Je devine d'autres armes de paix dans la main offerte
Je renoncerais à la raison si celle-ci, peu courtoise
Refusait à mon cœur la boisson d'un bon sens de l'amour
Je devine d'autres armes de paix dans la langue de ma mère
Il fût dit la poésie qui est entre la peau et le sol de la terre
Là, toujours avec sa propre souffrance qui est sa vie
Elle porte les pas de celui qui chemine léger
De celui qui marche assez légèrement pour moins lui être pénible
La poésie, il fût dit qu'elle est la mère de toute philosophie
Moi qui voudrait être philosophe, qu'elle idée si je suis poète
Déjà bien au-delà, déjà si en-deçà, je devrais plutôt m'ôter tout le gras
De cette suffisance et tout l'amer de cette insuffisance
Je ne parviens pas à satiété du monde, de la vie, de la mort, de l'amour
Je ne m'épuise pas assez dans mes épousailles éternelles
Je ne m'évide pas assez quand pourtant je me vide sans cesse
J'érode mon cogito d'une rappe bien dure, j'érode et cela cri
Il me faudrait cesser d'être malade du mouvement, du balancement
Aussi bien alors, après le bout, je deviendrais mort
Ce qui est tout de même un devenir, qui tient de l'agonie
Il faudrait que prenne fin le chant de mes chairs
Le chant de mes os contre ma couenne fatiguée de se mouvoir
Il faudrait qu'assez d'eau eut quitté mes cellules
Il faudrait défaillir à moins que je renonce, que je me défausse
Que je déchausse la dent qui, seule et unique dans l'univers connu
Cause à mon égo une blessure qui s'aime d'amour
Je crois qu'il y a un autre devenir humain
Ce sont les nymphéas que j'entrevis alors, dans cette pensée
Un devenir que les poètes seuls pressentent et que seuls ils disent
Je dis cet autre devenir sans vraiment savoir que je le dis
Car le poète ne sait pas qu'il vit les nymphéas de sa Gloire
Moi et Dieu, nous avons un point commun par lequel passe une ligne
Le ligne courbe d'un hanche de femme couchée, lascive et mystérieuse
Moi et Dieu nous touchons des yeux cet élan si tendre
Moi et Dieu, deux chenapans en culotte courte, nous osons
Je ne puis étancher ni ma soif, ni ma faim, ni même mon orgueil
Je ne fane jamais, ni dans le matin, ni dans le couché du soleil
Comme si le matin et le soleil restaient en moi toujours
Un bien précieux, un trésor, est-ce là le devenir nouveau de l'homme ?
Je poserais mon bien le plus précieux à tes pieds
Déesse, mais tu me le rendrais plus précieux encore
A nouveau, sur le sol poussiéreux, près de tes orteils de nacre
Je déposerais ce qui m'est le plus cher dans mon âme
Alors, tu m'épouserais dans l'avenir du monde
Nous poserions notre enfant divin dans le désert aride
Là où toutes les âmes fanent, lasses et livides
Nous poserions notre baiser de paix, notre arme de paix
Au milieu du milieu de ce rien qui reste rien
Nous poserions notre Tout
Parmi les cendres, le sang et l'acier refroidit
Je crois bien qu'il existe une paix.