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À propos du blog
Frères humains, le monde est à l’arrêt, soyons maintenant cardiaques, amoureux, fous, vivants/vibrants plus que jamais !
Nous allons sortir de cette impasse pour faire face à l’inconnu. Ah, l’inconnu !…
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Le défi est aussi immense que la Planète, aussi immense que le monde de chacune et de chacun.
Au niveau de la revue, nous sommes là, confinés à écrire, à effacer nos petits plans, nos agendas, une situation qui nous oblige à être élastiques pour rebondir autrement sans casser l’élan premier.
Nous avons remis la sortie du prochain IntranQu'îllités à septembre 2020, l’heure déréglée oblige. On fêtera en beauté cette sortie, si le déconfinement tient toutes ses promesses. Tiens, le déconfinement, comme convalescence ou remise sur pied, ça se prépare. On risque d’avoir un choc culturel dans un Nouveau Monde sous condition. On peut attraper la fièvre dans l’incendie d’un regard qui nous a trop manqués. Pour amortir le choc, nous vous offrons le numéro 4, MANIFESTE POUR UN NOUVEAU MONDE, en accès libre ici :
https://drive.google.com/open?id=1lrGABcFMkL6hSDhYwdtmlZ1SUacgZ9kn
Plus de 150 contributeurs sur une quarantaine de pays.
Pour participer à la campagne IntranQu'îllités et en savoir plus, cliquez ici:
https://www.leetchi.com/c/passagers-des-vents?fbclid=IwAR2FosOcunxCUaLs5bdoCe61PGTDFbqxOhkXNGxuXw1vKv0GKsxAXZPbnew
La plupart des pays n’en sont qu’au début du confinement, c’est le cas de notre terre, Haïti, ce numéro-manifeste pourra aider à restituer à la pendule ses menus battements de cœur, pour rendre vibrant le temps.
IntranQu'îllités de septembre sera axé/désaxé sur l'Éros, thème que nous caressons depuis quelques années. Le confinement nous met dans tous nos états, nous avons envie de tout livrer, tout révéler sans garder une miette d'étoile dans ce rêve de nuit et de jour chaud-bouillant, mais nous fourbissons nos âmes au tranchant de cette heure inédite. La magie prendra corps véritablement en septembre.
En attendant, recevez en primeur et en piment notre menu signé:
Diego Gary, Ifé Day, Hans Limon, Ernest Pignon-Ernest, Mafalda Mondestin et votre serviteur James Noël:
Le jardin fusible
J’ai fait l’amour à des milliards de questions…
Du bout de la langue
J’ai caressé autant de clitoris
Que je pouvais rêver le tien.
Aujourd’hui,
Rendu à la solitude,
Mon lit est un précipice
Et je me tiens prêt à plonger
Chaque nuit.
Ne pouvant me réfugier
Dans tes bras interdits
Je peine en claudiquant
Dans l’existence
Ivre de me donner,
D’aller à l’Avant
De ce qui me tient lieu de moi,
Ce jardin fusible inconnu.
Je vis par l’alternance.
Entre la nuit du précipice
Et le jour aveugle
Dans le merry go round de l’angoisse
De la perte du soi,
Cet inconnu,
Dans l’égarement du je,
C’est importun.
Me reste le Ça qui me repousse à ma pulsion de vivre
A mon existence de chien battu
Qui rogne sa blessure,
Qui la lape
Comme s’il s’en nourrissait.
Et qui survit en aboyant à la lune
Comme j’écris dans la marge du noir ciel étoilé.
J’écris en bordure de l’univers
Mais peut-être devrais-je écrire
En bordure de toi
Noir sur noir, dans le silence sidéral du firmament
Certain ainsi de ne jamais être lu, ni entendu.
De ne jamais avoir rien dit.
De n’avoir jamais avoué quoi que ce soit.
Être demeuré invisible.
Diaphane.
Une vie de coquelicot.
Diego Gary
Physiologie sanguine
Elle a vu ses règles et craint maintenant le suicide qui viendrait pendant des jours et des jours. Amusée de l'effet que ça fait, elle préfère ne pas imaginer son reste. Sans courir, ne rien cacher de son coup de sang. Son pantalon bleu jeans n'est pas taché, mais ses mains, sa chatte et sa tête. Le bruit de ses eaux, ça entre, ça entre de par tous les trous. Ben ouais. Elle finira par ne pas se rendre. Elle s'en fout maintenant des cuisses de ces autresses qui paraissent toujours si propres. Bandée, débandée, sa poitrine bat la mesure difficile. Trouves-y un refrain pour ça. Des fois ça lui fait peur, perd de son estime, et se demande bien pourquoi, suer suer, c'est pas comme si on l'aidait parfois à aller mieux. Le désert total alors qu'elle dégouline, ça paraît facile et futile,
mais pas plus de trois
Le conte de fées s'est un peu penché, bon il n'y a jamais de parrain. Faut pas trop demander. Et succomber aux petits cons qui demandent et qui insistent, elle laissera sa taille basse directe tout en sachant qu’ils ne feront pas le poids. Elle pèse lourd. Plus que quelques jours sans que du dehors on ne lui jette des sorts.
