Régulièrement sont publiés des sondages montrant une défiance de plus en plus grande des Français envers l'ensemble des médias. Et la réaction des journalistes est toujours la même : reconnaître quelques erreurs vénielles, comme dans la pantalonnade médiatique autour de « l'arrestation » de Dupont de Ligonnès, mais surtout accuser les méchants populistes (suivez mon regard) de les déconsidérer en leur reprochant leur présentation biaisée voir fausse des faits. Au passage, ils ne relèvent jamais l'un des principaux reproches faits aux médias, celui d'appartenir à une poignée de milliardaires. Et pour cause car le fait est là. Par contre, sur la hiérarchisation de l'information, sur la présentation qui en est faite, on les voit tous se draper dans une prétendue neutralité qui serait la marque du vrai journalisme. Récent exemple avec la situation en Bolivie :
Qui a suivi un peu les événements tels que relatés par les médias a forcément eu l'impression qu'il s'agissait d'une révolte populaire contre un dictateur qui tentait de confisquer le pouvoir. A ce détail près que ce « dictateur » (comme Chavez à qui le même traitement médiatique fut appliqué) est élu et réélu à chaque élection sans avoir même besoin de second tour. Mais ceci, pas plus que le fait que Moralès soit largement en tête au premier tour, ne suffit à faire que ces médias donnent la parole à ses défenseurs.
On nous a répété en boucle que l'OEA (Organisation des États Américains) considérait qu'il y avait eu des fraudes (une petite recherche d'infos montre qu'il en ont trouvé quelques dizaines sur quelques dizaines de milliers de bureaux de vote) et qu'un second tour devait être organisé. On nous a annoncé que la violence se déchaînait (sans préciser de qui elle est le fait) et quand Moralès finit par démissionner, on a « oublié » de nous dire que son domicile a été vandalisé, celui de nombreuses personnalités incendié et on nous a annoncé sans rire que c'est sur les « conseils » de l'armée qu'il a quitté le pouvoir. Jamais le mot « coup d'État » ne sera prononcé ; aucun journaliste ne s'offusquera que le second tour accepté par Moralès n'ai jamais lieu. Mais comme il faut bien pouvoir affirmer sa « neutralité » on finira par en entendre un nous glisser discrètement en fin de reportage que ce sont des milices d'extrême droite qui tiennent les rues de La Paz. Après quoi la situation bolivienne disparaît des radars médiatiques. Voilà l'équilibre et la neutralité tels que la conçoivent ceux qui officient dans les grands (et moins grands) médias.
On pourrait aussi faire le parallèle avec l'exemple chilien où la répression (relevant du crime contre l'humanité avec des disparitions forcées), qui vient d'être officiellement reconnue par l'ONU elle-même, n'a ni été couverte par les médias quand elle a eu lieu, ni donné lieu à plus qu'une brève quand elle a été mise au vu et au su de tous. A comparer là encore avec la couverture de cette "révolte populaire" bolivienne.