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Billet de blog 21 mai 2018

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'Cobre (cuivre)' par Claise

‘Cobre (cuivre)’ (2017, Editions Luce Wilquin) est un rappel d’histoire bien utile pour nos jours, avec un président américain qui se vante de la torture ‘utile’ et s’entend mieux avec les leaders autoritaires que ceux qui défendent l’état de droit.

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Un peu gêné, je commencerai par un aveu. Ce huitième roman du juge d’instruction belge Michel Claise est le premier que j’ai lu. Il y avait une bonne raison. Comme Michel Claise est spécialisé dans la criminalité en col blanc, j’ai donné la priorité à son ‘Essai sur la criminalité financière, le Club de Cassandre (Paru en 2015 Editions Racine)
Lors de la remise du Prix de la Citoyenneté 2016 de la Fondation P&V, j’ai découvert un homme chaleureux, passionné par son métier mais avec plein d’autres intérêts culturels.
‘Cobre (cuivre)’ (2017, Editions Luce Wilquin) est un rappel d’histoire bien utile pour nos jours, avec un président américain qui se vante de la torture ‘utile’ et s’entend mieux avec les leaders autoritaires que ceux qui défendent l’état de droit. A l’humanitaire, Trump préfère le tortionnaire comme son homologue Egyptien Sissi – auteur du coup d’état du 3 juillet 2013 ou encore, le ‘dicta-tueur’ (le mot est du Canard Enchaîné) Duterte des Philippines – tous au pouvoir au nom du ‘law and order’.

Cette devise trempée dans le mensonge du ‘Newspeak’ (Huxley, 1984), c’était aussi celle du président Nixon, qui a miné le gouvernement de Salvador Allende, soldé par le coup d’état du 11 septembre 1973 – ce 11 septembre du Chili démocratique.
Comme un train peut en cacher un autre, tout coup d’état militaire cache bien ses enjeux économiques. La kleptocratie des intérêts miniers de corporations américaines fut bien conseillée par les économistes de la Chicago School – pour ne pas citer le libertaire Milton Friedman qui conseillait à Pinochet son ‘shock program’ économique et attendait la transition démocratique de 1990 avant de commenter au sujet d’un « terrible régime politique ».

Alors que ses ‘Chicago Boys’ servaient ce régime comme ministres et conseillers, la thèse était qu’il fallait d’abord construire l’économie et que le liberté politique suivrait en son temps – donc la version politique du ‘laisser faire, laisser aller’. C’est encore la recette de certains maintenant : restreindre les libertés politiques et syndicales ‘pendant quelque temps’. ll n’y a pourtant que le provisoire qui dure et entretemps, c’est bien l’inégalité et l’injustice qui s’installent.

‘Cobre (cuivre)’ commence avec cette lugubre journée du 11 septembre 1973 et plonge le lecteur dans l’horreur que provoque ce coup d’état qui allait faire plus que 3.000 morts, 150.000 prisonniers politiques, dont plus que 27.000 seront torturés.

Le livre de Michel Claise est basé sur des histoires vécues de prisonniers chiliens politiques que l’auteur a connus et témoigne également de se connaissance personnelle de ce précieux pays. La perspective est double et on sent le juge belge - engagé comme on le connaît mais grand professionnel - à la fois à travers la figure du journaliste Jorge Correa et celle du commissaire Ramon Gil qui part l’arrêter.
Cette aventure les mène du stade de foot de Santiago de Chili, transformé en immense prison (un grand classique des coups d’état) et au camp de concentration de Chacabuco.

Ce n’est pas un hasard que Michel Claise se soit intéressé à cette histoire sombre du Chili de Pinochet. Dans son interview pour la Fondation P&V, il pointait l’injustice qui fit tant de dégâts au Chili : « les grandes entreprises font pression sur les partis politiques avec lesquels elles entretiennent de bonnes relations » Et d’insister sur le lien entre la criminalité financière et le terrorisme : »L’Etat Islamique est en réalité financé par le commerce du pétrole et des œuvres d’art, par l’extorsion de fonds et aussi probablement par des états comme le Quatar et l’Arabie Saoudite. Nous devons dès lors exposer les intérêts économiques et financiers nauséabonds dissimulés derrière cette soi-disant guerre de religion » (voir l'intégralité de son interview par Han Renard, journaliste Knack, sur le site de la Fondation P&V).

L’illusion que la criminalité en col blanc serait moins préjudiciable à la société que le crime ordinaire (pourtant plus fréquemment et sévèrement puni) est la raison que le juge Claise a commencé à écrire des romans policiers relatant des affaires de blanchiment d’argent et de corruption.

Avec ‘Cobre (cuivre)’ celui qu’on surnomme « Monsieur 100 millions » (le montant qu’il fait restituer chaque année au Trésor belge grâce à son travail d’investigation) a franchi une nouvelle étape littéraire et finalement politique: si « le culte de la maximisation des bénéfices délite les liens sociaux », ce culte devient finalement un danger pour la démocratie.

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