La guerre en Ukraine révèle les énormes erreurs du gouvernement américain dans la guerre sans fin menée le 11 septembre 2001. L’UE et l’Europe doivent réagir. Par Michael Bildhalter traduction libre de Jean bachèlerie
Publié le 27 avril par Nachdenkseiten. https://www.nachdenkseiten.de/?p=83289
Remarque préliminaire: l’Empire américain poursuit il son sascension vers les ommets,comme on pourrait le penser avec l’invitation à Ramstein des pays membres de l'Otan le 26 avril et l’arrivée des représentants américains dont le Ministre de la défense le général Lloyd Austin , ou est il en déclin , comme le pensent de nombreux observateurs? Notre auteur décrit ce qu’il perçoit: le déclin. Albrecht Müller.
La guerre sans fin
En Ukraine, Vladimir Poutine tente par des moyens militaires d’inverser les résultats d’une nouvelle série de guerres américaines afin de renverser les gouvernements légitimes aux confins de l’Eurasie, de l’Europe de l’Est à l’Asie centrale en passant par le Moyen-Orient. Cette stratégie américaine a été mise en place à la suite des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York. Pour citer Paul Wolfowitz, alors secrétaire d’État américain à la Défense, qui se penchait sur le Moyen-Orient, les guerres avaient pour but «d’éliminer les anciens États clients soviétiques de la région avant l’arrivée de la prochaine superpuissance.» Il s’est avéré que cette superpuissance potentielle est la Chine.
Aux États-Unis, bien avant le conflit ukrainien, l’opposition à une guerre sans fin s’est développée. Toutefois, une grande partie de l’échiquier politique continue de soutenir et d’ encourager cette stratégie. Il convient de citer en particulier le Parti démocrate qui, sous la direction de Barack Obama, Joe Biden et Hillary Clinton, a pris ses distances par rapport aux objectifs classiques de la gauche politique – internationalisme, droits de l’homme universels, atténuation des conséquences sociales du capitalisme. Aujourd’hui, le parti fait avancer la nouvelle division du monde en «nous contre eux», mène des guerres de changement de régime sous couvert des droits de l’homme et rejette largement la politique sociale-démocrate historique. Le parti de John F. Kennedy est devenu étrangement le chef de ce que beaucoup d’observateurs appellent le « parti de la guerre .»
Le déplacement de l’ancien centre-gauche politique américain vers la droite est le résultat direct de l’influence croissante de ce que le président Dwight D. Eisenhower appelait le complexe militaro-industriel. Après le 11 septembre, cet amalgame de l’armée, des services secrets, de la bureaucratie et de l’industrie a vu George W. Bush augmenter considérablement son budget, qui dépasse aujourd’hui celui de tous les autres pays du monde réunis. Malgré la fin de la guerre froide, cette remilitarisation des États-Unis a été favorisée par le fait que tous les présidents américains depuis Ronald Reagan, à l’exception de Donald Trump, ont entretenu des liens étroits avec l’armée ou les services secrets. Après 2001, tout nouveau gouvernement entrant en fonction, quel que soit l’appartenance politique du président, était censé poursuivre l’agenda préétabli de la guerre sans fin, justifiant ainsi le budget alloué. Cette continuité du gouvernement explique, par exemple, pourquoi Victoria Nuland, une néo-conservatrice qui avait déjà participé à la guerre en Irak sous le vice-président de George W. Bush, Dick Cheney, travaille aujourd’hui dans le gouvernement Biden.
C’est Mme Nuland qui, en 2014, en tant que sous-secrétaire d’État au département d’État d’Obama, a fomenté le coup d’État de Kiev contre le président élu Viktor Ianoukovitch et qui, sous Biden 2022, est en train de provoquer une guerre totale en l’Ukraine. Et c’était un coup d’État et non une décision démocratique des Ukrainiens, comme l’a reconnu le chef de la « CIA privée » Stratfor, George Friedman. On peut dire qu’une guerre ouverte avec la Russie était déjà prévue à l’époque. Cependant, le manque d’instruction et d’équipement de l’armée de Kiev, révélé récemment, indique que les États-Unis n’étaient pas vraiment préparés à ce scénario. Le cas de l’Ukraine montre clairement à quel point la bureaucratie de Washington est dépassée par les défis d’une guerre sans fin. Les revers sont trop évidents, dus d’une part à l’opposition économique, politique et militaire croissante des pays cibles et, d’autre part, à l’effondrement de la phalange alliée.
