Parmi les nombreux essais et analyses de la crise actuelle, le livre de François Morinnous propose une analyse exhaustive et originale. Partant de là , F Morin ouvre des voies qui pourraient conduire à la nouvelle utopie : un monde sans Wall Street.
François Morin, professeur émérite d’économie, et auteurs de nombreux ouvrages en particulier sur le capitalisme français, se situe clairement parmi les économistes hétérodoxes, se réfère aux économistes atterrés, à Jacques Généreux, comme à Patrick Artus.
L’originalité de son analyse tient à son démontage implacable du système, l’un des apports importants est de démontrer que Wall Street , la bourse ne joue plus son rôle de financement de l’économie depuis le début des années 2000, mais au contraire ponctionne les entreprises, l’un des maux étant le rachat d’action, la destruction de valeur pour permettre l’enrichissementd’une poignée d'oligarques.
La crise trouve ses racines dans le « foyer monétaire » et dans » la valeur actionnariale », l’impératif de création de valeur pour l’actionnaire
« Le foyer de la valeur actionnariale résulte des lois fiscales américaines votées dansles décennies 70 et 80. La gestion desfonds de pension par capitalisation est elle-même à la source de la norme financière de 15% de retour sur investiossement. Le foyer monétaire vient de la double libéralisation des marchés monétaires et financier »
Peu d’analyses ont souligné le rôle central de cette norme, totalement arbitraire et sur l’onde de choc sur le travail, l’environnement et l’action politique.
Parallèlement à la perte de pouvoir des salariés, la surpuissance de la finance globale est clairement analysée et expliquée. Elle donne naissance à un oligopole comme l’ont souligné différents auteurs F.Lordon et Hervé Kempf pour n’en citer que deux.
Les conséquences sont de trois ordres :
Le risque d’entreprendre est transféré au monde salarié,avec un accroissement des inégalités de revenus et patrimoines.
le désastre écologique et environnementale de plus en plus évident et accéléré.
La pulvérisation de l’action politique. Le transfert via la crise de 2007-08 de l’endettement des banques aux Etats et la nouvelle crise qu’elle génère, ne laissant aux politiques le choix qu’entre la soumission et la marginalisation.
"Les bourses, Wall Street sont propagatrices de la norme de rendement insupportable pour l’économie réelle. Dés lors, elles font la démonstration de leur inutilité et même de leur nocivité."
François Morin comme nombre de ses collègues en appelle,arguments à l’appui à changer le logiciel intellectuel des économistes.
Il demande le retour à la tolérance et à la liberté de critique dans le monde universitaire et de la recherche. Au nom du nécessaire pluralisme intellectuel. La nécessité de contribuer au débat politique au sein de la cité.
Son jugement sur l’aveuglement de la sociale démocratie, son incapacité à remettre en cause le rôle des marchés financiers, la valeur actionnariale, à critiquer la norme des 15%,la surpuissance de la finance libéralisée. « A l’exception notable du Parti de Gauche" souligne F Morin.
La nécessaire rupture n’est pas au programme du PS, cela explique sans doute le manque d’enthousiasme des électeurs à son égard.
L’objectif de l’économie redevenue politique doit être de « fondamentalement la capacité » d’accroître la maîtrise de l’économique par le pouvoir politique".
Pour cela F Morin définit « un projet alternatif où des biens communs de l’humanité seraient le point de départ du débat démocratique ».
Redéfinir des solidarités, rompre avec la gestion du risque actuelle, aboutir à une cohérence du global au planétaire.
Pour cela aller vers un gouvernement mondial de la monnaie,bien public, de la fiscalité et de l’environnement.
Même si à notre avis, il faudra passer par une étape intermédiaire redonnant vie à des unions régionales, comme l’Union Européenne,en les mettant au service des hommes et non de l’oligarchie financière.
F Morin le concède en prônant l’intégration économique des grandes régions du monde, la création de pôle financiers publics et la réhabilitation des services publics.
Mais l’originalité du livre tient de la conséquence de l’analyse en profondeur de la création de valeur pour l’actionnaire. F Morin propose une refonte du droit de propriété, tenant compte de la nécessité de reconnaître au salarié, au travail une part de la propriété de l’entreprise et les droits qui en découlent.
Un livre stimulant qui éclaire d’un jour nouveau la voie à suivre pour sortir de cette société qui broie l’homme, la nature et notre avenir pour satisfaire l‘égoïsme sans limité d’une poignée d’ »oligarques. » Les économistes doivent être de nouveau capable de rendre intelligible la réalité telle qu’elle est. La mondialisation, l’Union européenne, ne doivent plus être un argument pour soumettre la société àl’économie ».
François Morin Un monde sans Wall Street collection Économie humaine, édition du Seuil mars 2011
Jean Bachèlerie