Ifé Day
LE TATOUAGE
Ma tendre brune, éprise et prise et fendue, ma langue de feu follet piétinant bas les sentiers de ma forêt déboisée, tu m’as demandé-supplié de nous écrire, de figer pour toujours ce combat perpétuel du lundi soir, entre deux murs, alors je décris, je t’écris, je te couche et t’exauce, jusqu’aux pudeurs pulvérisées, je souille d’encre noire les spirales de mes folles circonvolutions.
Ce tatouage recouvrant ton bras droit m’a tout de suite excité, ce dragon venimeux surmonté d’une rose aux pétales enflammés, sur fond de ciel mortuaire où, nonchalant, brillait par gerbes profanées l’orbe statique d’un astre vif, comme un débris de soleil, sans doute voilé, grignoté, vérolé, à demi éteint, sacrant dans sa décrépitude la lumière des temps nouveaux mais immémoriaux, temps de sombreur et de maléfices, de magie noire et de vertes amours, puis, inaccessible au regard, dans le repli du coude, ce Picasso pop, cette femme-kaléidoscope souriant d’une joie funèbre, les cheveux noirs, plaqués, cet autre Toi, dense et profonde et secrète, ce fac-similé de Laure exorcisant toutes les identités possibles, et jusqu’à ta présence incendiaire de flambeau sexué. Le cubisme éclate et fragmente la vision pour mieux reconstituer l’idée, la parfaire, l’envisager, l’absorber malgré la dispersion des perceptions, la divergence des points de vue, la versatilité cynique des parallaxes. Tu es cette sorcière à rose fanée, à gueule cassée, chassant les fleurs rescapées, pachalesquement juchée sur les chatoyantes écailles d’un hippogriffe haletant, surpuissant, crachant la tourbe et le feu de tes malédictions, dans ta cuirasse de peau blanche, nue comme l’innocence et la virginité, colossale de beauté furieuse, prête à cingler dans l’emportement de ta rage les dieux penchés sur les nuages, car tu es la maîtresse de ces lieux, car ce corps est ton corps.
Quelques mots soupirés, depuis longtemps, déjà, plus vieux que nos souvenirs du moment, puis quelques phrases maladroitement formulées, bribes de logorrhée titubante et oiseuse, morceaux de sens virevoltant d’une haleine à l’autre, puis ces brisants de grammaire au coin d’une page de magazine : dix chiffres, une date, un lieu. Séduction moderne.
Tu portais ce jean moulant qui m’avait déjà largement conquis, ce jean « de la première fois », brut et serré, couverture céruléenne de ta nudité divine, comme si de sa conque échappée la diaphane Aphrodite avait égayé son corps diamantaire d’une robe de flots miroitants. Sur le ressac de tes cuisses flottait le saule pleureur de tes cheveux bruns, roux, blonds, cuivrés, sans âge, et ta veste noire semblait tracer, dans ce tohu-bohu de couleurs, de senteurs et de formes, la sinistre équerre d’un échafaud pourfendeur de plaisirs : connaissant tes charmes et ta faiblesse, tu gardais la distance et ménageais tes appas. Femme fractale. Appuyée contre le chambranle de la porte d’entrée, non loin des poubelles jaunes et grises, fleur de printemps prisonnière d’un corset de lierres, fraîche nomade affublée d’un carcan disgracieux, tu n’attendais que mon approbation, un geste, un signe, un mot de ma part et, dans ma torpeur imbécile, plongé sous tes vêtements, je ne voyais que ton tatouage, ce dragon, cette rose, cette millénaire enchanteresse et je te considérais, Laure, avec l’ébahissement du novice qui s’apprête à franchir le seuil du miracle.
Épaules offertes, enfin, chignon défait, torrent de lave au gré des sillons épidermiques, pluie de comètes effilées ! Que dire de cette noirceur étalée sur le galbe de ton être frémissant, sur la rondeur gémellaire de tes seins, perdus sous les vagues de feu capillaire comme de pâles rochers, ennemis des embarcations, marchepieds des visions dansantes, sur la rectitude agitée de ces deux balises marines, auréolées de nappes phréatiques embaumées ? Que dire de ces deux globes nourriciers submergés du miel de ta crinière, m’abreuvant, me nourrissant tour à tour de sueur et de fièvre incandescente, m’emplissant de vie, de sang, de souffle et de liquide amniotique, à renaître sur ta bouche, dans tes mains, à tes pieds, entre tes cuisses, boire à la source et recommencer pour écrire et revivre et recommencer, me gonfler de tes spasmes abandonnés, m’enduire de tes humeurs démêlées, mourir et ressusciter, en une heure, en une minute, et te nommer, pour toutes les vies, passées ou à venir, prêtresse tragique de mes désirs, de mes délits, de mes regrets.
