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Billet de blog 9 octobre 2023

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Quelques vérités intempestives sur la Palestine et Israël (suite)

L'attaque du territoire israélien par le Hamas provoque un flot de réactions et son lot bien franco-français d'indécentes polémiques. Un général célèbre s'exhortait à aller au Moyen Orient compliqué avec des idées simples. S'il y a deux idées simples c'est que le Hamas est l'allié objectif des gouvernements israéliens et que la politique d'Israël conduit à une impasse suicidaire et criminelle.

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L'attaque du territoire israélien par le Hamas provoque un flot de réactions et son lot bien franco-français d'indécentes polémiques. Un général célèbre s'exhortait à aller au Moyen Orient compliqué avec des idées simples. S'il y a une idée simple c'est que le Hamas est l'allié objectif des gouvernements israéliens et que la politique d'Israël conduit à une impasse suicidaire et criminelle. L'ancien diplomate Élie Barnavi l'a parfaitement expliqué dans Le Monde du 8 octobre (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/08/elie-barnavi-l-attaque-du-hamas-resulte-de-la-conjonction-d-une-organisation-islamiste-fanatique-et-d-une-politique-israelienne-imbecile_6193197_3232.html). La seconde idée simple est que les Palestiniens ne seront sauvés que s'ils n'attendent rien des pays arabes qui les ont toujours instrumentalisés quand ce n'a pas été de les réprimer , ni de l'Autorité palestinienne dans son état actuel, ni des "grandes puissances".

Si on ne tient pas ensemble ces deux propositions on tombe dans le plus stupide des "campistes": "je suis contre la politique de Netanyahu , DONC j'applaudis tout ce que ses adversaires font contre elle"; ou on tombe dans le "soutien inconditionnel", aveugle d'Israël et on ne se permet aucune critique de sa politique.

Il faut essayer de dire quelques vérités de fait. De fait, et non pas des interprétations. 

Il est de fait que le Hamas, comme le Jihad islamique et, dans une moindre mesure, le Hezbollah libanais, n'ont jamais rien fait pour la cause palestinienne. Les Palestiniens le savent bien au fond. C'est une histoire aussi longue que les soixante quinze ans d'existence déniée et bafouée: les pays arabes "frères" ne sont intervenus que pour utiliser des groupes palestiniens qu'ils contrôlaient pour leurs manœuvres locales. Et ça continue. La "question" palestinienne embarrasse les pays arabes qui mènent une diplomatie, jusqu'à des accords avec Israël (pourquoi pas, mais) sur le dos des Palestiniens. Dans une situation désespérante, faite d'occupation illégale, de progrès des colonies, de provocations des fanatiques juifs protégés souvent par l'armée, beaucoup de Palestiniens se réjouissent des coups portés à des Israéliens. Quitte à savoir que pour la énième fois l'aviation israélienne va faire des "cartons" à Gaza et l'armée pourchasser les militants dans les camps des territoires occupés. Mais faut-il, en France, faire la même chose? Tempérer sa condamnation des crimes de guerre commis par les soldats du Hamas par le rappel des actes de l'Etat israélien est aussi lamentable que de condamner du bout des lèvres l'agression russe de l'Ukraine, sous des raisons, empruntées à Poutine et ses idéologues, qui reviennent en définitive à estimer que tuer, détruire, massacrer, torturer, violer, kidnapper des civils est chose normale. Qu'on nous explique ce qui distingue ce genre de raisonnement de propos tenus par des fascistes.

Qu'on se demande ce que veut le Hamas. Il ne sert à rien. Dans un projet de trouver une issue politique au drame des Palestiniens, le Hamas est hors-jeu, puisque ce qu'il veut c'est la destruction  de l'État israélien et la dispersion des habitants pour revenir à la situation de 1947. Cela explique que le Hamas n'a non seulement jamais soutenu les mouvements de résistance à l'occupation, mais a toujours agi pou détourner l'attention de l'opinion quand des Palestiniens sont arrivés à faire reculer la police lors de la crise du quartier Sheikh Jarrah et des provocations de Juifs fanatiques autour de la Mosquée d'Al-Aksa. Les Palestiniens étaient en train de construire l'organisation populaire, loin de Mahmoud Abbas et de son gouvernement impuissant et corrompu. Il faut être au clair, au nom de la solidarité avec la Palestine, sur  la Cause palestinienne. Elle consiste à donner un État aux Palestiniens pour qu'ils soient un peuple comme les autres, un peuple reconnu et qui parle à tous. Un État sur un territoire continu, jouissant de la sécurité, sur lequel la souveraineté palestinienne est complète. Un État, un peuple, un territoire, débarrassés de l'insupportable tutelle israélienne. On sait que l'issue possible de la crise de 75 ans est deux États. Tout ce qui détourne de ce but est anti palestinien. Sans doute dans l'immédiat et en attendant de parvenir à ce but, les Palestiniens sont fondés à résister à l'occupation et à la colonisation rampante des territoires occupés. Mais le Hamas n'est pas partie prenante de cet horizon à construire nie même de la résistance qu'il ne soutient que si cela lui permet d'affaiblir l'OLP et l'AP.

Le Hamas est un allié (subjectif) de l'Iran, cet État théocratique tueur de femmes. Si l'Iran aide le Hamas c'est, on s'en doute, pour l'utiliser en fonction de ses intérêts. Rappelons-nous que l'Iran est lui aussi hors-jeu dans la "question" palestinienne, puisque pour lui Israël est à abattre. Il est impossible de contester ces faits. Trouver des raisons de ne pas condamner l'attaque du Hamas sur des civils, dans le comportement criminel de l'armée israélienne relève d'une "logique" puérile de cours de récréation ("tu m'as fait ça, je te fais ça") et non d'une analyse politique. Ajouter des crimes de guerre commis par des Palestiniens aux crimes de guerre commis par les Israéliens ne fait rien avancer en faveur de la cause palestinienne.

Que serait la politique de Netanyahu sans le Hamas? Ou le Jihad islamique? 

La deuxième vérité relève davantage de l'interprétation, mais c'est une vérité politique universelle. Partant du principe que les Palestiniens ne seront sauvés que par eux-mêmes, c'est à eux de se prononcer sur ce point: un État ou deux États? S'ils sont pour la solution à deux États, le plus urgent et le plus difficile est de redessiner les territoires, la terre et ses voies de circulation, c'est-à-dire démanteler je ne sais combien de colonies et le fameux Mur de la honte. Refaire la terre est sans doute le travail le plus décisif et le plus déchirant. Il serait grotesque depuis la France de donner des leçons aux uns et aux autres. Demandons-nous plutôt si nos prises de position aident ou pas à avancer, sans aucun doute à très petites pas, sur la voie d'une issus pacifique au drame existentiel vécu par le peuple palestinien, un peuple sans État, un peuple sans terre, exilé sur ses anciennes terres, dont l'existence même est niée par les ministres d'extrême-droite fanatique de Netanyahu et ailleurs ...

S'ils ne doivent se sauver que par leurs propres forces, que les Palestiniens n'attendent pas d'aide des autres, pays arabes, États-Unis, Union  Européenne et surtout le Hamas.

L'équation de la question moyenne-orientale est la suivante: existence d'israël et de son État, reconnaissance du peuple palestinien et soutien à sa demande de souveraineté et d'indépendance, redessiner les territoires, rejet de l'intervention des forces extérieures et de leurs alliés sur place et en attendant condamnation de la politique israélienne, soutien aux forces démocratiques israéliennes.

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