoup de généralités, de nombreuses répétitions, de longues suites d’énumérations, des « priorités » multiples qui forcément se télescopent, tout est successivement « primordial ». Ce n’est ni aussi facile, ni aussi intéressant à lire que Mao Zedong. Il est néanmoins important de connaitre l’orientation du dirigeant du pays le plus peuplé de la planète, et qui de plus se veut communiste.
  • Deuxième remarque, à aucun moment le texte n’assume un point de vue de classe, ni même ne fait d’analyse de classe. A aucun moment les entités utilisées, peuple, nation, population, morale etc. ne sont caractérisées. Là où Marx utilise plus de 100 fois la notion et le terme de classe dans le Manifeste du Parti communiste, Xi Jinping utilise 2 fois le mot classe dans son texte de longueur équivalente, et encore c’est dans l’expression toute faite de « classe ouvrière ». Ce texte n’est ni aussi facile, ni aussi intéressant à lire que celui de Marx. Il n’en reste pas moins utile de connaitre les pensées d’un dirigeant d’une des deux nations les plus puissantes du monde et qui plus est se veut communiste.
  • L’absence d’analyse de classe fait de ce discours celui d’un non communiste mais par contre d’un grand promoteur de la nation chinoise et donc une prise de position importante à connaitre venant du dirigeant du plus important des pays du Sud.

L’analyse de classe à faire

               Xi Jinping : « La principale contradiction dans la société chinoise est celle entre les besoins croissants de la population à une vie meilleure et le développement déséquilibré et insuffisant de la Chine ». Phrase générale qui peut s’appliquer à toutes les situations, de tous les pays du monde, à toutes les périodes historiques. D’emblée un déni du matérialisme historique et de l’analyse de classe.

Le discours de Xi Jinping mentionne 2 fois seulement les ouvriers. Les migrants une seule fois, et c’est pour réclamer « la citadinisation des travailleurs migrants ». Les paysans ou agriculteurs sont cités 4 fois. Les classes dominantes accordent toujours plus d’importance aux paysans malgré leur faible nombre car cela permet de diviser les classes populaires. Les « talents » (14 fois), et autres « compétents », « technos », « scientifiques » sont mentionnés des dizaines de fois. « Nous devons considérer les sciences et technologies comme premières forces productives, les compétences comme première ressource ».  Ce n’est visiblement plus la classe ouvrière la première force productive ! Le terme de cadre n’est employé qu’en tant que cadre du parti ou de l’état, jamais comme caractérisant une fraction croissante des classes moyennes de la société chinoise. Les 1% et les oligarques ne sont jamais nommés.

La lutte contre la corruption, dont on sait que c’est un des axes de la politique de Xi Jinping est rappelée fortement, et plus précisément dans l’armée et dans le parti, « certains cas de corruption étaient extrêmement choquants ». Mais si son origine, son « terreau », est mentionné, il n’est jamais explicité. Mao lui expliquait que la corruption était une des manifestations de la continuation de la lutte des classes dans la Chine socialiste. Il semble que pour Xi ce qui s’oppose à la corruption c’est « la discipline », rappelée 23 fois, qui permettra de « purifier » le parti. Cette purification doit se faire sur « des valeurs morales » et par une « autorévolution » tout aussi vagues et générales que tous les autres termes utilisés. Cette purification permettra en ce qui concerne les « talents » de « favoriser leur attachement au Parti, leur patriotisme, leur professionnalisme et leur abnégation ainsi que leur dévouement au peuple ». « Servir le peuple », le principe N°1 de Mao n’arrive visiblement plus en premier, et se raccroche tout juste à la phrase ! Le condensé du discours de 6 pages, lui aussi en traduction officielle ne comprend aucun des mots : « ouvrier », « prolétaire », « travailleur », « femme », mais 56 fois, sous une forme ou une autre, le mot « Chine ».