Tu n’es pas claustrophobe, loin s’en faut. Ta présence pure suffit à surpeupler tout un espace, un bar, une ruelle, un restaurant, un appartement, un cimetière à ciel ouvert. Le désert lui-même croulerait sous le poids de tes ombres trépignantes. Tu n’habites pas, tu investis, tu envahis, tu annexes, tu occupes, à l’intérieur comme à l’extérieur. À ton passage, individus, spectres, meubles et décorations deviennent tes otages, les agents d’une soumission consentie, et ce petit bois que nous avons traversé, main dans la main, près de la citadelle, n’est pour toi qu’une ceinture attachée à tes flancs féconds. Mais tu exiges l’étroit, l’exigu, le resserré, le réduit, l’étouffant, tu veux poser ton crâne sur le mur du fond tout en appuyant tes mains sur le mur de face, déployer ton envergure autour de ma nuque tremblante et t’agripper à ma chair, mante religieuse alanguie, mécréante bénie des dieux.
Un peu plus d’un mètre entre les deux parois blanches du couloir menant à la salle de bain. Escarpe et contrescarpe. Tu t’effeuillais lentement, saule pleureur cramoisi d’automne : ton pantalon, ta veste et le reste, jusqu’à l’écorce douce, béante et, muette, face à moi, les jambes écartées, le visage légèrement tourné vers la salle de bain, tu murmuras : « Alors ? » Ce fut tout. Et rien de moins. Dans mon impatience maladroite, j’oubliai le jour, l’heure, le lieu, les bruits, la bienséance, les précaires précautions d’usage et, dans un long ronflement de soulagement peiné, sans prévenir, sans même un mot, une caresse, un regard, je te pénétrai violemment, jusqu’à te faire hurler, comme pour te faire marquer l’heure, mon heure, mes secousses martelaient sourdement le pan de mur couvert de crépi et loin, très loin, au-dessus de la basse geignarde, sous la spirale déchirée des cuivres, balbutiait le contrepoint des voitures et des bus parsemant le bitume grisâtre. Je me fondais en toi, je m’enfouissais sous tes couches d’épiderme et tes muqueuses pour me perdre et me retrouver, je m’ancrais un peu plus en toi à chaque nouvelle secousse, convaincu que, désormais si pleine de moi, tu ne pourrais jamais plus m’oublier, je voyais tes seins magnifiques se tordre sous mes brusques à-coups, je les suçais, les mordillais, j’en parcourais de la langue toute la charnue circonférence, j’explorais tout un monde, mon sexe au plus profond de toi, mes mains tenaillant tes fesses jusqu’au sang. Je te renversai sur le carrelage, à la surface duquel tes flammèches déployées dessinaient comme des scènes de crimes non élucidées. Les secousses reprirent, s’intensifièrent, ponctuées de baisers violents, d’aboiements doucereux. Disposée sur le sol comme un don propitiatoire, tu m’offris tes poignets, que je décidai de maintenir avec une fermeté ruisselante, et je pouvais t’observer, graver dans mon inconscient tes grimaces de plaisir, tes moues frustrées, tes souffrances passées sous silence, et je m’adaptais, en bon élève, pour devenir en quelques minutes l’amant le plus accompli, celui qui devine et devance les désirs de sa maîtresse. Les caresses légères se mêlèrent aux pilonnages, les doux baisers aux rudes embrassades, je contemplais tes yeux courbés de mélancolie, ton cou si long et fin, comme un chemin de peau conduisant jusqu’à la caverne de ta bouche, large comme l’enfance, dissymétrique, inégale comme nos songes déréalisants, tes côtes branchues, refuge à bambins clandestins, ton nombril polymorphe, tantôt lune sereine, tantôt Saturne encerclée, planète, satellite, éclipse, ellipse, apocalypse de vie sectionnée, tes hanches frissonnantes, élargies pour me laisser m’étaler, et dans mon dos, tes pieds, repliés sur eux-mêmes, figurant tes voluptés tortueuses, tes doutes et tes malaises, et sur ton bras, cette sorcière ailée, que je domptai d’un seul revers de main, de cette main que tu saisis tout à coup. Je compris sur le champ.
Hans Limon
Ouroboros
Les mains lavées dans l’huile de serpent
J’écarte le cerce
Eve enfin se remet à rêver
de changer de chagrin
et de peau
entre mes bras
qui scindent et qui ceinturent
Ouroboros
cobra boa à l’infini
depuis la nuit des temps
la nudité des femmes
pulpe d’orage
les sauve de toute pelure de défaut
voici ma coupe
s’y coule l’huile
et un beau serpent de rêve
rien que pour toi
tiens-le bien
il fouille te farfouille
dans les zones secrètes
farfouille et te fouine
dans ton squelette
magnétique
anorexique
Ô toi beauté sainte
en jarretelle
pénétrée
par l’esprit même de la forêt
fondue dans ton monde
la misère du monde me digère
comme un amour bête
ah si bête la belle ruée vers toi
l’or par l’éros
qui me défait pour te refaire
me déverse pour te doter
des yeux fontaines
cette voix de gorge
voici ma coupe
et toute mes chutes
mes sept péchés capitaux
et tous mes crimes capillaires
rien que pour toi
Ève écartée
Échevelée
(Rire aux éclats)
femme jusqu’aux os
excuse du peu
du peu de moi
si loin en toi
nous sommes bouclés
nœuds circulaires
cœurs recyclés
comme l’esprit même
de la forêt
James Noël
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