Ce sont bien les électeurs qui ont projeté en 2017 Mélanchon pour aller au second tour. Moment quelque peu magique d'une durée de 2,5 mois qui a permis au mouvement populaire et écolo de ne pas perdre espoir et de ne pas disparaître avec le PS. Est-ce que cette configuration 2017 et la dynamique de l'opinion qui s'était manifestée alors est toujours d'actualité, ou bien est-ce du passé, est-ce qu'on est entré dans une toute nouvelle période politique ? J'ai la conviction que, malgré les faux pas, les insuffisances du "mouvement" LFI qui ont enrayé en partie la dynamique créée en avril 2017, le champ des forces qui structurent et travaillent la gauche est le même aujourd'hui.
Rappelons-nous .. Les deux pôles que j'évoque sous les appellations "SD-VERT" et "BIF" s'étaient constitués et ils s'étaient unifiés chacun en ne présentant fin janvier-début février qu'un seul candidat chacun: Hamon pour ps+écolos et Mélanchon pour pcf+lfi. A cette époque, cad début février 2017, l'union de chacune des deux gauches s'était faite et le rapport de force dans l'opinion saisi par les sondages était largement en faveur de Hamon (16-17%) plutôt que Mélanchon (9-10%). Fin février, avec le retrait de Jadot qui naviguait entre 1 et 2%, Mélanchon était encore scotché autour de 10-11%. Ensuite en un mois et demi de campagne 50% des électeurs qui se préparaient à voter Hamon ont rejoint Mélanchon et dans une moindre mesure Macron.
Ou en sommes-nous aujourd'hui, premier jour de février 2022: les deux pôles "SD-VERT" et "BIF" ne présentent pas de candidat unique dans leurs couloirs respectifs: 2 candidats pour le pôle BIF (Mélanchon, Roussel) et 3 candidats pour le pôle SD-VERT (Hidalgo, Taubira, Jadot), soit 5 candidats au total au lieu de 2 en 2017. Contrairement à ce qui est répété à l'envie dans toutes les plateformes médiatiques la somme des intentions de vote des deux pôles en 2022 est quasiment le même qu'en 2017, soit un gros quart des inscrits (entre 25 et 27%) en ce début février. Par ailleurs il faut noter que le glissement d'une partie des électeurs PS vers Macron en 2017 se poursuivait encore début février. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Dans ce contexte que remarquons-nous ? Que les scores Mélanchon en ce début février, malgré la gel du vote communiste pour Mélanchon de 2%, sont au même niveau qu'il y a cinq ans au moins. On peut donc considérer que Mélanchon dispose d'une certaine avance, autour de deux points, par rapport à 2017. Et qu'en conséquence le chemin à parcourir pour aller au deuxième tour (autour de 19-20%) est moins important qu'en 2017. Même si l'épisode délirant d'extrême droite en cours, décliné à toutes les sauces et sur tous les supports d'information, contribue à occuper le gros de l'espace médiatique au détriment de la réflexion sur les enjeux réels du moment, la vraie campagne va finir par démarrer.
Ces quelques éléments réunis ici sur le contexte à gauche sont bien entendu archi connus par toutes les rédactions de France et de Navarre, mais ce qui est répété à longueur de colonne, et qui vient d'être alimenté par la primaire populaire, c'est que la gauche ne peut pas arriver au second tour parce qu'elle est désunie, que tout se passe à l'extrême droite. Le sous entendu de toutes ces digressions c'est que Mélanchon n'a aucune chance. Circulez il n'y a rien à voir chez lui. Ils en arrivent même quelque fois à l'exclure totalement des commentaires et donc à accréditer l'idée qu'il n'atteindra jamais le 2ème tour et qu'on doit le laisser enfermé dans son statut de radical d'extrême gauche, inutile et sans avenir.
Alors que l'analyse des mouvements d'opinion que l'on perçoit au travers des sondages c'est que cette fois-ci Mélanchon est en meilleure position qu'en 2017 pour atteindre le deuxième tour dans la mesure, bien entendu, où on accepte que le même phénomène de polarisation de l'électorat de gauche se produise en 2022 comme il a eu lieu en 2017.