pour l’ensemble des travailleurs du monde qui subissent l’inflation boostée par la guerre, les conséquences des sanctions économiques, et jusqu’au manque de ressources alimentaires en céréales en raison du blocus, pour tous enfin avec les risques nucléaires aussi bien civils à Tchernobyl et Zaporijjia, que militaires avec les menaces d’emploi d’armes nucléaires.
Cette guerre qui crée des risques vitaux aggrave aussi la situation politique d’ensemble. Elle a relancé la course aux armements partout dans le monde. Elle a renforcé l’Otan, que Macron avait pourtant déclaré il y a peu « en mort cérébrale », mais qui est rejoint aujourd’hui par la Finlande et la Norvège. Cette guerre néo coloniale, avec occupation de territoires, a suscité la réaction nationale ukrainienne que les occidentaux soutiennent et utilisent. Le général américain Jack Keane : « nous avons investi 66 milliards de dollars… c’est l’Ukraine qui effectue les combats … pour cet investissement je pense que ça en vaut la peine » cité dans Le Monde Diplomatique de Novembre. Le budget militaire occidental pour la guerre en Ukraine est 10 fois plus important que le budget ukrainien lui-même. La guerre change ainsi de nature et se transforme d’une lutte de libération nationale en un conflit entre impérialistes, contre « l’occident collectif » dit Poutine.
Dans ces conditions faut-il livrer des armes à l’Ukraine comme le réclame le président Zelenski ?
Oui dit Edwy Plenel « Contrer militairement l’agression russe oblige, en l’état actuel du rapport de forces, à composer avec l’OTAN » dans son livre « l’Epreuve et la contre épreuve ». Oui dit aussi Yannick Jadot. Positions que regrette Serge Halimi dans son édito du Monde Diplomatique de Novembre où il constate que « L’inexistence de la gauche est sidérante », mais où il ne suggère aucune alternative, bien que l’édito fasse 3 pages grand format !
Edwy Plenel comme Yannick Jadot se positionnent en dirigeants de la politique française. Dans le livre cité d’Edwy Plenel toutes les entités mentionnées, « peuple », « nation », « démocratie », « pouvoir », « gouvernement », « armée » etc. se veulent neutres et générales. A aucun moment n’est envisagé que ces entités puissent avoir un caractère de classe. « On devrait livrer des armes à l’Ukraine ». Qui on ? La France, les pays occidentaux ? Qui au sein de ces pays en ont le pouvoir ? Les gens au pouvoir justement qui sont désignés selon des processus semi démocratiques, biaisés par l’argent et les médias contrôlés par les oligarques, avec parmi eux les lobbies de l’armement. Les travailleurs, les 99% n’ont aucun pouvoir et n'ont aucune prise sur le cours et les décisions concernant la guerre.
Les pays du Sud donnent des indications sur la politique à suivre.
Après le 1er vote à l’ONU où l’agression russe n’est approuvée que par la Biélorussie, l’Erythrée, la Syrie et la Corée du Nord, les pays du Sud, Chine, Inde, pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, font tous preuve d’une grande circonspection. L’Indonésie, organisatrice de la réunion du G20 à Bali le 15 Novembre 2022 invite à la fois Poutine et Zelensky. L’expérience de tous ces pays leur a appris que malgré leur critique de l’agression de Poutine ils doivent rester à l’écart des deux camps. Cette position est la conséquence du fait que ce conflit, initié comme une agression impérialiste contre un pays indépendant, se mue en conflit inter impérialiste comme celui de la première guerre mondiale. Les habillages idéologiques donnés à la guerre ne trompent pas grand monde. Ni la prétendue lutte contre le « nazisme », le « satanisme », et la « dégénérescence » de Poutine, ni la défense de la « démocratie » et du « monde libre » de l’Otan ne peuvent tromper les gens et ne trompe pas les pays du Sud. Cette position de l’ensemble des pays du Sud donne une indication sur ce que pourrait être la position des travailleurs du monde entier.
Pourtant les travailleurs ont grand intérêt à la défense des droits démocratiques. Mais les dirigeants des impérialismes démocratiques ne donnent pas là-dessus une garantie plus grande que les capitalistes illibéraux, comme en témoigne le fait que près d’un tiers des travailleurs, les immigrés, n’y ont pas le droit de vote, que les élections y sont truquées par l’argent, que les résultats sont contestés quand ils ne correspondent pas aux vœux de certaines puissances financières. Exemple tout récent d’une alternance « démocratique » à l’ouest, le remplacement de Liz Truss par Rishi Sunak comme premier ministre en Grande Bretagne : « Liz Truss avait l’appui des fonds d’investissements alternatifs. Avec Rishi Sunak, ce sont les banquiers « mainstream » qui reviennent » Le Monde du 28 Octobre 2022.