Illustration 1
Bureau Politique du PCC

Le fait que le BP, le Bureau Politique du PCC  ne représente que des intérêts partiels et non le peuple travailleur est confirmé de façon officielle… par la photo officielle de ce BP justement ! aucune femme !  100 ans après sa création le PCC n’est pas fichu d’avoir une seule femme parmi ses 24 dirigeants principaux ! à lui seul ce fait serait rédhibitoire et la manifestation irréfutable que le PCC ne représente pas les travailleurs chinois. On peut se demander si concernant les femmes, (mentionnées 4 fois au total) la phrase « Nous ferons jouer aux cadres féminins leur rôle majeur » est du pur cynisme ou de l’inconscience ? Optons pour l’inconscience. Bien sûr ce n’est pas parce qu’on parle des femmes qu’on développe forcément une politique correcte à leur égard. Ainsi nous ne perdons pas de vue que sur les 500 000 femmes emprisonnées dans le monde, un tiers le sont aux États Unis, dix fois plus qu’en Chine[1].

Une nouvelle bourgeoisie

Puisque Xi Jinping ne le fait pas, esquissons à sa place, grossièrement, l’analyse de classe de la Chine. La Chine est l’un des principaux pays du Sud en développement avec un statut « intermédiaire ». Le FMI classe la Chine au 72ème rang dans la liste des pays pour le PIB par habitant en 2021, avec 9608$, mieux que la Bulgarie, membre de l’Union Européenne. La différence entre l’Inde (148ème mondial) et la Chine, est du même ordre qu’entre la Chine et la France, classée 23ème. Il est vrai que l’Inde est freinée par le capitalisme et la bêtise religieuse. En Chine la classe ouvrière est la classe la plus importante et constitue, comme celle d’Inde, ¼ de la classe ouvrière mondiale. Parmi cette classe ouvrière les Mingongs, les migrants de l’intérieur, constituent une fraction très importante, 290 millions à eux seuls. Ces Mingongs obligés de laisser leur famille chaque année, dépourvu du fameux Hukou le pass qui donne droit aux prestations sociales et urbaines. Ces centaines de millions de travailleurs pour qui Xi Jinping témoigne si peu d’empathie. La paysannerie comme partout dans le monde a beaucoup régressé. Une classe moyenne de cadres l’a remplacé dans les catégories petites bourgeoises. Comme en Occident l’importance de cette classe moyenne est surestimée de façon à diviser les classes populaires et à masquer un peu les 1%. Car la Chine a aussi son 1% de privilégiés qui possèdent une fraction significative du capital de production, même si elle est moins importante qu’en Occident, avec ses oligarques, comme Jack Ma le patron d’Alibaba ou Ren Zhengfei le patron de Huawei, qui défrayent parfois la chronique.

Comme on sait « là où c’est flou c’est qu’il y a un loup ». Si l’analyse de classe n’est pas faite c’est bien sûr pour tenter de masquer le pouvoir de la classe dominante. Cette forme nouvelle de bourgeoisie s’appuie sur les cadres et managers plus que sur les propriétaires privés des moyens de production. Le profil des 7 membres (2ème ligne de la photo) du comité permanent du BP, désignés lors du congrès le confirme : se sont tous des cadres ou ingénieurs bardés de diplômes, doctorats, masters, et autres MBA américains. Il y a quelques temps tous les membres du bureau politique étaient ingénieurs de formation. Les conflits que l’on peut percevoir parfois entre le pouvoir et certains oligarques, comme la mise au pas de Jack Ma, l’utilisation de la lutte contre la corruption pour éliminer tel ou tel clan, reflètent des rivalités entre fractions bourgeoises. L’une de ses rivalités est cette opposition entre les oligarques classiques, propriétaires privés, et ceux qui détiennent le pouvoir sous une forme plus collective, en contrôlant l’état et le parti. Cette frange de la nouvelle bourgeoisie tente de mobiliser les nouvelles couches moyennes salariées, composées de cadres administratifs et techniques essentiellement, ce que reflète très bien le discours de Xi Jinping. C’est une constante, aussi bien en Chine qu’en Occident, les 1% et les oligarques développent un discours qui les fond dans les classes moyennes de façon à la fois à rompre leur isolement, et à diviser les classes populaires. C’est le rôle qu’ont par exemple les statistiques mettant en avant les 10% les plus riches au lieu des 1%, ou les 50% les plus pauvres au lieu des 70% des classes populaires. Les classes moyennes étant elles de l’ordre de 30%. Ces deux dernières classes constituent le peuple, les 99% qui s’opposent aux 1% privilégiés.

