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Billet de blog 21 décembre 2011

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La peur de l'étranger

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Je m'essaye dans cette page de blog à rendre compte de ce que je comprend des mouvements xénophobes actuels au travers des filtres et des décodeurs qui sont à ma portée.


D'abord dire qu'en vérité je ne crois pas que cet ostracisme dont on nous pointe à l'envie qu'il est orienté vers les étrangers ait les étrangers comme seule cible. Cette croyance entretenue sert une basse politique dont on connaît à ce point les ressorts que la vraie question est plutôt de comprendre comment ç'est possible que ça marche encore : ces étrangers qui viennent manger le pain des français, le comique sans doute inconnu des jeunes générations Fernand Raynaud en avait dressé déjà un portrait savoureux et Cavanna dans Les Ritals nous a rappelé en son temps que les arabes et les roumains d'aujourd'hui sont des arguments comme le furent les italiens et les portugais de cette basse (c'est à dire en dessous de la ceinture) politique. L'offensive que notre désastreux ministre Guéant mène depuis des mois contre les malheureux qui osent porter leur fripes sur notre magnifique territoire national n'a d'autre visée que d'exciter à la haine raciale et détourner les gens des véritables dangers pour notre démocratie que sont les menées bourgeoises contre le droit de grève, la retraite à 60 ans, les services publics, etc..


D'autres groupes sociaux, je dirais même d'autres êtres, sont aussi la cible de cet ostracisme, des moyens vils utilisés contre l'humain qui cherche à vivre dans nos sociétés. Les fous par exemple, depuis que le sarkozysme a pignon sur rue, sont devenus des gens si dangereux que les étudiants en soins infirmiers vont souvent à reculons dans les services de soins psychiatriques pour leur stage. Ils y découvrent souvent à leur grande stupéfaction que le fou n'est pas celui qu'on croit, que ces hommes et ces femmes ne sont pas si différents d'eux et même que parfois ils sont pareils au point de se demander pourquoi ils sont là ! Certains d'ailleurs, terrorisés de prime abord en redemandent, découvrant là une occasion d'apprendre quelque chose de l'être au monde qu'ils n'avaient pas imaginé.Et de s'interroger du coup, sur le sens que ça a de nous faire peur ainsi et comme je dis à mes étudiants, toujours se poser la question suivante : "a quoi ça sert un symptôme ?".


Et encore, les roms, les fous, les maliens et autres africains, cela se voit, cela à un visage assez stigmatisé, on pourrait les crucifier presque. Cette réalité matérielle résiste à l'effacement car c'est bien cela qui est poursuivi au fond, un effacement de l'autre dans sa différence qui correspond à une poussée hautement narcissique : s'il n'y a que moi, les gens blancs et normaux, ceux de ma race, c'est bien et ça ne peut être que bien. J'y reviendrais ! Mais il y a aussi les autres, ceux qui disparaissent ou sont en voie de disparition comme certains animaux marins exterminés par les pêches industrielles, les plastiques et les métaux lourds (enfin, cela, c'était avant la catastrophe de Fukushima !). Certaines catégories de population, dites capitaine de pédalo" pour remettre à flot un humour médiatique vrai qui peut être un humour vache, noir ou même juif. Mais voyez un peu comment est utilisé par les médias et les politiques de tout autre bord (encore qu'il semblerait qu'il n'y ait plus que du centre) se trait relativement soft tout de même adressé à un concurrent politique dans une campagne électorale ? Il me semblait à moi qu'une campagne électorale n'était pas à proprement parler un balade en gondole sur la lagune ! Regardez ce qui en est fait : cela s'appelle de la stigmatisation, autrement dit une crucifixion, ça vient un peu de là ce mot : stigmatisation. A chaque débat télévisé où est invité Mélenchon on lui en remet un clou. L'humour n'aurait donc plus droit de cité, la méchanceté, la mauvaise fois, le mensonge et la manipulation, oui.


