Jade Lindgaard
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Billet de blog 28 sept. 2015

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Climat : quelle mobilisation populaire?

Après un week end de rassemblements et de réunions publiques sur le climat, avec le village mondiale des alternatives d’Alternatiba à Paris en point d’orgue, une mobilisation populaire contre le dérèglement climatique est-elle en train d’émerger?

Jade Lindgaard
Journaliste à Mediapart

Après un week end de rassemblements et de réunions publiques sur le climat, avec le village mondiale des alternatives d’Alternatiba à Paris en point d’orgue, une mobilisation populaire contre le dérèglement climatique est-elle en train d’émerger?


La question préoccupe les animateurs de la Coalition climat 21, qui regroupe des ONG, syndicats, associations et collectifs en vue de la COP 21, le sommet sur le climat de décembre. Si l’on compare à 2009, l’année de la conférence de Copenhague, les rencontres et initiatives publiques sont plus nombreuses, plus diversifiées. Elles n’attirent plus seulement le petit cercle des spécialistes mais se sont élargies à un public de militants habituellement engagés pour d’autres causes : l’école, le droit du travail, la solidarité internationale, les sans papiers, l’éducation… Samedi après-midi, la bibliothèque municipale des Lilas (93) organisait une après-midi de discussion sur le climat -en présence du maire de la ville. Et dimanche, les militants socialistes de Saint-Denis avaient inscrit une discussion sur la COP 21 au programme de leur fête de la rose. Et ce ne sont que quelques exemples. Pour autant, l’ensemble de la société ne s’y retrouve pas. Les visages sont la plupart du temps blanc, les participants principalement issus de la classe moyenne.


C’est pour cette raison que l’association basque Bizi, engagée pour la justice climatique, a lancé son tour Alternatiba qui a parcouru la France en vélo multiplaces pendant des mois, s’arrêtant chaque soir dans une commune différente pour sensibiliser les habitants aux enjeux de la COP 21 (ils on blogué sur cette expérience tout du long sur Mediapart). Ils sont arrivés samedi à Paris pour leur étape finale, accueillis par 1500 personnes selon les organisateurs, qui ont pédalé autour d’eux jusqu'à la place de la République. Là, ils furent accueillis par le Village mondial des alternatives, mis sur pied par Bizi également: des centaines de collectifs y présentaient leurs activités en lien avec le climat : ateliers de récup, conseils en économie d’énergie, réseaux d’autopartage, cuisine de restes, éducation à la biodiversité, jardinage sans pesticide…Des concerts ont résonné le soir et en journée samedi et dimanche. Cele rappelait la Fête de l’Huma, en plus petit et beaucoup plus alternatif : repas et spectacles gratuits, stands de collectifs plutôt que de collectivités locales. Seul le syndicat Solidaires a souhaité y assurer une présence. Le tout réunit environ 60 000 personnes selon Bizi - chiffrage difficile à évaluer sur un espace éclaté où le passage était permanent. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y avait du monde, sans cesse, pas seulement des visages connus, et beaucoup de jeunes.
Les militants que j’y croise samedi et dimanche s’en réjouissent : oui, des curieux sont venus s’informer sur Tafta; oui des passants ont demandé ce qu’était la COP 21. Des parents sont venus avec leurs enfants. Un petit garçon est fier d’avoir construit une hélice. Des bénévoles se tapent dans les mains et se serrent dans les bras, heureux d’avoir contribué à cette fête sage, conviviale mais cadrée, où l’on exhorte chacun à agir pour un monde meilleur.


Est-ce l’esquisse d’un mouvement politique? Peu de slogans affichés, pas de revendication précise, pas d’ennemis pointés du doigt. Le mort d’ordre « changeons le système, pas le climat » n’est pas décliné en fronts de luttes, contre l’extraction des énergies fossiles ou le racisme environnemental, par exemple. C’est voulu par les dirigeants de Bizi pour créer un cadre inclusif, accueillant pour les non militants, sans agressivité et sans lignes de conflits pré-établies.
Il est trop tôt pour tirer le bilan de ces « villages d’alternatives » - il s’est organisé des centaines d’Alternatiba depuis l’automne 2013- sur la mobilisation sociale pour le climat. Samedi matin, lors de la conférence inaugurale, à la Bourse du travail de la rue du Château d’eau, Christophe Aguiton, l’un des porte-parole de la Coalition climat 21, constate qu’ « il n’existe pas vraiment de mouvement sur le climat. Cette absence de mouvement a des conséquences. Dans une négociation, tout dépend du rapport de force avant qu’elle ne se déroule. Or dans le cadre des négociations sur le climat, la discussion est formatée par les questions que l’ONU pose : on ne discute pas de la place du charbon ou des renouvelables, mais des gaz à effet de serre et du 2°. On discute de la fin et pas des moyens. On ne discute pas des causes du problème : par exemple, la modèle agricole. Cela a des conséquences fortes sur la création d’un mouvement ».


Face à ce problème, Alix Mazounie, du Réseau action climat, spécialiste des négociations, a choisi de ne pas se rendre à New York où se tient actuellement l’assemblée générale de l’Onu et s’organisent plusieurs réunions en vue de la COP 21, mais de participer à Alternatiba à Paris : « C’est plus important pour moi d’être ici. L’enjeu de ce week end autour d’Alternatiba, c’est de montrer l’interaction entre les luttes. Ce qui fait notre fond politique, c’est notre diversité autour d’une question commune: l’action contre le dérèglement climatique. En te baladant entre les stands d’Alternatiba, tu vois bien que le climat pose la question du modèle de société dans laquelle nous vivons ». Un des slogans en préparation pour la grande manifestation du 29 novembre, à la veille de l’ouverture de la COP dit : « Pour sauver le climat, nous avons besoin de tous ». Une phrase que l'on retrouve dans les élements de langage de François Hollande.

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