Pas un théoricien marxiste…

Dés le début de son discours Xi Jinping célèbre le « socialisme à la chinoise » et « le grand renouveau de la nation chinoise », donnant une connotation nationaliste même lorsqu’il fait référence au marxisme. Ainsi un chapitre est consacré à « La sinisation et l’actualisation du marxisme ». Si des phrases générales sur le marxisme sont répétées, telle que « prendre le marxisme pour idéologie directrice », ou « classe ouvrière » mentionnée donc deux fois, aucune référence précise n’est faite aux théoriciens marxistes, aucune référence concrète n’est faite à la lutte de classes, ni sur le plan historique - aucune révolution n’est mentionnée- ni en Chine, ni à l’international.

« Nous devons … formuler des théories », « promouvoir l’innovation théorique » nous indique pourtant Xi Jinping. Marx lui n’avait pas pour but de concevoir une théorie révolutionnaire. Il avait pour but d’aider les prolétaires de tous les pays à s’unir et pour ça il devait dégrossir des questions concrètes telles que sur le plan philosophiques, le matérialisme dialectique, sur le plan économique, la valeur, la plus-value et l’exploitation, sur le plan politique le matérialisme historique comme d’indiquer « Prolétaires de tous les pays unissez-vous » dans le Manifeste du Parti Communiste etc… Ce faisant, en chemin, son travail constitue une théorie révolutionnaire. La théorie révolutionnaire est une conséquence et un moyen de l’engagement au service des travailleurs, pas un but en soi.

De même pour l’objectif de « sinisation du marxisme ». Mao n’avait pas pour but de « siniser » le marxisme, il avait pour but de servir le peuple, de l’unir pour qu’il se débarrasse, et de l’invasion japonaise et des féodaux, et finalement du capitalisme. Ce faisant il a exprimé des idées, telles que « servir le peuple », être « dans le peuple comme un poisson dans l’eau », combattre à l’intérieur des lignes », gérer les différents types de contradictions, principales, secondaires, etc. (En espérant de ne pas avoir à utiliser le fait que « le pouvoir est au bout du fusil » !). Puis avec la révolution culturelle il a voulu conserver le pouvoir de la classe ouvrière dans un état qui se veut socialiste. De fait toutes ces idées, issues de la pratique de la révolution chinoise, enrichissent la théorie révolutionnaire. Et compte tenu de la situation aujourd’hui en Chine il apparait que Mao se posait les bonnes questions. Les prolétaires du monde entier, y compris chinois, n’ont aucun intérêt particulier à « siniser » la théorie révolutionnaire, ce qui reviendrait à la « nationaliser ». Sous les différents logos du communisme, tout cela révèle une conception non matérialiste du marxisme. Comme dirait Lénine « Il oublie ce qui est la substance même, l'âme vivante du marxisme : l'analyse concrète d'une situation concrète ».

Pourquoi conserver des étiquettes communistes ?

              Une question se pose : pourquoi cette classe dominante éprouve-t-elle encore le besoin de se couvrir d’étiquettes marxistes, communistes, de faire mine de manipuler des concepts révolutionnaires qu’elle domine mal ? Après tout en URSS cette nouvelle bourgeoisie en s’intégrant au capitalisme mondial s’est très vite débarrassée de ses oripeaux communistes. Dans les années 90, en se partageant les biens publics, les oligarques ont fait basculer la société russe dans un capitalisme de Far-West, Bling Bling, mafieux, classique au fond. Il faut des dizaines, voire des centaines d’années de fonctionnement pour donner une façade policée, civilisée, démocratique au capitalisme.

