La crise actuelle est-elle seulement celle de l'euro ?L'euro et ses règles de fonctionnement sont clairement mis en cause, elles ne résistent pas à la crise, elles l'amplifient. Le pacte de stabilité, sans politique budgétaire ou au moins une politique fiscale commune, sans politique économique commune, sans politique sociale commune, sans politique industrielle est impuissant. Il se heurte à la réalité économique, industrielle et sociale des pays de l'Union européenne.
Crise de la dette souveraine?
La crise de l'Euro se limite-t-elle à la question de la dette et en particulier grecque ? Cette explication est un peu courte. Pourquoi les états européens sont-ils confrontés au problème de la dette, alors qu'ils sont moins endettés que les Etats Unis (250% du PIB) le Japon (200%) ?
Ou crise du système monétaire ?
Cette question serait-elle sans lien avec le renoncement des gouvernements, des états au financement par la banque centrale (1973) ? Sans lien avec la fin(1971) des accords de Bretton Woods fondés sur des taux de change fixe : étalon de change or basé sur le seul dollar (USD). Le système remplacé par les taux de change flottants a conduit aux multiples crises des parités monétaires, qui ont conduit au SME et à l'Euro.
La conséquence est la nécessité de faire appel au marché, en régime de globalisation, aux marchés financiers : banques, investisseurs institutionnels : assurance, fonds d'investissements et de faire appel à des couvertures de changes, puis aux options et dérivés qui ont ouvert la voie aux fameux produits toxiques.
Il n'est pas inutile de rappeler que la première grande crise de la dette de l'après-guerre fut celle des années 82-86 avec la crise de l'endettement des pays émergents : Amérique latine, Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Afrique, Corée du Nord, Corée du sud, Indonésie ...qui se termina par l'échange des créances contre des Brady bonds ( bons du trésor US à coupon zéro) soit une décote de la dette de 50%.
Les pays de l'OCDE en renonçant au privilège de monétarisation du déficit (1973) se sont mis dans la situation des pays émergents, dont les devises étaient inconvertibles, qui ont financé leur développement et leurs déficits en faisant appel au marché des eurodollars.(excédent de Dollars détenus et placés en dehors des Etats Unis )
La mondialisation rétrograde
Ces renoncements qui étaient les premier pas vers la dépendance des marchés financiers renforcés par la révolution conservatrice dite néolibérale : politique « dérégulation des marchés financiers », de l'offre, de la baisse généralisée des impôts sur les sociétés et hauts revenus.
Trente ans plus tard le bilan est implacable. L'Europe construisait patiemment l'Union Européenne, destinée à être une puissance politique maîtresse de son destin, depuis 1957.
L'Europe réduite à son marché
Mais voilà l'engouement pour les vertus magiques du marché, rien n'est plus fort que le marché, TINA, la religion de l'affaiblissement des états, ...a modifié le cours de la construction européenne, ce fut la préférence pour le marché unique acte unique signé en 1986. L'acte unique a transformé irrémédiablement le projet européen en plus grand marché commun du monde, où règne sans partage la concurrence libre et non faussée.
Dumping fiscal et dumping social encouragé
Non faussée sauf en matière fiscale, la concurrence fiscale et non encouragée par la Commission européenne, de même que le dumping fiscale, avec les aides à la délocalisation. L'exemple du numéro un de la téléphonie mobile, qui a reçu une subvention pour s'installer en Allemagne, avant quelques années plus tard de délocaliser en Roumanie est dans toute les mémoires. Ce numéro, le Finlandais Nokia ferme une à une ses usines dans son pays d'origine la Finlande !
La concurrence libre et non faussée contre la légitimité démocratique
Cette concurrence magique, avec sa main invisible nous a conduit au traité de Maastricht et ses critères de création de l'euro, renforcé par les traités d'Amsterdam, puis Nice et enfin le TCE, rejeté par trois pays, mais devenu le traité de Lisbonne il fut au mépris du suffrage universel adopté par le parlement français, et les autres parlements nationaux.
Un marché et une monnaie l'Euro
La concurrence libre et non faussée parée de toutes les vertus est devenue a perdu la main, en piétinant la démocratie européenne, elle n'a plus aucune légitimité.
Une monnaie, qui plus est de réserve doit s'appuyer sur une économie unifiée ou au moins commune, une politique fiscale qui suppose la cohérence, et non l'encouragement à la concurrence fiscale, une politique industrielle coordonnée et non l'absence de politique industrielle, au prétexte qu'elle fausserait la concurrence libre et non faussée.
Avoir voulu réduire l'Union Européenne à un grand marché avec comme seul précepte la concurrence libre et non faussée a provoqué, et intensifié la crise prévisible de l'Euro.
Une monnaie représente la force d'une région, de sa cohérence économique, fiscale, sociale et politique
Comment redonner le sens de la solidarité, après avoir encouragé la concurrence sans limites, comment redonner sens à l'idée de construire un avenir commun, quand la mondialisation rétrograde s'est appuyée sur le national-libéralisme économique : la préférence pour le champion national, sur la fusion de sociétés européennes
Crise de l'Euro : crise de la démocratie en Europe.
Veut-on construire une Europe puissance indépendante, alors il faut s'appuyer sur nos forces, plus de 500 millions d'habitants, des peuples démocratiques, éduqués, des infrastructures sans égale, un modèle social à développer et non à détruire, le plus grand marché intérieur du monde plus de 500 millions d'habitants, pour construire une économie européenne, un modèle sociale, un modèle politique qui favorise la coopération et le vouloir vivre ensemble retour à la concurrence entre différents statuts de sociétés : sociétés d'états (européennes), sociétés mutualistes et coopératives et sociétés privées.
Il faut choisir une autre politique, une autre modèle économique et social pour sauver la démocratie. Le moment du choix se rapproche soit nous choisissons la démocratie et nous devrons lutter pour la défendre, soit nous subirons la dictature du libre-échange, des oligarchies industrielles et financières, et de ses experts et nous serons tous des grecs réduits à accepter les politiques les plus inacceptables socialement et antiéconomiques, plus d'austérité plus de dette, plus de crise.
Olivier Todd, dans Après la démocratie(2008) a analysé la situation et les sorties possibles »la désintégration des économies nationales d'après-guerre a ramené le capitalisme à sa vieille contradiction : le retard de la demande sur la production, la recherche frénétique de débouchés extérieurs (ndla :politique de compétitivité allemande ), la tension que cette quête finit par induire...la croyance libre échangiste présente donc un certain niveau de désintéressement ou de stupidité et d'intérêt mal compris ».
Cela conduit à la recherche de boucs émissaire, à la culture de la peur, peur de l'autre et à l'état autoritaire.
Démocratie ou état autoritaire
Nous sommes à la croisée des chemins, ou les dirigeants politiques entendent le peuple, les peuples européens indignés par les cures d'austérité à répétition, qui sont la même chose que le plan Laval (1935), ou ils privilégient la mondialisation rétrograde et l'Europe grand marché, et ils font le choix de la contre révolution, d'un système de plus en plus autoritaire qui fera dépérir la démocratie au profit de ceux qui savent les experts et de leurs employeurs les oligarchies industrielles et financières : la pensée dominante.