Une résistance croissante
Sans vouloir approuver ou justifier l’invasion de Poutine en Ukraine, n’importe quel gouvernement russe aurait finalement été contraint de répondre militairement à la menace d’une guerre sans fin en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye et en Ukraine. Ce que le ministère américain de la Défense et des groupes de réflexion comme RAND décrivent aujourd’hui comme une Russie agressive et renaissante est le résultat de leur propre stratégie des 20 dernières années. Par exemple, une étude RAND de 2019 décrit six directions d’attaque régionales contre la Russie dans une guerre d’usure[1]. L’invasion de l’Ukraine par Poutine vise à éliminer trois d’entre elles: l’étranglement économique de la population d’origine russe en Transnistrie (une partie de la République de Moldavie près d’Odessa), le changement de régime en Biélorussie et l’attaque finale de la guerre civile ukrainienne contre la région sécessionniste du Don en mars 2022. En bas.
Cette dernière guerre, menée par le gouvernement ukrainien avec le soutien déguisé des États-Unis, principalement contre les Russes de souche et les Ukrainiens russophones, a probablement fait plus de dix mille victimes civiles entre le changement de régime de Kiev en 2014 et l’invasion russe en février 2022. La population située entre Marioupol, Donetsk et Lougansk, qui s’était prononcée lors d’un référendum en 2014 en faveur d’un rattachement à la Russie, a en fait été déclarée ennemie par le nouveau régime de Kiev et traitée depuis lors avec hostilité. Quelqu’un au sein de l’administration américaine aurait-il sérieusement envisagé que la Russie accepterait la menace d’un nettoyage ethnique d’une région comme conséquence de l’attaque prévue? Poutine est critiqué en Russie pour avoir attendu trop longtemps et tenté de négocier une issue à la guerre civile par l’accord de Minsk, que ni Kiev ni Washington n’ont jamais voulu mettre en œuvre.
La question de l’élargissement de l’OTAN a été soulevée par la Russie il y a longtemps.(2007) Le département d’État a décidé d’ignorer l’évidente proposition historique de solution concernant l’Ukraine, à savoir le traité de 1955, par lequel l’Autriche a été admise dans l’UE après la Seconde Guerre mondiale, mais pas dans l’OTAN. Et le Pentagone a-t-il sérieusement cru que la Russie accepterait plusieurs dizaines de laboratoires biologiques qu’elle a parrainés et dont la mission est douteuse dans un État instable qui se trouve à sa porte et qui est en proie à un conflit interne de longue date? Il semble que les responsables du gouvernement américain aient oublié que l’Ukraine, en tant qu’État successeur de l’Union soviétique, était la troisième puissance nucléaire mondiale avant de renoncer à ces armes dans le mémorandum de Budapest de 1994. En février 2022, le pays avait en tout cas les capacités techniques nécessaires pour développer rapidement des armes nucléaires, et en plus, il avait laissé entendre au monde entier qu’il pourrait avoir l’intention de le faire. Même si Poutine a peut-être exagéré ces problèmes, la guerre en Irak de 2003 nous rappelle la fermeté avec laquelle les États-Unis ont réagi aux menaces des armes de destruction massive, en grande partie insignifiantes dans ce pays. Malheureusement, Washington ignore également qu’une Ukraine entièrement armée en dehors de l’OTAN aurait également constitué une menace pour la sécurité nationale des États-Unis.
Le passage de la guerre secrète à la guerre ouverte en Ukraine, favorisé par ces nombreuses erreurs d’appréciation, a été préparé par l’échec presque total de contrôle du gouvernement. Le Congrès américain, dont l’opposition parlementaire est très limitée au « parti en guerre », est aujourd’hui largement déchargé de cette fonction en raison d’une tendance croissante à censurer les opinions divergentes. La véritable opposition politique a lieu en dehors du parlement ou au niveau des États, où les compétences en matière de politique étrangère et militaire font souvent défaut. En particulier, la guerre en Syrie d’Obama, également menée clandestinement et finalement perdue face à la résistance de la Russie, n’a pas été réglée. La perte totale de l’Ukraine, qui est toujours là, signifierait la défaite définitive de ce système de gouvernement de plus en plus rigide et inébranlable. Même le nouveau partage plus large de l’Ukraine, qui conserve certains visages et semble être une priorité pour la Russie, révélera les problèmes.
