Deux lettres en partage, à l'occasion de la manifestation autour de la revue IntranQu'îllités à Milan ce lundi 4 mars: La lettre de l'écrivain Jacques Stephen Alexis à sa fille Florence et la lettre que j'ai écrite à ma fille, Léna. Appéciez les traductions en italien de Gaia Riposati.Tous les pères au moins, à défaut de testament, devraient adresser une lettre à un enfant (réel ou imaginaire). Une lettre à un enfant est un rendez-vous fixé comme un vertige dans la durée. C'est peut-être des années plus tard que l'enfant comprendra ou ne comprendra pas, prendra ou ne prendra pas, le poids des mots. Des années plus tard, les pères seront peut-être tous morts. Que pensonne ne vienne me taxer de sexisme, si je n'évoque point la mort des mères! Ici, il n'est question que d'amour, en compagnie des comédiennes Laurence Durand, Gaia Riposati, la plasticienne Pascale Monnin et moi, pour l'avant-dernière manifestion européenne, (avant celle qui se tiendra à Toulouse) concernant le premier numéro de la revue IntranQu'îllités.
"Spazio Fondazione, viale Premuda, 38/ A, 19h.
Lettre de Jacques Stephen Alexis à Florence Alexis
Non avrò molto tempo, purtroppo! Per continuare, da lontano dove mi trovo, il mio imprescrittibile compito paterno... Io posso darti, vedi bambina mia, qualcosa che conosco bene, per averla perdutamente cercato e trovato, pur continuando a cercarlo, è il senso della purezza di cuore, dell'amore per la vita, del calore degli uomini... Si, ho sempre affrontato la vita con un cuore puro. È semplice, vedi Florence...
E soprattutto... Non dimenticare mai che un essere umano non è solamente braccia, gambe e mani, è soprattutto un'intelligenza. Io non vorrei che tu lasciassi dormire la tua intelligenza. Quando si lascia dormire la propria intelligenza questa si arrugginisce, come un chiodo, e poi si è cattivi senza saperlo...
La Havane, 11 janvier 1955
La lettre de Jacques-Stephen Alexis à Florence Alexis
Je n'aurai pas beaucoup de temps, hélas ! Pour continuer, du lointain où je me trouve, mon imprescriptible tâche paternelle... Je puis te donner vois-tu, ma petite fille, quelque chose que je connais bien, pour l'avoir éperdument cherché et trouvé, tout en continuant à le chercher, c'est le sens de la pureté du cœur, de l'amour de la vie, de la chaleur des hommes... Oui, j'ai toujours abordé la vie avec un cœur pur. C'est simple vois-tu, Florence...
Et surtout... n'oublie jamais qu'un être humain ce n'est pas seulement des bras, des jambes et des mains, c'est avant tout une intelligence. Je ne voudrais pas que tu laisses dormir ton intelligence. Quand on laisse dormir son intelligence elle se rouille, comme un clou, et puis on est méchant sans le savoir...
J. S. Alexis.
Chère Léna,
Pour t'écrire et te témoigner tout l'amour que je couve pour toi sous ma chemise, j'hésite entre l'italique et les grosses lettres (en ta qualité de fille de caractère).
Tu es venue au monde d'un bon pied, contrairement à beaucoup d'entre nous qui débarquent sur un faux-pas, pour se ressaisir longtemps après, lors d'une crise d'adolescence, d'un deuil, d'un séisme ou d'une rupture amoureuse. En ce sens, je pense que toi, tu es née le jour même de ta naissance. Avec les yeux grands ouverts posés sur les choses et les visages.
Ces mots, à tes yeux, risquent d'être perçus plus tard comme des bulles, des délires d'un père gonflé comme il y en a beaucoup dans la vitrine mouvante de la paternité. Une vitrine faite souvent d'absents, de photos épinglées qui crucifient l'enfance à coups d'illusions dangereuses, de repères encadrés, accrochés comme une bombe à retardement.
Moi, j'ai eu une enfance chaleureuse, sans mon père. Il n'y a même pas eu son portrait pour nous veiller ou surveiller dans le salon. Grâce à son absence, mon enfance n'a pas connu de censures. La morale de ma propre histoire, vois-tu, me coince dans une ambigüité farouche quant à une proposition de feuille de route, de ligne à suivre.
De l'amour, j'en ai reçu plein, parfois « trop ». Les parois du cœur, heureusement, étant élastiques, jamais le cœur ne souffre d'un trop-plein d'amour. C'est bien cette profusion d'amour que j'aimerais te donner, sans t'étouffer, sans te priver d'ailes, d'aise et d'air. Mon urgence pour toi, c'est d'être un père léger, joueur et vigilant. Un premier ami, presque. Mais, comment arriver à être parmi tes premiers amis d'enfance sans complètement tomber en enfance moi-même ?
Tu es venue au monde d'un bon pied, il suffit de suivre ton cœur pour boussole et les livres pour satellites afin d'inventer toi-même ton cosmos, sans jamais perdre le goût de l'autre. Et la voix qui parle en toi, laisse-la parler, laisse-la parler plus que de raison, jusqu'à ce qu'elle se casse et fasse écho dehors.
Port-au-Prince, déc. 2011.
Cara Lena,
Per scriverti e testimoniarti tutto l'amore che covo per te sotto la mia camicia, esito fra il corsivo e il maiuscolo (per la tua qualità di ragazza di carattere).
Tu sei venuta al mondo col piede giusto, contrariamente a molti di noi che sbarcano con un passo falso, per riprendere il controllo molto tempo dopo, per una crisi adolescenziale, un lutto, un sisma o una rottura amorosa. In questo senso, penso che tu, tu sei nata il giorno stesso della tua nascita. Con gli occhi spalancati posati sulle cose e sui visi.
Queste parole, ai tuoi occhi, rischiano di essere percepite più tardi come bolle, deliri di un padre tronfio come ce ne sono molti nella vetrina mobile della paternità.
Una vetrina fatta spesso di assenti, di foto appese che crocifiggono l'infanzia a colpi di illusioni pericolose, di riferimenti incorniciati, innescati come bombe a scoppio ritardato.
Io ho avuto un'infanzia calorosa, senza mio padre. Non c'è stato neanche il suo ritratto per vegliarci e sorvegliar i nel salone. Grazie alla sua assenza, la mia infanzia non ha conosciuto censure. La morale della mia storia, vedi, mi inchioda in un'ambiguità selvatica (o timida?) per quanto riguarda la proposta di una mappa, di una linea da seguire.
Di amore, ne ho ricevuto tanto, a volte "troppo". Essendo Le pareti del cuore fortunatamente elastiche, il cuore non soffre mai di un eccesso d'amore. È proprio questa profusione d'amore che amerei darti, senza soffocarti, senza privarti delle ali, della felicità e dell'aria.
La mia urgenza per te, è di essere un padre leggero, giocoso e vigilante. Un primo amico, quasi. Ma, come arrivare a essere tra i tuoi primi amici d'infanzia senza cadere completamente io stesso nell'infanzia?
Tu sei venuta al mondo col piede giusto, basta seguire il tuo cuore per bussola e i libri per satelliti per inventare tu stessa il tuo cosmo, senza mai perdere il gusto dell'altro. E la voce che parla dentro di te, lasciala parlare, lasciala parlare oltre la ragione, finché si infranga e faccia eco fuori.
Traduction: Gaia Riposati
Lien utile:
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/070112/haiti-ecrire-damour-et-de-revolution