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Billet de blog 29 avril 2022

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L’histoire récente  de l’OTAN, de l’Ukraine et les craintes de Poutine

comment une idée fausse devient un mythe déversée par les médias contre toute évidence, déconstruire un mythe dangereux pour l'Europe et le Monde.

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L’histoire récente  de l’OTAN, de l’Ukraine et les craintes de Poutine

by Richard W. Miller  publiée par www.counterpunch.org/2022/04/28/the-backstory-of-nato-ukraine-and-putins-fears/ traduction libre de Jean Bachèlerie

Une idée fausse mais  très répandue :la relation de l’OTAN avec l’Ukraine a été promue et entretenue par le silence  et les mensonges par les experts. Selon ce mythe, le lien entre l’OTAN et l’Ukraine, avant la terrible invasion actuelle par l’armée Russe, était la demande d’adhésion de l’Ukraine et le refus de l’OTAN. En fait, au cours des 14 dernières années, la politique  de l’OTAN est allée bien au-delà de  la question de l’adhésion à l’OTAN, , par  des actions  incluant des opérations militaires conjointes et répétées en Ukraine. Cette implication, s’est accompagnée de la volonté américaine de façonner la politique ukrainienne, cela n’affecte en rien la responsabilité morale de Poutine pour le carnage qu’il inflige. Mais reconnaître ces faits devrait  modifier radicalement notre perception de la situation et nous permettre de trouver une réponse appropriée.

En 2008, William Burns, alors ambassadeur des États-Unis en Russie et maintenant directeur de la CIA, a télégraphié de Moscou : « L’entrée de l’Ukraine à l’OTAN est la plus brillante de toutes les lignes rouges pour l’élite russe (pas seulement Poutine) … Je n’ai encore trouvé personne qui considère l’Ukraine au sein de l’OTAN comme autre chose qu’un défi direct aux intérêts russes. » Comme le laisse entendre le câble de Burns, l’Ukraine revêt une importance géopolitique particulière pour la Russie. C’est le deuxième plus grand pays d’Europe, après la Russie,   frontalier du nord de la mer Noire, avec une frontière terrestre de 2000 km avec la Russie. Néanmoins, à la fin du Sommet de l’OTAN tenu à Bucarest en 2008, alors que l’élargissement aux frontières de la Russie était pratiquement achevé, l’OTAN, conduite par les États-Unis, a déclaré son accord sur son achèvement: « Nous sommes convenus aujourd’hui que ces deux pays [l’Ukraine et la Géorgie] deviendront membres de l’OTAN .» (NDLR A Merket et Nicolas Sarkozy ont mis leur veto à ces demandes d’adhésion)En 2011, un rapport de l’OTAN indiquait que « l’Alliance aide l’Ukraine ... à préparer la politique de défense et à former du personnel, ... à moderniser les forces armées et à les rendre plus interopérables et plus aptes à participer à des missions internationales » – coopération internationale qui comprenait déjà un exercice naval conjoint en mer Noire avec les États-Unis.

Le 22 février 2014, d’importantes manifestations de plus en plus instrumentalisées se sont déroulées sur la place de l’Indépendance à Kiev et ont conduit au renversement d’un président élu en toute légalité, soutenu par  les régions autonomes russophones de l’Est, son tort :  et il  avait cherché à équilibrer la coopération avec l’OTAN et par de bonnes relations avec la Russie,  et était opposé à l’adhésion à l’UE.

Porochenko destitué,, un gouvernement fortement pro-occidental a accouché, avec l’aide vigoureuse des États-Unis comme «sage-femmes», comme l’a déclaré l’ambassadeur américain lors d’une conversation téléphonique interceptée par les Russes. La Russie a occupé la Crimée et envoyé un soutien militaire aux forces sécessionnistes de l’Est.


La réponse Européenne a été les accords de Minsk de 2014 et 2015, signés par les représentants de l’Ukraine, de la Russie et des régions séparatistes. Ils visaient une autonomie compatible avec la souveraineté de l’Ukraine dans les régions orientales et la neutralité de l’Ukraine, avec des garanties internationales, y compris le « retrait de toutes les formations armées étrangères . . . [et] du matériel militaire du territoire ukrainien » et la surveillance permanente de la frontière russo-ukrainienne.

La réaction de l’OTAN a été une opposition déterminée à ces accords: une intensification considérable des activités militaires conjointes en Ukraine, y compris l’opération Guardian sans peur en 2015, au cours de laquelle la 173e aéroportée a entraîné trois brigades ukrainiennes sur une période de six mois. Le Sommet de l’OTAN à Bruxelles en juin 2021 a déclaré: « Nous réitérons la décision prise au Sommet de Bucarest de 2008 selon laquelle l’Ukraine deviendra membre de l’Alliance. . . Nous nous félicitons de la coopération entre l’OTAN et l’Ukraine en matière de sécurité dans la région de la mer Noire. Le statut de partenaire d’opportunités accrues accordé l’an dernier donne un nouvel élan à notre coopération déjà ambitieuse . . . avec la possibilité d’effectuer davantage d’exercices conjoints . . . .