Des alliances fragilisées
Ces raisons de confrontation avec la Russie sont ignorées par la plus grande partie du monde. Seules les populations et les systèmes politiques d’Amérique du Nord et d’Europe, qui font l’objet d’une propagande massive, sont à peine capables de les reconnaître et de les critiquer. Une coalition de pays émergents s’est formée pour s’opposer concrètement à la guerre financière et économique de l’Occident contre la Russie, alternative à une intervention militaire directe. Tout d’abord, la Chine soutient la Russie parce qu’elle sait que c’est l’objectif à long terme des guerres de changement de régime. La Chine accuse officiellement les États-Unis d’avoir une mentalité de guerre froide. Mais l’Inde, dont le poids géopolitique ne cesse de croître, ne participe pas non plus aux sanctions. L’ancien ambassadeur de l’Inde en Russie, D. Bala Venkatesh Varma, représente la politique dominante là-bas quand il dit: «Ce n’est pas un conflit que nous avons créé. »
Ce qui est particulièrement désagréable, est que les États-Unis ont perdu leur soutien dans une grande partie du Moyen-Orient après avoir dépensé des milliards d’argent public pour entretenir des guerres dans la région. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis critiquent Washington en refusant les sanctions, tandis que la Turquie, l’ennemi historique de la Russie, se retrouve dans un rôle de médiateur neutre. Même Israël hésite à soutenir la position belliciste américaine en Ukraine. Les tentatives d’amener les pays ciblé shier par l’administration américaine comme nécessitant le renversement du gouvernement élu, l’Iran et le Venezuela, sont invités aujourd’hui à produire plus de pétrole ! Enfin, l’Amérique latine, y compris des poids lourds comme le Mexique et le Brésil, l’Afrique, y compris l’Afrique du Sud, et la plupart des autres pays asiatiques, à l’exception des enclaves occidentales du bord du Pacifique, ne se joindront pas aux sanctions contre la Russie. L’Europe, pauvre en matières premières et tributaire du commerce, a le choix entre le suicide économique et la dilution des sanctions au point de rejoindre le reste du monde.
L’Europe doit agir
La priorité actuelle du gouvernement américain semble être d’ignorer cet affaiblissement géopolitique flagrant et de se concentrer sur la consolidation de son alliance politique avec la Grande-Bretagne et ses alliés d’Europe de l’Est. Cela signifie continuer à armer l’Ukraine et mener une guerre par procuration contre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien. Dans le même temps, elle pourrait lancer une guerre ouverte autour de l’Ukraine, y compris des attaques directes contre la Russie, en réaction à l’échec de la guerre financière et économique. Des signes de ce dernier phénomène se manifestent déjà, comme le mystérieux naufrage du navire de guerre russe Moskva et les attentats contre des installations de ravitaillement au cœur de l’arrière-pays russe. Une extension même à une guerre conventionnelle limitée au niveau régional avec cette nouvelle coalition de volontaires - à l’image de la guerre civile russe Blancs contre Rouges du début des années 1920 - déchirerait l’Occident politiquement et l’Europe pour des décennies.
Beaucoup en Europe, et notamment en Allemagne, se sont joints à l’indignation de l’opinion publique à propos de l’invasion russe. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui espèrent secrètement que la prise de conscience des erreurs d’appréciation du gouvernement s’élargit et, en 2022, un débat alertant sur les risques d’une guerre interminable au sein des États-Unis est lancé. Un Congrès dominé par les républicains pourrait augmenter la pression nécessaire sur le gouvernement, accorder à nouveau la priorité à la diplomatie et au commerce par rapport à l’intervention militaire et aux sanctions économiques afin de mettre un terme le plus rapidement possible à la guerre et de renforcer les alliances fortement menacées avec les économies émergentes.
Une telle initiative rendrait obsolète, sur le plan stratégique, un Poutine au pouvoir depuis 22 ans usé, en l’absence de menace sur les intérêts russes , rendrait moins nécessaire l’alliance de la Russie à la Chine. Mais un débat purement interne aux États-Unis, face à l’affaiblissement du système politique après plus de 20 ans de guerre sans fin, ne suffira plus à nourrir de nouvelles approches : l’Europe, en particulier, doit : Au lieu de se détourner du tambour de la propagande, doit, dans l’intérêt de tous, faire pression pour un changement à court terme à Washington afin d’éviter la catastrophe économique, politique et peut-être même militaire qui menace le continent.
L’auteur est un analyste financier, économique et géopolitique qui a 30 ans d’expérience professionnelle dans plus de 50 pays du monde, dont presque tous les États issus de l’ex-Union soviétique. Il écrit sous un pseudonyme.
Photo de couverture : Claudine Van Massenhove / Shutterstock
[«1] media.washtimes.com/media/misc/2019/04/24/RAND_RR3063.pdf