L'étranger à changé de visage parce que la mère a changé de visage : elle ne peut plus être autrement que pâle, blanche et lisse, excitant le contraste affolant. La mère, son visage ne peut plus refléter ni le doute ni la gène, ni la douceur ni la faiblesse ; il ne peut plus exprimer ni grain de folie ni élévation poétique ni cette distraction qui révèle l'activité de la pensée, bientôt elle ne pourra même plus être dépressive (voir le documentaire dans ces pages : Un monde sans fou). Non, la mère ne peut plus être qu'une mère parfaite, omniprésente et omnisciente, une experte indubitable. Le père tend à gommer de sa surface tout ce qui la ferait différer d'un masque sans émotions, froid, calculé, qui fût toujours là et restera là durant les siècles des siècles, hiératique et blême. Zéro défaut pour cette mère-là, zéro défaut pour ses enfants aussi. En vérité, l'étranger est tout ce qui diffère de cette vision technique de la mère. Je deviens compliqué ? Tant mieux, ça va pas s'arranger.


Mais le père, on oublie le père. Le père n'est plus un père, le visage forcément contrariant, forcément casse-couille du père se transforme aussi en un visage qui va bien avec le nouveau visage de la mère. Ce nouveau père-là prend soin du nouveau visage de la mère, il lui est asservi. Ce père-là assure la permanence et l'ubiquité universelle du masque maternel qui sera bientôt le masque de la Totalité. Un seul message, un message unique s'adresse à tous les peuples, de toutes les contrées. Big brother est mort, vive big-mother ! Le père, jadis signifiant maître, se dissout, se divise et devient une sorte de pâte molle qui assure finalement que "tout est possible" dans le meilleur des mondes possibles, c'est à dire le monde froid et mort de la mère new-age, de la mère machine divinisée et absolue. Sous le règne de ce couple parental les enfants sont appelés à ne jamais quitter le giron de leur mère et le nouveau père s'occupe à cela activement mettant tout en oeuvre pour faire disparaître de l'horizon du possible tous les possibles non autorisés, c'est à dire toutes les déviances sournoises, inquiétantes et dangereuses. L'esprit poétique, la subjectivité créatrice de mondes, est sans doute le pire des adversaires de ce couple. Le père englue dans sa substance molle tout ce qui se hérisse, tout ce qui a du relief, tout ce qui interroge, tout ce qui conteste l'ordre immémorial de la mère. Il s'agit bien de consacrer une sorte de régime éternel auquel nous serions enfin advenus, après quelles errances ! Encore quelques renoncements et il n'y aura plus besoin de père !


Ces nouveaux parents même pas terribles produisent du même qui est eux rendant insupportable et même impensable ce qui est autre. Leur désir ne va pas bien loin, ils ne sont pas très compliqués les grands-bourgeois, ils se veulent eux-mêmes comme objet parce qu'ils savent que le bien est tout en eux, que la jouissance est déjà là, avec la richesse et le pouvoir et qu'il n'ont plus qu'à la profiter (déprofiter dirait ma mère à moi !) dans des activités auto-érotiques. Rien d'autre ailleurs ne peut contenir de bien. En dehors d'eux s'agite le doute affreux, la différence terrorisante, la violence du langage poétique, la folie de l'inconscient, l'Autre, l'Alien psychopathe, pervers sexuel et incontrôlable. De ça ils n'en veulent pas, cela n'est pas bien ! Le mal est tout ce qui est à l'extérieur de cet espace pâle, tiède et lisse qui est l'espace bourgeois que l'idéologie néo-libérale porte comme idéal planétaire. "Le trop est l'ennemi du bien" dit un adage mais le trop n'est-il pas l'audace de l'invention, l'audace du voyage, l'audace du mouvement vers l'inconnu, l'audace de la révolution, l'audace de la rencontre entre les peuples, l'audace de l'humain ? N'oublions pas que la consanguinité est contraire à l'instinct de conservation qui pousse toujours vers l'Autre comme nous l'apprend 500000 ans d'histoire humaine.


Alors oui, on nous enfume avec les étrangers comme on nous enfume avec l'argent, les marchés qu'il ne faut surtout pas effrayer, la dette. La dette, voilà un sujet à développer selon certains point de vus un peu délirants sur les bords. Parce que, nonobstant le désir pré-pubère de certains, il n'y a pas que du centre mou, il y a aussi des bords coupants dans le monde.

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