Une des raisons pour garder le marquage communiste est peut-être celle invoquée plus haut : une partie de cette bourgeoisie n’a rien fait, n’a rien créé, n’a pas innové, n’a même pas pris le risque capitaliste de créer une entreprise, elle ne tient sa légitimité que de l’appareil administratif et bureaucratique, et encore souvent par « héritage ». Elle trouve donc pour l’instant encore utile dans sa rivalité avec les autres fractions bourgeoises de conserver ces attributs collectifs que sont les références au socialisme et au marxisme.

Une autre raison peut être est la peur tout simplement, la peur de classe. On se souvient combien les petites gens, au grand étonnement des observateurs occidentaux, se plaignaient et regrettaient même la période stalinienne lorsque les oligarques russes dépeçaient le pays dans les années 90. C’est pourquoi Xi Jinping veut s’« efforcer de réaliser la prospérité commune de toute la population, tout en évitant résolument que se crée une polarisation sociale ». Cette raison, cette peur a un bon côté : il faut prétendre être communiste pour tromper les gens. Il est probable que les travailleurs chinois s’en souviendront.

Cette référence au communisme peut aussi être utile au niveau international afin de ne pas apparaitre comme un clan impérialiste comme un autre dans la confrontation des impérialismes. La Russie a beaucoup perdu de son aura auprès des mouvements de libération comme auprès de états des pays du Sud après l’abandon de l’URSS et des apparences socialistes. Même si certains, y compris après l’agression russe contre l’Ukraine, semblent encore confondre la Russie des oligarques avec la Russie révolutionnaire. Faute là encore d’analyse de classe la confiance dans le pays perdure au-delà de sa nature de classe. L’aura de la Chine, qui a supplanté celle de l’URSS dans le monde, perdrait sans doute aussi à abandonner sa référence communiste.

Tirer toutes les leçons du « socialisme à la chinoise » promu dans le rapport de Xi Jinping est une question importante car le devenir de la révolution en Chine participe à la détermination de l’avenir du communisme dans le monde. Mais elle nécessite des développements qui dépassent le cadre de cet article. Cette question oblige par exemple, alors même que Xi Jinping fait référence au « marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping », à revenir sur les raisons pour lesquelles Mao, à l’issue de la révolution culturelle, a fait revenir Deng Xiaoping au pouvoir. Deng Xiaoping dont Xi Jinping est l’héritier. Voire même elle oblige à remonter dans l’histoire du mouvement communiste, par exemple revenir sur les désaccords entre mencheviks et bolcheviks avant et pendant la révolution russe de 1917! Mais si Xi Jinping n’est visiblement ni notre « vénéré » leader, ni le nouveau « petit père des peuples », ni le penseur communiste d’aujourd’hui, il est cependant le leader du principal pays émergent.

Le dirigeant chinois

Xi Jinping remplace les perspectives communistes par la glorification de la nation chinoise.porter haut levé le grand drapeau du socialisme à la chinoise, …faire progresser tous azimuts le grand renouveau de la nation chinoise… nous avons toujours accordé la priorité aux intérêts nationaux, … ». A juste titre Xi Jinping rappelle les succès du développement de la Chine ces dernières décennies. Si la faim et la pauvreté ont reculé dans le monde, l’essentiel est dû aux succès de la Chine dont il n’y a pas de précédent dans l’histoire. Des centaines de millions d’humains ont quitté l’univers paysan qui était aussi celui des famines, pour atteindre ce que Xi appelle « la société de moyenne aisance ». De même il est vrai que « La Chine a établi les plus grands systèmes du monde en matière de protection sociale ».

