Pour ce qui est de la fille, elle s’est montrée la digne héritière de son père. La loi du sang qu’elle souhaite instaurer pour maintenir l’identité de la France s’est trouvée vérifiée dans sa parole. Le Monde, en particulier, a montré combien le mensonge structurait ses propos. Son discours s’est développé avec uneexpression de mépris, sinon de haine pour son contradicteur. Elle s’est dépouillée, en moins de trois heures, des masques successifs qu’elle avait empruntés, le temps d’une campagne, et des oripeaux qu’elle avait endossés pour faire « candidate » à présider une démocratie. Son sourire — qui se voulait ironique, et recherchait la complicité et la connivence avec ses auditeurs —, avait sa source dans sa mâchoire ; il se prolongeait, et s’achevait, dans l’exhibition d’une dentition qui semblait n’avoir de fonction que celle de mordre.
Son propos et son énonciation ont saboté ce qui aurait dû être un débat contradictoire entre deux adversaires politiques.
Devant ce flux d’attaques sur sa personne, son contradicteur a eu le grand mérite de conserver son sang froid et de demeurer sur le registre de l’argumentation et de la raison. Pourtant, on aurait pu attendre que Macron aborde des thèmes qui sont trop peu présents dans son projet. Le manque de son projet : la lutte contre les inégalités sociales et économiques ; la nécessité de combattre les causes structurelles de ces dernières ; une considération plus marquée pour la bataille écologique…
Il ne s’agissait pas d’attendre de sa part des concessions au programme des candidats de gauche du premier tour. L’enjeu, pour le futur président qu’il doit devenir, est de prendre en compte ce qui ne relève pas d’une logique de chiffres ou de dispositifs techniques — ce qui est constitutif d’une pensée d’ingénieur ou de technocrate. On ne peut se priver de réunir dans un projet présidentiel, “en même temps”, pour reprendre son vocabulaire, le réalisme économique et les moyens d’une transformation sociale qui s’appuie sur les forces vives et progressistes de la nation.