Une semaine plus tôt, le 18 Décembre, lors de la journée internationale des migrant.e.s, des milliers de sans-papiers, livreurs UberEats et autres, de nombreux noirs, manifestaient de la Porte de la Chapelle à la Bastille. Bien qu’avec des motivations différentes les deux manifestations exprimaient une énergie, une colère communes qu’on ne ressent pas dans les manifestations processions. Ce sont les énergies et les colères engendrées par le malheur ou poussées par la nécessité, que l’on pouvait ressentir aussi chez les gilets jaunes, et peut être dans le débordement des directions syndicales par les chefs de bords de la SNCF ?
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L’autre point commun à ces luttes c’est qu’elles sont disjointes : peu de noirs et de natifs pour protester contre l’assassinat des militants kurdes, peu de Kurdes parmi les manifestants du 18 Décembre, comme il y avait peu d’immigrés parmi les gilets jaunes et peu de Maghrébins dans aucune de ces luttes, bien qu’on sache ces derniers capables à d’autres occasions eux aussi de se mobiliser. Surtout, dans ces deux manifestations, guère de natifs. Si chacune des organisations signataires de l’appel à la journée migrant.e.s du 18 avait envoyé ne serait-ce que quelques représentants, la manif aurait été deux fois plus importante ! Certaines organisations nationales sont intervenues le 24 en soutien aux Kurdes, Mrap, PCF (Pierre Laurent), LFI (Melenchon a tonné contre des participants distraits par quelques provocations : « Obéissez à vos chefs ! ») etc. Ces intervenants ont exprimé leur honte pour les crimes commis contre les Kurdes sur le territoire français, ce dont ils ne sont pas vraiment responsables, par contre ils sont responsables et devraient en avoir honte, du peu de mobilisation de leurs militants et adhérents à ces occasions.
La solidarité avec les immigrés est l’orientation nécessaire à l’ensemble des luttes des travailleurs en France afin de ne pas sombrer dans le nationalisme et le chauvinisme. Mais les natifs et leurs organisations devraient en être les initiateurs et le ciment. Ce sont eux qui devraient être les organisateurs de la protestation contre les assassinats des militants kurdes, ce sont eux qui devraient être à la tête de la journée internationale migrant.e.s. Pourquoi les natifs ? Parce que leur nombre, la répartition sur tout le territoire, la langue de communication commune, la maitrise des codes culturels, politiques, sociaux, l’inscription dans l’histoire locale des luttes, la sécurité des manifestants… Les natifs sont le meilleur lien possible entre des migrants d’origines diverses.
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Manifestation des migrant.e.s le 18/12/2022 de Porte de la Chapelle à Bastille. Photo J. L.
Dans une année 2023 qui s’annonce difficile avec une guerre installée au cœur de l’Europe avec les conséquences économiques, telles que l’inflation et les pénuries, (de céréales, d’énergie etc.) qui en découlent, l’unité natifs / immigrés, en plus d’être la condition pour des luttes sociales un tant soit peu victorieuses, est aussi un facteur pour arrêter les guerres.
Le président d’Ukraine Volodymyr Zelensky est conscient et insiste sur la nécessité de recueillir l’approbation et le soutien des pays du Sud pour obtenir la victoire, la reconnaissance des frontières de l’Ukraine et arrêter la guerre (voir son discours à Kiev au retour de son voyage à Washington). Il est appuyé dans ce sens - la nécessité de l’alliance avec les pays du Sud - par les plus conscients des dirigeants occidentaux comme Dominique de Villepin. Mais ni l'impunité pour les crimes commis contre les Kurdes, ni les lois anti immigration, comme celle que préparent Darmanin et Macron pour le début 2023, ni les mesures contre le code du travail prises en Ukraine ne vont dans ce sens. Ces lois contre les immigrés sont le terreau sur lequel des déséquilibrés peuvent être utilisés pour commettre des crimes. De plus en nous coupant des pays du Sud, elles sont néfastes pour tous les travailleurs, pas seulement pour les migrant.e.s . L’unité natifs / immigrés est le bon message à envoyer aux pays du Sud où se trouvent l’essentiel des bataillons de prolétaires. Cette unité nécessaire natifs / immigrés/ pays du Sud implique en premier lieu de bien connaitre la situation de chacun, d’être conscient des conditions de l’unité pour surmonter les divisions, et de dessiner les perspectives de cette alliance[1]. En cette fin d’année ces deux manifestations, entre autres, le prouvent : même si elles sont suscitées par le malheur et les besoins, l’énergie, la force, les initiatives, qu’elles démontrent sont là. Cette énergie et cette force seront démultipliées par l’unité.
Solidarité avec la communauté kurde endeuillée, et Régularisation de tous les sans-papiers !
[1] Voir « Etrangers, immigrés bienvenue ! Vous aussi êtes ici chez vous » de Jacques Lancier, 130 pages, chez Amazon, disponible Janvier 2023. 6 € livre broché, 4 € la version numérique.