La tonalité générale du discours où de temps en temps à travers les généralités la réalité concrète pointe son nez, lutte contre le Covid, contre la pollution, « l’Expérience de Fengqiao », quelques statistiques économiques par exemple, est rassurante. C’est celle que pourrait tenir tout dirigeant social-démocrate. Il y a du Emmanuel Macron dans les phrases balancées « tout en conciliant supervision et laissez-faire », « assurer l’efficience économique tout en priorisant l’efficience sociale », « Il faut savoir innover tout en maintenant les principes fondamentaux » etc. mais aussi du François Hollande dans la façon de sembler croire que dire que l’on fait, permet de s’exempter de faire. « La modernisation chinoise se caractérise par une coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature », « Nous avons choisi d’être du bon côté de l’histoire ». C’est un discours plein d’idées générales de bon sens, mesuré, à la fois pour la Chine et pour le monde.

En Chine pour le « peuple chinois multiethnique », il faut « éradiquer la pauvreté », « Accélérer l’édification d’une société respectueuse de la loi car une société régie par la loi constitue le fondement d’un État de droit ». La démocratie est citée 25 fois. Le souci écologique est constant. Il faut promouvoir plus d’égalité, en particulier entre hommes et femmes. Il faut « la répartition des revenus selon le travail fourni » et que « ceux qui travaillent plus gagnent plus »,… on frôle du Nicolas Sarkozy.

On apprécie que Xi Jinping avance « Ne craignant ni Dieu ni diable », mais on aime moins la nécessité « que les religions s’adaptent mieux aux conditions concrètes de la Chine et à la société socialiste ». Visiblement cet opium du peuple là est toujours accepté.

« La sécurité nationale constitue le fondement du renouveau de la nation, et la stabilité sociale, la condition préalable à la prospérité du pays ». Sécurité et stabilité sont associées et sont la garantie donnée aux investisseurs et aux donneurs d’ordre internationaux. Depuis on a effectivement vu les responsables du PCC venir compenser sur les chaines de production de l’IPhone 14 Pro d’Apple, dans la grande usine Foxconn à Zhengzhou, les défections d’ouvriers qui avaient fui les contraintes de la politique du zéro Covid.

Vis-à-vis de Hong Kong, Macao, Taïwan aussi la position exprimée est juste et de bon sens. « Le principe d’ « un pays, deux systèmes » est rappelé mais aussi le fait de « maintenir sur le long terme le système capitaliste et le mode de vie de ces deux régions ». Apparemment le capitalisme est plus facilement acceptable que la démocratie. Ces territoires ont été arraché à la Chine à différentes époques par le colonialisme il est compréhensible qu’elle veuille les réunifier. Y compris pour Taïwan ce qui est privilégié est une « réunification pacifique ; un pays, deux systèmes » afin de garantir « le principe d’une seule Chine ».  « Nous ne pouvons garantir que nous n’aurons jamais recours à la force et nous gardons toutes les options ouvertes. » précise Xi Jinping, position qui face aux menaces des impérialismes occidentaux est également compréhensible. Pas un mot sur la situation des Ouïghours au Xinjiang. Parce qu’elle est considérée comme une question de politique intérieure bien sûr, mais Hong Kong et Taïwan aussi après tout. L’ONU a clairement indiqué que la situation des Ouïghours pose problème et exige des explications de la Chine[2] ce qui en fait une question qui se pose au monde entier.

