Au lendemain de la journée de mobilisation du 18 septembre, l'intersyndicale s'est donc réunie afin de décider de la suite du mouvement. Le constat du succès de la journée du 18 est posé et fortes de cette réussite, les organisations syndicales se disent en position de force. Mais les annonces ne correspondent pas du tout à ce rapport de forces supposément favorable et ne sont absolument pas à la hauteur de la gravité de la situation.
En effet, alors que les attaques annoncées contre notre modèle social sont d'une intensité rare, la riposte annoncée par l'intersyndicale consiste en une nouvelle journée de grève et de manifestations. Ce qui nous ferait entrer dans une forme d'opposition malheureusement bien connue, à savoir des journées de grève isolées. Cette méthode a déjà prouvé son inefficacité et ce à de multiples reprises malgré le succès indéniable de ces journées prises en elles-mêmes. Ce qui pourrait venir briser le plafond de verre de notre (in)efficacité c'est le franchissement d'un ou des paliers au niveau de l'intensité de la mobilisation.
Le problème est que, comme au moment du mouvement contre la réforme des retraites, pourtant historique du point de vue des syndicats eux-mêmes, l'intersyndicale se réfugie dans la fébrilité lorsqu'il s'agit d'un appel franc et massif à durcir le mouvement. Durcissement absolument nécessaire à l'accentuation du rapport de forces qui serait le seul à même de faire plier ce gouvernement destructeur et, rappelons-le à toutes fins utiles, préparant le terrain au fascisme.
Alors, il est indispensable d'analyser la situation avec acuité et d'en tirer les conclusions adéquates. Plutôt que de faire triompher une exaspération stérile du point de vue politique il faudrait agir pour augmenter notre puissance collective. L'exaspération est tentante à la lecture du communiqué tiède de l'intersyndicale mais on ne peut s'y enfermer.
Le crise que traverse notre société n'est pas une simple crise conjoncturelle mais il s'agit d'une vraie crise existentielle. C'est le modèle représentatif lui-même et la Constitution de la 5ème République qui le régit qui sont devenus objectivement des obstacles à l'expression démocratique et des facilitateurs de la fascisation de la société. Un système politique où la seule expression populaire considérée comme légitime est l'électorale et où même celle-ci est ignorée et niée dès qu'elle emprunte un sens qui ne convient pas à la classe bourgeoise ne peut plus être considéré comme un système démocratique. Ce système ignore la volonté populaire, façonne l'opinion en permettant un accaparement monopolistique des médias par une poignée d'oligarques, ne cesse d'élever le niveau de répression des voix discordantes, ne cesse de maltraiter les plus précaires en les désignant comme uniques responsables de la situation de crise et est même prêt à laisser les manettes de l'Etat à l'extrême droite en créant ainsi toutes les conditions pour une guerre civile... Tout plutôt que de faire la moindre concession en faveur d'une justice sociale devenant de plus en plus urgente.
Cette crise et cette obstination du pouvoir de poursuivre sur ce chemin de perdition exigent de nous autre chose que la lamentation et l'exaspération. D'un côté, nous sommes prêts à descendre dans la rue parfois par millions crier nos désaccords. De l'autre, nous sommes globalement en accord avec les revendications de l'intersyndicale sur le fond (en gros : abandon de la politique de l'austérité et mise en place de mesures de justice sociale) mais nous trouvons en désaccord quant à la forme de notre mobilisation.
Alors que nous souffrons et ne cessons de dénoncer le caractère de plus en plus fallacieux de notre démocratie, nous nous empêchons de la faire advenir là où elle est à portée de main. Si nous trouvons que le calendrier de l'intersyndicale est exagérément prudent et qu'il nous mène vers une défaite tout à fait certaine, il ne tient qu'à nous de le modifier et d'en imposer un alternatif. Il ne tient qu'à nous par exemple, de nous donner rendez-vous ce mercredi 24 septembre à 10 heures, au moment même où les représentants syndicaux entreront à Matignon. Il ne tient qu'à nous de donner ainsi du poids à leurs/nos revendications plus qu'urgentes et en reprenant la main sur le calendrier des mobilisations.
Il ne tient qu'à nous de prendre le pouvoir sur notre mobilisation pour espérer le prendre sur nos vies !
Cessons d'attendre un appel venant d'en haut. Lançons le nôtre si fort qu'ils ne pourront l'ignorer.
Cessons de nous lamenter et sortons en nombre et imposons l'urgence de la mobilisation générale.
Autrement nous resterons seuls avec nos regrets et nos ressentiments.
Syndicats, associations, citoyens : nous avons le nombre. Ne reste plus qu'à unir nos voix.
Mercredi 24 septembre à 10 heures. Le rendez-vous est pris. C'est nous qui luttons, c'est nous qui décidons.
En attendant, comptons-nous et relayons l'appel.