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Billet de blog 3 mai 2020

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Le (super)marché, quoi qu'il en coûte

L'affaire des masques de la grande distribution montre une nouvelle fois que le marché prime sur la sécurité et la vie humaine. Faut-il protéger le marché quoi qu'il en coûte?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qu'on peut observer en ce moment en matière de décisions politiques n'est absolument pas surprenant. Le gouvernement n'est guidé dans ses prises de décision uniquement par son idéologie libérale. 

On a appris par les entreprises de grande distribution elles-mêmes qu'elles avaient en stock plus de 500 millions de masques. Ce nombre est largement supérieur à ce qu'est en capacité de se procurer l'Etat. Il y a deux possibilités :

1- Ce stock est préparé depuis plusieurs semaines. Ceci correspond à la période où le manque de masques a engendré la contamination et la mort de nombreux citoyens parmi lesquels des soignants dont on a tous entendu les témoignages sur le manque de matériel de protection dans les hôpitaux. Le fait qu'à ce moment-là ces enseignes de grande distribution possédaient des masques par millions indique simplement que, pour elles, le marché prime sur la sécurité sanitaire. 

2- Ces stocks de plus de 500 millions de masques ont été constitués en quelques jours seulement. Dans ce cas il faut les mettre face aux chiffres du gouvernement sur sa propre capacité à se procurer des masques.On voit bien sûr un grand décalage.Cela implique donc que l'Etat a infiniment moins de moyens que ces entreprises de se procurer des masques, donc d'assurer la sécurité sanitaire des citoyens. On peut en déduire que l'Etat ne se donne pas les moyens nécessaires pour cela. Si la vie humaine primait sur le marché, l'Etat aurait pu utiliser des moyens comme la réquisition ou la nationalisation de certaines entreprises stratégiques. Il s'est refusé de le faire par idéologie. Car le marché doit être libre. Quoi qu'il en coûte.

De nombreuses personnes demandent des éclaircissements sur cette affaire. Une enquête parlementaire a même été réclamée par des élus.Mais avant même toute enquête, une personne a pris la parole pour défendre ces enseignes. En effet, Olivier Véran a déclaré que les stocks cachés n'existaient pas. Oui, Olivier Véran n'a pas besoin d'enquêtes ou autres fadaises car lui sait. Il sait qu'il faut prendre la défense des entreprises quoi qu'il en coûte. Dans les deux scénarios évoqués on voit que l'Etat se refuse de franchir certaines limites. Celles où il empiéterait un peu trop sur le terrain du libre marché. Celui-ci est, pour le gouvernement, la chose dont il faut prendre soin avant les autres car lui nous sauvera tous. Ah, les belles croyances.

Une idée qu'on pourrait soumettre au gouvernement (que certains soumettent déjà) : on pourrait réquisitionner ces masques et les distribuer par les fameuses brigades à la population. Ça permettrait d'éviter au moins deux choses :

1- Une punition financière qui pour une partie de la population risque d'être très difficile. En effet, estimons qu'une personne a besoin d'au moins deux masques par jour. Qu'elle doit sortir 5 jours par semaine. Ça fait 10 masques par semaine et 40 masques par mois. A 60 centimes le masque ça fait donc un budget de 96 euros par mois pour une famille de 4 personnes. A coté de ça, la diminution de 5 euros des APL passe pour une mesure sociale. Et l'ouverture des écoles pour raisons sociales révèle son côté cynique. 

2- Une cohue prévisible pour demain dans les supermarchés. La ruée vers ceux-ci risque d'être difficilement gérable. Si on se rappelle l'épisode du Nutella on peut craindre le pire des sorts réservé aux gestes barrières. Mais on doit avouer que cette opération de promotion est une des mieux faites dans l'histoire des supermarchés.

Face à tout cela, le gouvernement prend donc la défense des supermarchés. M Castaner signale bien que les masques doivent être achetés car l'amende sera inévitable. Il a même autorisé les agents de sécurité à verbaliser, c'est dire qu'on ne pourra y échapper. Faut les acheter. Dès demain. Tous en même temps! 

Toute cette situation découle donc des choix purement idéologiques. Bien sûr qu'on aurait pu faire autrement. On peut encore le faire. Il suffit de le décider.

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