Le dirigeant d’un grand pays du Sud

Autant les questions qui concernent la nation chinoise sont un peu concrètes, en ce qui concerne l’international qui fait pourtant l’objet d’un chapitre, Xi Jinping reste encore plus dans les généralités. Le constat est fait que « Les courants opposés à la mondialisation, commencent à gagner du terrain, l’unilatéralisme et le protectionnisme montent en puissance, la reprise de l’économie mondiale s’essouffle, les conflits et bouleversements régionaux deviennent fréquents, et les problèmes planétaires s’aggravent ». Les inégalités qui s’aggravent aussi dans le monde sont-elles incluses dans les « problèmes planétaires » ? Elles ne paraissent pas être le souci premier de ce parti communiste. Pour le reste il est rassurant de constater que le dirigeant d’un des deux pays le plus puissant du monde fait des propositions de bon sens : pour la paix, pour l’ouverture, pour la prise en compte des priorités écologiques. La Chine « œuvrera à la construction d’une économie mondiale ouverte, elle s’opposera au protectionnisme, à la « construction de murs et de barrières », au « découplage » et à la « rupture des chaînes industrielles et d’approvisionnement », ainsi qu’aux sanctions unilatérales et à l’exercice des pressions extrêmes ».  Xi Jin Ping est tout de même plus rassurant qu’un Bolsonaro, un Poutine, un Modi, une Liz Truss ou un Trump.

Mais cela reste très général. La situation dramatique des 335 millions de personnes menacées de faim dans le monde n’est pas abordée. La guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine et ses dangers d’extension avec des risques nucléaires non plus. Pas uniquement parce qu’il s’agirait d’une question entre européens, car les guerres meurtrières du Sud, au Yémen, en Éthiopie, en Syrie, etc. ne sont pas non plus mentionnées. On sait qu’en ce qui concerne l’Ukraine, la Chine a les mêmes positions que l’ensemble des pays du Sud : regretter l’agression mais, connaissant trop bien le camp occidental, une réticence à s’engager à ses côtés dans le soutien à l’Ukraine. On retrouve ce même positionnement des pays du Sud dans la lutte contre le réchauffement climatique comme on l’a encore vu à la COP27 de Charm el-Cheikh du 6 au 18 Novembre dernier. Il est remarquable que ces regroupements soient en gros les mêmes vis-à-vis de la guerre en Ukraine et vis-à-vis du climat : quelles que soient les orientations politiques différentes affichées de Bolsonaro au Brésil, de Macky Sall au Sénégal, de Modi en Inde, de Xi Jinping en Chine etc. il semble que pour les pays aussi c’est leur existence sociale qui détermine leur conscience !

On comprend « le rêve chinois du grand renouveau national » car la Chine a longtemps été opprimée. On se félicite qu’« Elle ne prétendra jamais à l’hégémonie ni à l’expansion, quel que soit son niveau de développement ». Mais quelles sont les garanties pour cela alors que par ailleurs est recherché pour la Chine la possibilité que « notre droit à la parole corresponde à notre puissance globale et à la place que notre pays occupe sur la scène internationale » et qu’il s’agit de « faire rapidement de l’armée populaire une armée de premier rang mondial » ?

En absence d’une perspective communiste internationaliste qui serait appuyée sur une solide analyse de classe et une toute aussi solide conception matérialiste de l’histoire, on ne perçoit pas clairement ce qui empêchera un discours nationaliste, qui se justifie -qui se justifiait- quand la Chine est – était- opprimée, à basculer vers une attitude oppressive dominante ?  

Même si Xi Jinping n’est pas un guide pour les travailleurs du monde entier dans la lutte pour passer au communisme, ces travailleurs, comme les communistes à leur service, tout en étant solidaires des luttes de classe en Chine même, devront être au côté des pays du Sud et de la Chine en particulier dans leurs différents combats et plus précisément s’opposeront à toutes les tentatives des impérialismes occidentaux d’organiser une agression contre la Chine.

Le discours de Xi Jinping se termine par « en gardant présent à l’esprit que les discours creux compromettent l’État et que seule l’action concrète contribue à sa prospérité ». Euh… oui justement…

Voir également les commentaires sur  la "Résolution sur les réalisations majeures et le bilan historique des cent années de lutte du parti" du PCC du 11 Novembre 2021.

[1] Amia Srinivasan : « Le droit au sexe, féminisme au 21ème siècle », PUF 2022.

[2] Rapport de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations-Unies, 1er Septembre 2022.

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