Jean Baubérot-Vincent (avatar)

Jean Baubérot-Vincent

Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

Abonné·e de Mediapart

133 Billets

1 Éditions

Billet de blog 12 août 2024

Jean Baubérot-Vincent (avatar)

Jean Baubérot-Vincent

Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

Abonné·e de Mediapart

La fête est finie : merci aux « anonymes ». Antisionisme et antisémitisme

Ne boudons pas notre plaisir : la fête des JO nous a fait du bien, après ces calamiteuses semaines de juin et début juillet. Nous en avions bien besoin, d’autant plus que nous avions risqué le pire. Mais voilà, les JO eux-mêmes comportaient leur part d’ombre et, pendant qu’ils se déroulaient, la terre a continué d’aller mal.

Jean Baubérot-Vincent (avatar)

Jean Baubérot-Vincent

Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ne boudons pas notre plaisir : la fête des JO nous a fait du bien, après ces calamiteuses semaines de juin et début juillet. Nous en avions bien besoin, d’autant plus que nous avions risqué le pire : Paris devenue provisoirement « capitale du monde », des milliers de journalistes de tous les pays présents sur notre sol, avec … un gouvernement d’extrême-droite au pouvoir en France ! Et même ce danger écarté, réussir le pari de transformer la capitale, et quelques autres villes, en lieu de fête n’avait rien de gagné d’avance.

Nos appréhensions étaient légitimes : le fiasco de la finale de foot quelques mois plus tôt l’avait montré. Sans compter le risque, toujours présent, d’un attentat terroriste. Mais, jour après jour, ces craintes ont fondu comme neige au soleil[1]. On s’est laissé gagner par l’euphorie, on s’est même donné de plaisir de se montrer un peu « beauf » en vibrant aux exploits d’Antoine Dupont, de « notre » équipe de rugby à 7, puis de nombreux autres athlètes français, tout en applaudissant sans réserve les autres. Mention spéciale à la médaille d’or de la représentante de Sainte Lucie. Si on effectue un ratio entre le nombre de médaille(s) et le nombre d’habitants, ce pays de  176.000 habitants personnes devance les USA et la Chine au classement- des nations. Vive Sainte-Lucie et sa championne !

J’ai toujours souligné que le non-événement n’était pas naturel mais s’avérait le résultat heureux de multiples actions sociales. Que rien de dramatique n’ait gâché la fête a été obtenu grâce au travail, aux efforts et à la compétence de milliers de professionnels et de bénévoles. Nous leur devons un magnifique « Merci », analogue à celui qui a salué soignantes et soignants lors de la Covid 19. Celles et ceux que l’on qualifie parfois de « héros de l’ombre » ont vraiment droit à notre gratitude, à notre reconnaissance. « Un travail titanesque » a écrit, avec justesse, Le Parisien.

Mais voilà, les JO eux-mêmes comportaient leur part d’ombre (les « sans abri » délogés) et, pendant qu’ils se déroulaient, la terre a continué d’aller mal. Mediapart nous l’a rappelé et c’était son travail. Alors que la fête vient de s’achever, Gaza approche des 40.000 morts. Des missiles israéliens y ont tué, samedi, 93 personnes et, depuis dix mois, plus de 85% des écoles ont été endommagées ou détruites.

Effectuant les habituels rangements de vacances, j’ai retrouvé un article que j’avais publié dans l’hebdomadaire protestant Réforme, le 1er août 2002, il y a donc 22 ans. Il s’intitulait « Antisionisme-antisémitisme ». J’ai été frappé par le fait qu’il suffirait d’actualiser quelques mots pour qu’il paraisse avoir été écrit ces jours-ci. On risque d’oublier, au fur et à mesure des années, ce que les Palestiniens subissent depuis des décennies. Et, par ailleurs, notre soutien au peuple palestinien doit être sans aucune ambiguïté. C’est pourquoi je reproduis ce texte in-extenso.

Le voici :

« Je viens de recevoir des textes publiés par l’Observatoire du monde juif, au moment où le cycle infernal des violences israélo-palestiniennes est relancé. Lorsque l’Observatoire dénonce le « terrorisme aveugle », sa « vision essentialiste de l’ennemi », ses victimes qui peuvent être des « nouveaux nés, des adolescents et des vieillards », on est d’accord, mais on doit constater qu’il s’agit de propos boomerang.

« Les auteurs parlent des « kamikazes palestiniens » mais leurs dires s’appliquent aussi au terrorisme d’Etat israélien. Le bombardement de civils à Gaza n’est pas le premier et, hélas, sans doute pas le dernier non plus. Cela ne disqualifie pas leur entreprise : combattre tout renouveau de l’antisémitisme car personne n’est à l’abri des « démons ». Derrière leurs écrits, on sent une blessure à vif que les protestants sont parmi les plus aptes à comprendre et à respecter. Seulement voilà, s’ils admettent, en principe, le « droit de critiquer Israël », on a l’impression, à les lire, que l’antisionisme n’est jamais pour eux que le masque de l’antisémitisme.

« Malheureusement, cela peut parfois être le cas. Il n’en reste pas moins que le sionisme est une idéologie, une politique, un combat. S’y opposer n’a, en soi, rien de « raciste ». Pour analyser les différences et les rapports éventuels entre antisionisme et antisémitisme, comparons-les avec ceux qui existent entre anticléricalisme et antireligion.

« L’anticlérical combat ce qu’il estime être la propension d’une religion à dominer dans un lieu et un temps donné. L’antireligieux, quoi que puisse faire la religion, trouve toujours une raison pour dire qu’elle a tort. Des gens peuvent prétendre être anticléricaux, alors qu’ils sont en fait antireligieux. Mais les anticléricaux, non antireligieux, ont rendu service au christianisme en contestant ses aspects dominateurs.

« De même, ceux qui voient partout un « complot juif » sont manifestement antisémites, même s’ils se parent d’antisionisme. En revanche, ceux qui se réjouissaient des accords d’Oslo et de la politique d’Itzhak Rabbin (tué, rappelons-le, par un colon israélien) et qui sont opposés aux actions de Sharon, ceux-là sont d’authentiques antisionistes et leur position mérite, elle aussi, le respect. »

[1] Contrairement à d’autres, je n’ai cependant pas été totalement convaincu par la cérémonie d’ouverture. Certes, la Seine formait un très beau décor et plusieurs scènes étaient vraiment très chouettes, comme Aya Nakamura sortant de l’Académie française pour danser avec la Garde républicaine, beau pied de nez aux attaques racistes, ou encore les belles statues de femmes émergeant de l’eau, … Mais je n’ai guère aimé la séquence, de Marie-Antoinette guillotinée. Cela pour deux raisons, d’abord c’était un pur et simple plagiat : les « Enfoirés » avaient présenté exactement la même scène lors de leur concert annuel ; ensuite et surtout, ce qui aurait été réellement transgressif, aurait consisté à montrer Danton et Robespierre guillotinés ; là on aurait (enfin !) affronté l’événement fondateur de la France moderne, la Révolution française, dans son ambivalence, angle mort du « roman national » à la Pierre Nora. Ce qu’on ne pouvait demander aux Enfoirés, on était en droit de l’exiger de Patrick Boucheron. Occasion ratée.  Dommage !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.