Les lignes de fractures décisives
Il arrive dans l’histoire qu’une lutte, même juste, se fasse écraser par une lutte plus décisive. Ce fut le cas des peuples écrasés par l’impérialisme anglais dans les années 30. Lorsque Amine el Husseini, Grand Mufti de Jérusalem va chercher l’aide d’Hitler contre les anglais, lorsque De Valera le président irlandais est le seul dirigeant du Commonwealth à ne pas déclarer la guerre à Hitler, que l’IRA de Sean Russel organise des attentats terroristes contre l’Angleterre en guerre contre le nazisme, que Subhas Chandra Bose le nationaliste indien, recherche l’aide d’Hitler et du Japon, cela n’a pas servi à terme les causes des peuples palestinien, irlandais, indien contre l’impérialisme anglais. De même lorsque les nationalistes bretons passent des compromis avec l’envahisseur nazi contre l’impérialisme français pendant l’occupation, cela a longtemps déconsidéré les revendications bretonnes. Ce qui est critique c’est de distinguer dans les confusions du moment quelles sont les contradictions principales. Les pays du Sud considèrent que, malgré son crime et son erreur d’avoir agressé l’Ukraine, la Russie de Poutine n’est que la 11ème économie mondiale. Donc la main mise occidentale sur le système économique mondial, tout aussi condamnable, est peut-être plus dangereuse encore. Ils considèrent que le conflit en cours oppose deux impérialismes dont paradoxalement le plus agressif, le russe, n’est pas le plus puissant ni le plus dangereux à terme pour l’ensemble du monde.
Alors on ne fait rien ?
Il est compréhensible que face à l’agression Zelenski réclame des armes. Mais sauf à parler à l’oreille des oligarques qui contrôlent ces armes, comme Jadot et Pleynel, cela ne relève pas de ce sur quoi les travailleurs peuvent ou doivent intervenir. Si le conflit semble insoluble c’est effectivement qu’il l’est en système capitaliste. La solution est hors du système. La question de savoir si le Donbass et la Crimée sont russes où ukrainiennes n’a du point de vue des travailleurs qu’une importance secondaire. La Crimée a été turque, russe, ukrainienne, russe de nouveau. La Russie elle-même a d’abord été le « Rus’ de Kiev » …Qu’est-ce que ça change pour les travailleurs ? ce qui a de l’importance c’est le régime économique et social dans lequel ils vivent. Et celui-ci est le même à Kiev et à Moscou : un système capitaliste oligarchique. La solution à tous ces conflits capitalo nationalistes c’est un régime socialiste et internationaliste où les frontières n’auront qu’un rôle mineur. Les conflits de frontières peuvent être résolus par la régionalisation de certaines régions en litige et leur intégration d’en un ensemble plus vaste que les nations en dispute.
Poutine aura réactualisé un concept de libération nationale datant du 20ème siècle, la lutte contre le fascisme et les colonisations. Luttes qui menaient à une alliance de classes où les travailleurs n’avaient pas forcément le leadership. Derrière Zelensky c’est l’union sacrée, avec à sa tête la fraction des oligarques ukrainiens qui n’ont pas basculé côté russe. Poutine aura ainsi fait reculer l’horizon de l’unité des luttes ouvrières pour le socialisme. Ce n’est pas un hasard si dans son discours du 21 Février 2022 annonçant la guerre 3 jours après, Poutine s’en est pris violemment à Lénine. Il en est l’antipode. Là où Lénine privilégie l’intérêt des travailleurs et de la révolution sociale avec un point de vue internationaliste qui mène effectivement à la constitution de l’Ukraine et à un certain démembrement de l’empire tsariste, Poutine veut reconstituer ce dernier au profit des oligarques russes.
On peut ainsi, à la lumière des positions aussi bien celle des pays du Sud que celle de Lénine, dégager une proposition de gauche vis-à-vis de la guerre en Ukraine.
Une proposition de gauche pour l’Ukraine :
Défense de la paix,
Mise en cause des frontières existantes uniquement de façon pacifique,
Contre tous les budgets de guerre,
Soutien aux positions des pays du Sud,
Refus de s’engager aux côtés de tout impérialisme, donc sortie de l’OTAN,
Aide aux réfugiés ukrainiens comme russes,
Dans les pays occidentaux ce sont les réfugiés ukrainiens qui initient des mouvements et manifestations contre la guerre, donc soutien à ces manifestations même si elles sont faites sur une base nationale. S’y associer si possible de façon indépendante : drapeaux rouges avec les drapeaux ukrainiens.
Rappeler que la solution à beaucoup de conflits entre nations c’est le communisme démocratique internationaliste.