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Billet de blog 10 novembre 2016

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"Qui sème le vent récolte la Trumpête"

L'élection de Trump aux États-Unis ne peut être considérée comme une surprise, comme un fait ponctuel décorrélé d'un contexte global. L'arrivée du milliardaire à la Maison Blanche n'est qu'un nouveau symptôme d'une crise profonde. La politique n'est plus vue comme un moyen d'action au service de la démocratie et du mieux-vivre collectif ; elle est désormais le symbole de l'inaction et du mensonge.

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A lire les réactions à chaud qui fleurissent sur les réseaux sociaux en ce matin du 9 novembre, quelques heures après l’élection surprise de Trump à la tête des Etats-Unis, il semblerait que le désespoir et le pessimisme aient atteint tout un chacun. Certains sont choqués, apeurés, dégoûtés, révoltés, d’autres se demandent vers quoi le monde se dirige et ce que sera demain. Chacun s’indigne publiquement, y va de son commentaire, comme si ce résultat surgissait de nulle part. Or ça n’est pas le cas !

On ne peut considérer cet événement de manière isolée, ponctuelle. On doit le voir sous un prisme véritablement global car l’accès au pouvoir de Trump n’est qu’un épiphénomène qui masque une problématique bien plus profonde : la défiance totale des citoyens envers la politique et ses représentants. Comment, d’ailleurs, ne pourrait-elle pas être là tant les politiciens abusent de la confiance que les peuples mettent en eux depuis des décennies (mensonges et promesses non tenues) ? Comment ne pourrait-elle pas être là tant la politique semble impuissante depuis des années face au chômage, à la dette, au terrorisme (absence de résultats) ? Comment enfin ne pourrait-elle pas être là quand on ressert à longueur d’élections les mêmes candidats provenant d’un entre-soi où toutes les magouilles sont permises et où la justice ne passe jamais (affaires à répétition sans que cela ne change l’offre politique) ?

Crise financière de 2008, accès au pouvoir de partis nationalistes en Europe de l’Est, recrudescence du terrorisme, crise migratoire, crises agricole, industrielle, écologique, Brexit… et enfin Trump cette nuit ! Prises ainsi, les dix dernières années semblent bien noires. Les citoyens se focalisent aujourd’hui sur la couleur, sur la noirceur de cette succession d’événements. Ce faisant ils s’égarent ! Ce n’est pas sur la couleur des faits qu’il faut se pencher ! C’est sur leur enchainement ! Tous ces signaux qui se multiplient depuis dix ans sont symptomatiques de la fin d’un cycle : celui de l’ultra-libéralisme, de l’ultra-financiarisation, de l’ultra-concurrence, de l’ultra-court-termisme… bref celui de l’ « ultra-mondialisation ». A vouloir pousser l’ultra toujours plus loin sans voir qu’un changement de modèle s’impose pour construire un 21ème siècle plus harmonieux, nos dirigeants récoltent tout simplement ce qu’ils ont semé : de l’ultra-réaction (des partis populistes, de la violence et des attentats, des tensions géopolitiques nouvelles, des unions qui éclatent, etc…).

Illustration 1
Tempête hivernale sur les côtes françaises, début 2016 - image Europe 1

Trump n’a-t’il pas été élu - entre autres bien sûr - sur la remise en cause des traités de libre échange, sur la réindustrialisation des États-Unis, sur la peur de l’extérieur ou de l’étranger ? Il a été élu - malgré de multiples provocations, malgré ses incroyables excès, malgré sa fortune qui le met bien loin de la vie de l’américain moyen - parce que le peuple en a marre, parce que le peuple veut un vrai changement qui n’est jamais venu des personnalités / partis modérés qui se succèdent au pouvoir depuis des décennies ! Nos dirigeants nous vendent du « changement », des « ruptures », du « great again » qui ne viennent jamais. Comment dès lors croire à la « noble politique », celle qui porte des idéaux, un projet de société à long terme, celle qui implique les citoyens, change les choses et améliore le quotidien ? On parle de plus en plus de populisme, aux États-Unis mais aussi en Europe ou en France. L’espace offert à ce populisme n’existe en fait qu’en réaction à la médiocrité de ce qui a été fait ces dernières années. Les citoyens en sont arrivés au stade ultime du « tous pourris, tous corrompus » et de ce qui en découle tragiquement, le « personne ne pourra faire pire ».

