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Billet de blog 21 avril 2011

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La Foi, le Moi et Dieu

Le monde où je vis soumet à de cruelles tensions l'enveloppe où je me reconnaissais jusque là au prix de quelques efforts thérapeutiques réguliers. Mais l'aujourd'hui, autant professionnel, familial, qu'environnemental et politique, avec ses horreurs quotidiennes, le mensonge permanent, la haine et la misère, se résume en agressions multiples qui déchirent cette enveloppe fréquemment.

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Le monde où je vis soumet à de cruelles tensions l'enveloppe où je me reconnaissais jusque là au prix de quelques efforts thérapeutiques réguliers. Mais l'aujourd'hui, autant professionnel, familial, qu'environnemental et politique, avec ses horreurs quotidiennes, le mensonge permanent, la haine et la misère, se résume en agressions multiples qui déchirent cette enveloppe fréquemment.

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Alors, toujours à repriser ce qui me sert de Moi, j'en viens à me perdre de vue en quelque sorte, à perdre de vue aussi ce qui est le plus important : l'amour de mes proches, l'amitié, la simplicité et la chaleur des rencontres humaines. Je prend conscience par ces plaies ouvertes dans ma bulle que je passe maintenant trop de temps à me défendre, à tenter de repousser les agressions quotidiennes. Cela me fatigue et consomme mon énergie.

J'y parviens quelque peu à me défendre certes, mais le prix est élevé. Je suis un être assez instable intérieurement, avec des aléas de l'humeur quasi quotidienne, je veux dire par là qu'il ne m'en faut pas beaucoup pour basculer de la bonne humeur à la colère ou à une tristesse profonde, un rien maniaco-dépressif quoi, avec un fond mélancolique certain !

Pourtant, il y a quelques années de cela, j'ai vécu pendant plusieurs mois dans un état stable de l'âme, rendant heureux mon entourage familial et réjouissant mes collègues par une humeur faite de joie et de tranquillité. Ma femme disait de moi que j'étais "lumineux" pendant cette période. Rien ne pouvait venir à bout de cette harmonie interne et je me sentais plein en permanence d'un sentiment de sécurité et rempli totalement d'une confiance inaltérable (sans drogues ni rien !).

Je lisais C.G.Jung à ce moment-là et quelque chose dans cette lecture a provoqué en moi un mouvement que je comprend mieux aujourd'hui parce que je suis tenté de retrouver cet état de l'âme, si bénéfique. Une psychothérapie psychanalytique m'avait permis de retrouver mon imaginaire parti en cendre, et je disais alors que cela m'avait ouvert un paysage avec tout ce qui fait la vie et l'intérêt d'un paysage. Jung m'a permis d'ouvrir un monde, c'est à dire qu'au paysage jusque là horizontal s'est additionnée une dimension verticale et spirituelle. En somme, et pour ne pas vous faire lambiner, je me suis mis à croire en l'existence d'une entité qui me contenait et me protégeait, Dieu. Si si !

Cela n'est pas rien et je fus le premier surpris de cette métamorphose assez soudaine ! Je suis né communiste, j'aime à dire ! Pas baptisé ni rien, avec une mère avec des origines anarcho-catho et un père coco-mystique, dur à cuire. La croyance et la foi ne m'étaient donc pas étrangers, mais opéraient sur un terrain débarrassé, à priori, de la présence du Dieu des chrétiens. Les lendemains qui chantent sont pour moi aujourd'hui une religion que j'ai abandonnée. Je pense cependant que Jung m'a fait en quelque sorte renouer avec cette dimension mystique et spirituelle initiale mais, pour ainsi dire, à vide, un vide que je voulais remplir. Cette expérience de quelques mois, inoubliable, a donné corps et âme à cette tendance profonde. Je dois préciser pour les connaisseurs de jung qu'il ne s'agit en rien du phénomène de l'Inflation qui correspond plutôt à une dilatation du Moi.

Je pense que le mouvement qui a permis cette métamorphose incroyable provient en fait du renoncement à l'entreprise interminable, épuisante et vaine du rapiéçage d'un Moi soumis sans cesse à la torture. Je pense qu'à ce moment-là j'ai senti la possibilité de laisser tomber cette vieille défroque freudienne pour intégrer un espace psychique plus vaste, plus fort et accueillant, ce que Jung nomme le Soi et ce que les croyants identifient dans les termes : être en Dieu ! Je l'ai fait, j'ai lâché prise.

Mais cela n'a pas duré ! L'hypothèse qui se présente susceptible d'expliquer cette rétractation c'est l'Église. J'ai rencontré un prêtre auquel j'ai expliqué longuement ce qui m'arrivait. Selon lui, il me fallait à présent me rapprocher du Christ mais pour moi, le Christ était alors un homme et non ce qu'il est pour un croyant, le fils de Dieu, l'Esprit Saint. Tout cela était pour moi une partie de la quincaillerie mystique des curés. Or, il semblait que je ne pouvais pas avoir la foi en dehors de l'Eglise. J'ai cherché à me rapprocher de cela, de l'Eglise, mais je pense que ce mouvement, cette tentative, a redonné consistance à mon Moi, autrement dit, cette tentative me mettait en présence de quelque chose qui altérait ma foi et provoquait un mouvement défensif qui la repoussait à l'extérieur en tant que présence devenue dangereuse.

A l'heure où j'écris ces lignes le besoin de retrouver cet état se fait pressent, je sens cet appel au lâcher prise, à l'abandon de cette lutte acharnée pour préserver cette enveloppe dont je perçois au fond qu'elle est une sorte de leurre, de tromperie. Jadis, j'ai fricoté aussi avec le bouddhisme où j'avais trouvé également l'expression de ce lâcher prise, mais je ne suis pas assez oriental pour cette voie.

Plusieurs questions se posent à présent. Ce sentiment religieux est-il forcément un sentiment de nature religieuse ? Ne pourrait-il pas s'agir au fond d'un choix philosophique qui signifierait l'abandon de l'illusion du Moi justement ? Se faisant le Sujet (et non le Moi) libéré de cette enveloppe culturelle, éducative contraignante et infantile, se dilaterait au dimension d'une autre enveloppe, toujours humaine, mais en quelque sorte surhumaine, ce que Jung appelle le Soi, les bouddhistes l'Éveil et les catholiques Dieu ? Si tel est le cas, pas besoin d'Église. Pourtant, il existe dans ma démarche une attirance vers la communauté religieuse qui se rassemble dans l'Église. Serait-ce parce que j'éprouve des difficultés à investir philosophiquement ce choix ? Serait-ce que, poussé par l'instinct grégaire, j'éprouve le désir de me rapprocher de ceux auxquels je ressemble ou je crois ressembler ? Je me souviens avec plaisir de la conversation que j'ai eu avec le prêtre même si je n'ai rien pu faire de ces conseils, je me souviens d'une communauté d'esprit. En vérité je ne vois pas comment opérer ce choix sans aller du côté de Dieu.

Voilà où j'en suis rendu de cette quête de la paix qui ressemble tellement à une reconquête d'un territoire perdu.

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