Les manœuvres et  la coopération militaire accrue ajoutés  au renforcement des capacités  des Alliés et l’Ukraine, y compris la Brigade lituanienne-polonaise-ukrainienne, accentuent encore cet effort. Nous apprécions hautement les contributions importantes de l’Ukraine aux opérations alliées, à la Force de réaction de l’OTAN et aux exercices de l’OTAN. » En mars 2021, Poutine avait commencé à déplacer ses forces militaires vers l’Ukraine. Le 24 février 2022, il annonce la terrible invasion, dénonçant « l’expansion à l’Est de l’OTAN, qui rapproche de plus en plus ses infrastructures militaires de la frontière russe .»

Cette histoire apporte la preuve que la décision de V Poutine d’envahir l’Ukraine est due à la volonté affirmée par l’OTAN de s’engager au-delà de la ligne rouge de Burns, malgré le veto de l’Allemagne et de la France, Cela ne justifie en pas la guerre d’Ukraine, , pas plus que le fait de laisser mon portefeuille sur un siège dans ma voiture déverrouillée affecte la responsabilité morale d’un voleur de portefeuille pour son vol. Mais le rappel des causes de l’agression de Poutine devrait changer notre évaluation de cette guerre et permettre de trouver une réponse appropriée.

D’une part, si la voie de la négociation avait été privilégiée

les négociations entre l’Ukraine et la Russie visant à la neutralité ukrainienne auraient permis d’éviter cette horrible guerre. Le 16 mars, le négociateur en chef ukrainien et le négociateur en chef russe ont déclaré séparément leur ouverture à un tel règlement, ouverture affirmée par Zelenski le 21 mars. Les progrès ont été entravés par le fait que Biden a qualifié Poutine de « criminel de guerre » le 16 mars, qu’il a déclaré le lendemain que Poutine est « un pur voyou » et que l’ambassadeur américain à l’ONU a affirmé le 20 mars que « les Russes n’ont pas voulu d’une solution négociée et diplomatique .» Supposons, au contraire, que l’ethno nationalisme grand-russe enraciné soit ce qui pousse Poutine à unir de manière agressive Russes et Ukrainiens en une seule nation souveraine, ou qu’il soit poussé par un désir irrépressible de restaurer la grandeur de l’Empire russe. Ces hypothèses rendent plus difficile l’explication du calendrier des incursions russes, plaident en faveur d‘un refus de négocier,  efforts voués à l’échec lorsqu’il fallait faire face à la force, malgré le carnage que représente cette guerre.

Le choix entre ces hypothèses a une importance fondamentale et  mondiale  pour juger les arguments actuels en faveur d’une politique étrangère américaine plus agressive et militarisée. Des défenseurs éminents tels que Robert Gates, secrétaire à la Défense de G.W. Bush et Obama et directeur de la CIA de G.H.W. Bush, ont affirmé que l’invasion de la Russie exprimait une impulsion irrépressible, parallèlement à une aspiration qui pousse la Chine, à «récupérer la gloire passée» et à «restaurer l’Empire russe» et ont appelé à mettre un terme aux 30 ans d’inaction  des «américains» ,changement radical «, y compris » en renforçant l’armée et en la modernisant dans tous les secteurs pour rivaliser de manière ouverte avec la Russie et la Chine qui accroit considérablement son influence...politique  qui a  joué un rôle important dans la victoire de la guerre froide .»

 Robert Kagan plaide pour la même montée en puissance pour contrer la volonté de la Russie » d’exercer son influence traditionnelle» résultant de son impérialisme séculaire», une volonté parallèle aux aspirations chinoises de revenir à la domination traditionnelle de l’Asie de l’Est. Stephen Kotkin fonde ses appels aux armes sur la nécessité de résister à la «géopolitique perpétuelle» de la Russie, qui considère la Russie comme une «puissance providentielle» et des impératifs similaires en Chine.

La prise de conscience du rôle de l’OTAN en Ukraine devrait raviver les craintes d’un retour des souffrances que la reprise de la guerre froide pourrait causer dans le monde entier. Evidemment le rappel du carnage que les États-Unis ont infligé au monde pour maintenir leur hégémonie géopolitique est essentielle pour résister à ces appels. Mais cacher l’implication américaine en Ukraine permet de susciter  le rejet largement justifiée face de la brutalité de Poutine en Ukraine pour affaiblir la volonté de résister. Ce mythe doit absolument  être dénoncé et combattu.

Richard Miller est professeur émérite d’éthique et de vie publique à l’Université Cornell. Ses écrits sur la politique étrangère américaine incluent «Globalizing Justice: The Ethics of Poverty and Power» (Oxford University Press, 2010).

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