On ne peut que comprendre, partant de là, la montée fulgurante des extrêmes et des populistes (les « grands méchants » Trump, les « grands méchants » Le Pen, etc…). Ceux-ci ont l’argument majeur et paradoxal de n’avoir jamais eu le pouvoir et il est à parier, qu’effectivement, ils ne pourront pas faire pire que les (autoproclamés) « grands gentils » incapables ! Il est à ce sujet effarant d'observer nos politiciens - qui n’ont pas réussi grand-chose sinon à diviser - se poser, avec un aplomb qui frise le scandale, en rempart contre la haine... ou même contre l’incompétence ! Ironiquement, la fin du cycle actuel est ainsi accélérée par nos dirigeants eux-mêmes ! En s’acharnant à vouloir faire vivre un modèle qui a vécu (et dans lequel tout n’est sans doute pas à jeter), en s’accrochant au pouvoir, aux places et aux statuts qu’ils ont dans ce modèle, ils poussent les citoyens vers la radicalisation et vers les partis extrémistes. Dépassés par les promesses démagogues de ces concurrents nouveaux, ils versent dans le même registre, poussent la fuite en avant plus loin encore en espérant être sauvés. Nous constatons le cercle vicieux que tout cela engendre.

Une question fondamentale s’impose après ce triste constat : comment changer les choses, comment éviter le prochain événement qui viendra une fois de plus heurter les consciences ? La première réponse est évidente : il faut agir et non réagir. Les réseaux sociaux ont ceci de ridicule et d’exaspérant qu’ils fonctionnent toujours en mode réactif : tout le monde s’indigne (très fort et très ponctuellement) quand l’événement est passé, bien trop tard donc ! Il faut agir au jour le jour, et non pas simplement voter une fois tous les quatre ou cinq ans pour ensuite laisser faire. Il faut agir en tant que citoyen responsable et impliqué. Il faut éduquer et s’éduquer, s’informer (pour de vrai, pas dans la presse gratuite ou sur les chaînes d'info en continu), se faire un avis, réfléchir à des idées, au monde dont nous rêvons demain. En somme il faut s’impliquer dans la société dans laquelle on vit parce que - pardon d’être trivial - chacun de nous la constitue et est coresponsable de sa construction et de son évolution !

S’impliquer, ça n’est pas forcément s’encarter dans un parti, aller manifester bruyamment, ce peut simplement être se renseigner au-delà du journal télévisé quotidien, relayer des articles ayant du fond sur les réseaux sociaux, aller voter à une primaire pour favoriser ou dégager un candidat, créer ou signer une pétition sur le web pour faire bouger les lignes, assister à une conférence politique ou même à un conseil municipal. A attendre du grandiose pour agir, on n’agit jamais ! Visons petit mais agissons ! L’existence d’internet et des médias sociaux est une chance historique d’être un citoyen actif. Jamais il n’a été si facile de relayer un scandale (ou une bonne nouvelle) à grande échelle et à coût zéro. Cette formidable caisse de résonance peut instaurer un sérieux contre-pouvoir progressiste venant de la base. Cela est profondément démocratique ! Militons par ces canaux nouveaux pour un pacte républicain comportant des règles simples, du bon sens, des principes de responsabilités correspondant à l’exigence de transparence et d’exemplarité de la fonction de représentants du peuple :

-Article 1 : le vote blanc est comptabilisé et pris en compte. Si le vote blanc arrive en tête d’une élection, le résultat de celle-ci est annulé et la liste des candidats en lice intégralement renouvelée.
- Article 2 : tout élu condamné en justice pour des faits d’abus de pouvoir, de détournement de biens / fonds publics, sera définitivement radié de la vie politique.
-Article 3 : tout élu devra avoir travaillé un minimum de 5 ans hors administrations publiques pour pouvoir prétendre à un mandat politique.
-Article 4 : l’âge limite pour se présenter à une élection est fixé à 60 ans (la révolution numérique, prochain relais de croissance, va t’elle être menée par des septuagénaires, sans déconner ?)
-Article 5 : l’ensemble des débats parlementaires sera retransmis sur internet et accessible de manière libre et complète.
-Article 6 : une question ou un sujet ayant récolté un million (chiffre arbitraire) de signatures sera soumis au parlement sans délai, dans les conditions de transparence de l’article 5.
-Article 7 : les avantages inhérents au statut de représentant du peuple cesseront dès la fin du mandat (logement, voiture de fonction, etc…). La rémunération d’un élu sera globalement plafonnée à 10 SMIC (chiffre à discuter, ce sujet à lui seul mérite un vrai débat). Les régimes spéciaux des élus seront intégralement supprimés (retraites, cartes de transport, …).
-Etc etc…

Apportons ainsi, petit à petit et chacun à notre échelle, notre pierre au modèle sociétal que nous voulons voir émerger demain. Nous sommes autant adultes que nos dirigeants, nous ne pouvons plus tout attendre d’eux. Car ça ne marche pas, nous le remarquons tous les jours ! Parce que nous avons les responsables que nous méritons (les « tous pourris » qui sont au pouvoir le sont parce que le peuple les y a mis), décidons de mériter mieux, décidons de nous bouger les fesses pour préparer et non subir notre avenir. En un mot, let’s Make Politics Great Again !

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