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Billet de blog 15 mai 2020

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Sanofi - Le capitalisme expliqué à mon premier ministre

Le gouvernement s'indigne des déclarations du PDG de Sanofi qui annonce que les Etats-Unis seront prioritaires lors de la distribution d'un éventuel vaccin contre le Covid-19. "L'accès égal de tous au vaccin n'est pas négociable" gronde Edouard Philippe. Le vaccin doit être extrait des lois du marché d'après lui. Qui parle et de quoi parlent-ils?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qui sont ces personnes qui feignent de découvrir les lois du capitalisme? 

Le rôle de ce gouvernement, ainsi que celui des précédents, dans le démantèlement des services publics (y compris hospitaliers) est connu de tous. Réduction des coûts est le maître-mot depuis longtemps. Mais ce maître-mot a des conséquences réelles. Manque de personnel. Manque de lits. Manque de matériel de protection. De matériel de toutes sortes. Toutes ces choses qui en cette période de pandémie mettent en danger la vie des patients et celle des soignants. Une politique aux conséquences graves. Conséquences dénoncées par le personnel hospitalier bien avant la pandémie. Mais pour le gouvernement cette politique a des causes, des justifications.

Remontons le temps au début du quinquennat de M Macron. Parmi les premières mesures, qu'on peut donc considérer comme prioritaires dans l'esprit des dirigeants, figuraient : suppression de l'ISF et instauration de la flat tax. La justification étant que notre pays doit être plus attractif. Pour les riches. Bien sûr, sinon nos gloires et fortunes françaises iront s'installer dans d'autres pays à la fiscalité avantageuse. Ces élites les plus riches du pays menacent donc notre République d'une chose qu'on pourrait nommer sécession. Elles n'acceptent plus les règles du jeu qu'elles estiment injustes et envisagent de partir. On peut au passage remarquer que le patriotisme est un plat qu'on ne sert qu'aux pauvres pour désigner des ennemis au moins aussi pauvres qu'eux-mêmes.

La solution choisie par le gouvernement était de satisfaire leurs demandes pour éviter leur départ. Le budget de l'Etat diminue automatiquement et des réductions de dépenses publiques se mettent en place. Celles-là mêmes qui mettent la santé et la vie de nos concitoyens en danger. En d'autres mots, qui tuent. Indirectement certes. Ça n'en est pas moins problématique pour autant. Dans ces cas-là, comme dans beaucoup d'autres, le gouvernement a fait primer le profit des plus fortunés sur la vie et la santé des citoyens.

L'autre grande justification est que nous sommes dans un monde globalisé et que ces mêmes entreprises se doivent d'être compétitives pour acquérir ou garder des marchés. Lorsqu'on aborde ce versant-là de la question, les salariés ne sont plus présentés que comme des coûts, variables d'ajustement, aisément remplaçables par d'autres, plus lointains mais moins coûteux. 

Mais ce monde globalisé, qui est dans ces cas-là présenté comme une fatalité à laquelle il faut s'adapter, est un choix délibéré des plus fortunés. En effet, la mondialisation telle qu’organisée actuellement et la division internationale de travail qui en découle permettent aux entreprises (soyons clairs, on ne parle pas des TPE) :

1) De conquérir un marché mondial et ainsi augmenter considérablement les profits. 

Les décisions politiques libérales vont dans ce sens en dérégulant les marchés, en signant des traités de libre-échange, ce qui permet aux multinationales de vendre leurs produits partout. Peu importent les conséquences environnementales de tels procédés.

2) De mettre en concurrence la main d'oeuvre au niveau mondial.

Du coup, si on veut garder les emplois en France il faut faire des efforts (le code de travail devient encombrant par exemple). Se serrer la ceinture. Au sens propre du terme. Peu importent les conséquences sociales de tels procédés.

3) De mettre en concurrence les différents sous-traitants et fournisseurs avec des entreprises se trouvant de l'autre côté du globe. Moins chères. Et peu importent les conséquences sociales et environnementales...

4) De mettre en concurrence les systèmes fiscaux des Etats eux-mêmes.

Voilà le monde tel qu'il est. Organisé pour augmenter infiniment les profits. Une course perpétuelle. Quelles qu'en soient les conséquences. Si le prix à payer est le chômage, la diminution de l'espérance de vie (en bonne santé ou pas), la détresse sociale de pays entiers (voir la Grèce) ou même la mort, peu importe. Du moment que les profits sont là.

La mort n'est pas une chose très convaincante pour Monsanto lorsqu'ils décident de vendre du glyphosate. Pour Lafarge non plus lorsqu'ils commercent avec Daech. Pour les banques qui ont des filiales dans les paradis fiscaux non plus. Les grandes entreprises capitalistes n'ont pas de problèmes éthiques. Leurs problèmes ne peuvent être que financiers. Alors l'environnement à moyen ou long terme, vous savez... Ce qui ne les empêche pas, à titre personnel, d'acquérir des propriétés en Nouvelle-Zélande. Comme quoi ils se tiennent au courant.

Nos dirigeants participent activement à la construction et au renforcement de ce modèle. Y compris le gouvernement actuel.Ce sont les décisions politiques qui permettent et accompagnent cette course aux profits. Au profit de quelques-uns. Au détriment de tous les autres. De nous. Les statistiques sont connues. On ne peut plus feindre la surprise face aux richesses réparties de plus en plus de façon inégalitaire. 

Donc : Sanofi qui accorde la priorité à celui qui paie le plus. Quoi de plus normal? Qui cela peut-il étonner? 

La décision de Sanofi n'est qu'une conséquence logique du système capitaliste mondialisé. Le point de vue éthique de l'égalité d'accès au vaccin ne pèse pas grand chose face à l'argent. Nos chers ministres, votre fausse naïveté ne leurre plus grand monde.

De plus : "Sanofi ne pense qu'à l'argent" est une définition. La définition ne peut être que le point de départ du combat politique. La suite est dans tout le reste. 

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